Stanley et le mystère pascal (2)
Deuxième partie: la Résurrection
Stanley Okonkwo, omv
NDLR : Voici la deuxième partie du témoignage de Stanley :
UN MISSIONNAIRE PARMI SON PEUPLE: MON EXPÉRIENCE DANS UNE BASE MILITAIRE
Les années 2020 et 2021 ont été très difficiles pour tout le monde. Où que nous vivions sur cette planète, nous avons tous subi les effets négatifs de cette pandémie dans nos vies. Nos relations humaines et notre travail ont subi les contre-coups de ce fléau mondial. Voici
Personnellement, j'ai été dévasté par ce qui m’est arrivé. Je me suis même reproché d'avoir voyagé sans savoir ce que Dieu avait prévu pour moi. J’ai totalement oublié la promesse que Dieu nous fait par l'intermédiaire du prophète Jérémie. Dieu dit : "Moi, je connais les pensées que je forme à votre sujet- oracle du Seigneur -, pensées de paix et non de malheur, pour vous donner un avenir et une espérance " (Jérémie 29:11).
Les premiers jours après mon refus à l'aéroport ont été très difficiles. Je ne savais que faire et j'ignorais ce que l'avenir me réservait, jusqu'à ce que le Délégué des Oblats de la Vierge Marie au Nigéria me demande si je serais prêt à aider un confrère Oblat qui est aumônier militaire et qui a avait besoin d'aide à ce moment précis. Il devait suivre une formation pour jeunes officiers qui durerait trois mois et il me suppliait d'accepter de le remplacer pendant le temps où il serait absent. La base militaire est une paroisse. Le rôle de l'aumônier est donc celui d'un curé: présider les messes, les baptêmes, les mariages, etc. Mon confrère Oblat était devenu curé de la paroisse tout récemment, seulement deux semaines avant de partir pour sa formation comme officier. Et pendant ces deux semaines, il n'avait célébré qu'une messe dominicale avec ses paroissiens.
En apprenant ce qu'on attendait de moi, je me suis dit: "Regardez ces gens; est-ce qu’ils s’attendent à ce que je reste dans ce pays durant trois mois ?" Même si à ce moment-là, Montréal était encore confiné et que par conséquent mon absence ne serait pas trop remarquée, je ne voulais vraiment pas rester en dehors de mon lieu d’affectation principale pendant 3 mois. Cette pensée troublait mon esprit. Mon visage devait en dire long car à sa vue, le délégué s'est contenté de me demander d'y réfléchir pendant quelque temps, tout en précisant que quant à lui, il aimerait beaucoup que j'accepte cette proposition. Il a aussi ajouté que je pourrais facilement quitter la paroisse si ma situation se résolvait.
Mon confrère aumônier m’a téléphoné et m'a supplié de venir à son aide tout en me disant que selon lui, c'était Dieu qui m'envoyait à son secours. J’ai accepté à contrecœur mais à deux conditions: la première étant que lorsque mes documents seraient prêts, je partirais immédiatement pour le Canada et la seconde condition était que je ne resterais pas les trois mois au complet. Je lui ai dit que je resterais quelque temps, mais que quelqu’un d’autre viendra ensuite me remplacer. À ce moment-là, j’étais encore très en colère face à ma situation. J’avais perdu tout intérêt, à tel point que je n'avais même par le goût de faire des démarches à Immigration Canada, en vue de l'obtention de mon permis de travail, ce qui me rendrait éligible pour revenir au Canada. J'étais vraiment affaibli psychologiquement.
Je n’ai jamais été enthousiaste à l’idée d’aller à cette base militaire. Premièrement à cause de son emplacement. La base était située à environ cinq heures de route de la communauté Oblate la plus proche, dans une ville appelée Kontagora, qui est dans l’état du Niger et complètement coupée des grandes villes. Je serais aussi très loin de ma famille et de mes amis, qui demeurent à quinze heures de route environ. Je vivrais donc isolé, moi qui ai toujours vécu en communauté ou parmi mes proches. De plus, je n'avais jamais séjourné sur une base militaire. Et même si j'ai dit à quelques reprises à mes confrères du Canada que j'aimerais un jour être aumônier dans l'Armée Canadienne, cet univers était complètement nouveau pour moi. Pour toutes ces raisons, je me suis dit que je ne resterais sûrement pas longtemps sur la base et que je partirais probablement au bout d’un mois. J'ai fini par accepter, mais à mes conditions. Je ne me doutais pas à ce moment-là, que le bon Dieu avait prévu quelque chose de beau pour moi en cet endroit.
À mon arrivée, j’ai été accueilli par le militaire qui assiste mon confrère aumônier. C’est lui qui m’a fait visiter la paroisse et le presbytère. Le lendemain de mon arrivée, le samedi vingt-trois janvier, j’ai été informé de l'horaire des messes. On m'a dit que je pouvais faire des changements si je le désirais. J'ai insisté pour que tout se fasse comme avant mon arrivée.
La paroisse était composée des militaires et de leurs familles, mais aussi des familles dont les militaires sont postés en zone de guerre, Il y avait aussi quelques veuves dont les maris sont morts en servant la nation. La paroisse était aussi fréquentée par des familles sans lien avec les militaires, mais qui habitaient près de la base militaire. Le premier dimanche où j’ai célébré la messe, j’ai été chaleureusement accueilli par le peuple. Mais, comme c’était ma première célébration avec eux, je gardais un peu mes distances, préférant observer les lieux et connaître un peu les gens avant de me lancer dans l'apostolat.
Lors de ma rencontre et de mes discussions avec le responsable de la catéchèse, j’ai pris conscience que beaucoup de familles de militaires étaient catholiques. Cependant, elles n'étaient pas engagées dans la paroisse car l’ancien aumônier (celui qui a précédé la venue de mon confrère Oblat) était plus un militaire qu’un curé. C’est alors que j’ai compris la raison pour laquelle Dieu m’avait conduit sur cette base militaire. C'était pour que je devienne le pasteur de ces merveilleuses personnes. Car plus je connaissais ces gens, plus je les trouvais merveilleux. Maintenant une nouvelle mission commençait pour moi: être missionnaire parmi mes compatriotes.
La première action que j’ai entreprise en compagnie du responsable de la catéchèse, fut de visiter les familles catholiques dans leur domicile, ainsi que les familles dont un des parents était catholique et l'autre musulman. J’ai été surpris par l’accueil chaleureux qu'ils m'ont réservé. Ils étaient tellement heureux que le prêtre puisse prendre du temps pour leur rendre visite et voir comment ils allaient. J’ai appris que j’étais le premier prêtre à faire cela. Ils en parlaient même à leurs amis qui n’étaient pas catholiques. Ce fut pour moi une grande joie d’avoir pu, grâce à l’aide de Dieu, raviver leur foi. Un autre effet de ma visite a été que les gens sont devenus plus actifs et engagés dans la paroisse. Après avoir rendu visite à toutes les familles vivant sur la base militaire, j’ai également rendu visite à celles qui vivent à l’extérieur de la base. Ils étaient tous très heureux de me rencontrer.
Après environ trois semaines parmi eux, je ne m'étais même pas rendu compte que la tristesse et la colère que j'éprouvais auparavant étaient disparues. Tout d’un coup, j'étais redevenu moi-même: joyeux, heureux et en paix. Ma vie de prière et ma relation personnelle avec Dieu s'étaient grandement améliorées. Grâce à ce bonheur retrouvé, le vingt-trois février 2021, j'ai enfin trouvé la force de contacter Immigration Canada pour demander le permis de travail qui m'est nécessaire pour retourner au Canada.
Lors de mes visites à domicile et de mes interactions avec les gens, je me suis rendu compte qu’il y avait des couples qui n’étaient pas mariés et d’autres qui n’étaient pas baptisés. J'ai eu la joie de ramener certains d'entre eux à la vie sacramentelle. Quelle joie ce fut de les voir recevoir la sainte communion! Parlant de la communion eucharistique, le point culminant de mon travail et de mon séjour sur la base, fut de voir des enfants et des adultes faire leur première communion le jour de Pâques. Pour moi, ce fut une journée remarquable car à travers moi, bien qu’indigne, des gens se sont rapprochés de Jésus.
Je suis resté avec eux pendant environ 6 mois et je suis devenu comme un de leurs membres, ou, pour le dire d'une façon un peu maladroite, comme "une partie d’eux". Il n’y avait aucune différence entre moi et les soldats, parce qu’ils me voyaient comme un soldat, un frère et un ami. En fait, je suis resté plus longtemps que prévu car il m’est devenu difficile de les quitter. Le dimanche où l’on a annoncé mon départ, c’était comme l’annonce de la mort d’un être cher.
Cette communauté aura toujours une grande place dans ma vie, car non seulement elle m'a aidé à surmonter ma peine, mais elle m'a aussi aidé à devenir un meilleur prêtre et peut-être, un jour, un bon pasteur. Les expériences que j’ai acquises ici me seront utiles tout au long de ma vie et dans n’importe quel endroit ou paroisse où Dieu m’enverra.
Enfin, cette expérience m’a appris que le Bon Dieu a toujours un meilleur plan pour nous. Il nous arrive de ne pas le voir, de ne pas le savoir ou de ne pas le connaître, mais si nous avons confiance en Dieu, il nous permettra de le découvrir et de nous en réjouir.
Note: Je remercie mon confrère et ami Stanley d'avoir eu la générosité de nous communiquer son expérience des derniers mois et de l'avoir fait avec autant de franchise et de simplicité. Et à vous qui venez de lire ce témoignage, je vous demande d'adresser une prière à Dieu car Stanley est toujours en attende de recevoir son permis de travail qui lui permettra de revenir chez nous. À ce qu'il m'a dit, il quittera définitivement la base militaire demain. Je suis très heureux d'avoir mis son témoignage en la veille de ce départ qui sera sûrement déchirant, mais aussi très emballant.