Le commandement « nouveau »
Chers amis, nous approchons de la clôture du temps de Pâques, le temps le plus beau de l’année. Durant les dernières semaines de ce temps privilégié, nous entendons à chaque eucharistie le discours de la dernière cène, les magnifiques paroles que Jésus a laissées à ses apôtres quelques heures avant de souffrir et mourir pour nous. Ce discours se trouve aux chapitres 13 à 17, dans l’évangile de saint Jean. Il est très intéressant que l’Église nous présente ce discours durant le temps de Pâques. Pourquoi le fait-elle? Je pense que c’est pour montrer que la vie du chrétien et de la chrétienne sur cette terre, est une vie de ressuscité. Le discours de Jésus lors de la dernière cène, est le discours d’un homme déjà ressuscité. Jésus parle en homme ressuscité; en quelque sorte, Il est déjà rendu, en esprit, dans la gloire du ciel, près de son Père. Alors que Jésus sait très bien que dans quelques heures, il souffrira énormément, tout ce qu’Il fait, lors de son dernier repas pris avec ses amis, c’est de les encourager, de creuser en eux l’espérance (Jn 14, 2-3), de leur laisser en héritage la joie qui l’habite (Jn 15, 11) et les conduire sur le chemin de l’amour (l’évangile de ce cinquième dimanche après Pâques, Jn 13) Voici l’évangile du dimanche que nous vivons présentement :
ÉVANGILE - Jean 13, 31-33a. 34-35
« Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu en retour lui donnera sa propre gloire; et il la lui donnera bientôt. Mes petits enfants, je suis encore avec vous, mais pour peu de temps. Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres. »
Depuis quelques temps, je vous dis et je vous répète que je suis de plus en plus impressionné par la façon dont Jésus planifie ses actions et agit. Nous avons une autre très belle preuve de cela dans l’évangile d’aujourd’hui. C’est lors de son dernier repas que Jésus nous donne « son commandement », le commandement « nouveau ». Pourquoi avoir attendu au dernier repas pour nous donner son commandement? C’est ma sainte préférée, sainte Thèrèse de l’Enfant-Jésus qui, à mes yeux, nous met sur la piste de la plus belle des réponses. Après avoir lu le texte de sainte Thérèse, que vous lirez dans un instant, il m’est apparu évident que Jésus ne pouvait pas nous donner son commandement nouveau avant le moment de la dernière cène. Voici ce que nous dit Thérèse :
« Lorsque le Seigneur avait ordonné à son peuple d'aimer son prochain comme soi-même, Il n'était pas encore venu sur la terre ; aussi sachant bien à quel degré l'on aime sa propre personne, Il ne pouvait demander à ses créatures un amour plus grand pour le prochain. Mais lorsque Jésus fit à ses apôtres un commandement nouveau, SON COMMANDEMENT A LUI, comme Il le dit plus loin, ce n'est plus d'aimer le prochain comme soi-même qu'Il parle mais de l'aimer comme Lui, Jésus l'a aimé, comme Il l'aimera jusqu'à la consommation des siècles... Ah ! Seigneur, je sais que vous ne commandez rien d'impossible, vous connaissez mieux que moi ma faiblesse, mon imperfection, vous savez bien que jamais je ne pourrais aimer mes soeurs comme vous les aimez, si vous-même, ô mon Jésus, ne les aimiez encore en moi. C'est parce que vous voulez m'accorder cette grâce que vous avez fait un commandement nouveau. - Oh! que je l'aime puisqu'il me donne l'assurance que votre volonté est d'aimer en moi tous ceux que vous me commandez d'aimer !... Oui je le sens , lorsque je suis charitable, c'est Jésus seul qui agit en moi; plus je suis unie à Lui, plus aussi j'aime toutes mes sœurs. » (Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Histoire d’une âme, Éditions du Cerf et Desclée de Brouwer, 1972, pp. 252-253)
Or quel est le moyen par excellence que Jésus a choisi afin d’aimer en nous tous ses frères et sœurs? Ce moyen, c’est le sacrement de l’eucharistie, le plus grand de tous les sacrements. Par conséquent, ce n’est que le soir où Jésus institua l’eucharistie, le soir de la dernière Cène, qu’Il pouvait nous donner en vérité son commandement nouveau de nous aimer les uns les autres comme Il nous a aimés. Sans l’eucharistie, il est clair dans mon esprit, que nous ne pourrions jamais aimer les autres comme Jésus les aime.
Je termine ce texte par un autre passage de ma sainte préférée, qui a trait au « commandement nouveau » :
« Comment Jésus a-t-Il aimé ses disciples et pourquoi les a-t-Il aimés ? Ah! ce n'était pas leurs qualités naturelles qui pouvaient l'attirer, il y avait entre eux et Lui une distance infinie. Il était la science, la Sagesse Éternelle, ils étaient de pauvres pêcheurs, ignorants et remplis de pensées terrestres. Cependant Jésus les appelle ses amis, ses frères. Il veut les voir régner avec Lui dans le royaume de son Père et pour leur ouvrir ce royaume Il veut mourir sur une croix car Il a dit : Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime.
Mère bien-aimée, en méditant ces paroles de Jésus, j'ai compris combien mon amour pour mes soeurs était imparfait, j'ai vu que je ne les aimais pas comme le Bon Dieu les aime. Ah ! je comprends maintenant que la charité parfaite consiste à supporter les défauts des autres, à ne point s'étonner de leurs faiblesses, à s'édifier des plus petits actes de vertus qu'on leur voit pratiquer, mais surtout j'ai compris que la charité ne doit point rester enfermée dans le fond du coeur : Personne, a dit Jésus, n'allume un flambeau pour le mettre sous le boisseau, mais on le met sur le chandelier, afin qu'il éclaire TOUS ceux qui sont dans la maison. Il me semble que ce flambeau représente la charité qui doit éclairer, réjouir, non seulement ceux qui me sont les plus chers, mais TOUS ceux qui sont dans la maison, sans excepter personne. » (Ibid, pp. 251-252)