La parabole du Père prodigue
Bartolomé Esteban Murillo
Huile sur toile, 236 x 262 cm, circa 1667-70
National Gallery of Art, Washington (photo : Wikiart)
Nous sommes parvenus au quatrième dimanche du Carême, le dimanche appelé "Laetare"(se réjouir) en raison des tout premiers mots de la messe dans l'antienne d'ouverture : "Réjouis-toi". Et nous avons bien raison de nous réjouir en ce dimanche, car nous entendons proclamer la page des évangiles qui est considérée par plusieurs comme étant la plus belle, la plus lumineuse et la plus profonde ; celle qui nous rapporte la parabole du "Père prodigue" ou du "Père Miséricordieux". Le Père prodigue est celui qui donne tout à ses enfants, peu importe le degré d'indifférence, de fermeture ou de rejet de ceux-ci.
Il est très important de savoir pour qui Jésus a prononcé cette parabole. Le début de l'évangile d'aujourd'hui nous le dit très clairement : cette parabole s'adresse aux pharisiens et aux scribes :
"Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! Alors Jésus leur dit cette parabole : "Un homme avait deux fils. ...:» (Évangile selon saint Luc, chapitre 15, verset 2)
Donc cette parabole s'adresse à ceux qui vont tout faire pour que Jésus soit mis à mort, à ses ennemis numéros uns. Jésus veut réveiller les personnes qui se considèrent justes et pures et qui méprisent les autres, c'est-à-dire les personnes qui sont les plus fermées à l'évangile. Comment ne pas penser que Jésus adresserait peut-être cette parabole aux athées d'aujourd'hui qui méprisent sa personne ou se moque de lui en privé et en public, et qui ne ressentent pas du tout la nécessité de changer leurs vies qui sont pourtant peccamineuses à bien des égards.
Une personne athée ne peut pas se considérer pécheresse. Car le péché, dans son essence, est une OFFENSE FAITE À DIEU. C'est pour avoir expérimenté de façon très forte cette vérité, que le roi David est si merveilleux. Car après avoir pris conscience, grâce au prophète Nathan, des péchés très graves qu'il avait commis (l'adultère et le meurtre), il s'est exclamé : "J'AI PÉCHÉ CONTRE LE SEIGNEUR !" (Deuxième livre de Samuel, chapitre 12, verset 13). Oui, tout péché est une offense contre le Seigneur, une offense contre ce Dieu qui nous aime plus que tout.
On dit que le psaume 50 est d'inspiration davidique. Je ne sais pas trop ce qu'on veut dire par là, mais il est vrai que ce psaume peut facilement être mis dans la bouche du roi David :
PSAUME 50
03 Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
04 Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense.
05 Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi.
06 Contre toi, et toi seul, j'ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait. Ainsi, tu peux parler et montrer ta justice, être juge et montrer ta victoire.
07 Moi, je suis né dans la faute, j'étais pécheur dès le sein de ma mère.
08 Mais tu veux au fond de moi la vérité ; dans le secret, tu m'apprends la sagesse.
09 Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur ; lave-moi et je serai blanc, plus que la neige.
10 Fais que j'entende les chants et la fête : ils danseront, les os que tu broyais.
11 Détourne ta face de mes fautes, enlève tous mes péchés.
12 Crée en moi un coeur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Seules les personnes qui croient en Dieu peuvent vraiment apprécier et s'émerveiller de la parabole du Père prodigue. Car c'est de Dieu dont parle cette parabole, Et si on lit entre les lignes, on peut voir à quel point le Père de la parabole a été blessé par l'attitude de ses deux fils. En nous disant que le Père a vu de loin son fils revenir à la maison, on imagine qu'il allait à chaque jour voir si son fils reviendrait.
Le fils prodigue, quant il était au loin, a souffert. Mais son père aussi souffrait et souffrait peut-être plus que lui. Une chose est certaine, Dieu, lui, souffre plus que nous de nos péchés. Et Jésus, dans sa Passion, a souffert beaucoup plus que nous de nos péchés. La vraie contrition se produit en nous le jour où nous réalisons à quel point nos péchés font souffrir Dieu.
Quand on voit les paroles d'une extrême tendresse que le père adresse à son fils aîné, on devine toute la peine qu'il a de voir son fils le traiter comme un étranger et presque comme un tyran. Un de mes confrères Oblats de la Vierge Marie m'a fait réaliser ceci hier : le père de la parabole n'adresse aucun mot à son fils cadet. "Pas un mot sua (sur la) game", comme on dit au Québec. Autrement dit : aucun reproche. Mais ses gestes d'amour étaient tellement éloquents : la course pour rejoindre son fils qui retournait à la maison, et les multiples baisers qu'il lui a donnés. Le seul fils qui reçoit des mots de son père, c'est le fils aîné. Et les paroles que le père lui adresse sont tellement pleines de douceur, qu'on peut deviner la tristesse qu'il y a derrière elles, dans le coeur du bon papa : "Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et TOUT CE QUI EST À MOI EST À TOI " (Lc 15, 31)
C'est cette tristesse de notre Père du ciel, que nous devons avoir devant les yeux quand nous pensons à nos péchés. Demandons aujourd'hui à notre Père qui est aux cieux, de nous accorder la contrition parfaite, celle qui nous fait regretter nos fautes à cause de la peine que nous lui infligeons. Et essayons de comprendre de plus en plus cette peine ou, du moins, d'en être de plus en plus conscient. C'est alors seulement que nous réaliserons à quel point Dieu nous aime et nous pourrons goûter à la profondeur de cette parole du pape François : "Je suis un pécheur sur lequel Jésus a posé les yeux."
Voici un petit fait raconter par l'abbé Guy Gilbert, qui examplifie un peu ce que j'ai voulu montrer dans ce blogue :