Raymond Gravel
Rares sont au Québec, les personnes qui ne connaissent pas Raymond Gravel. Cet homme est très médiatisé. Lorsque les médias désirent critiquer les positions officielles de l’Église, qui invite-t-on automatiquement? Raymond Gravel. Ce fait devrait, à lui seul, susciter l’étonnement et l’interrogation suivante : comment se fait-il que l’on invite seulement cet homme pour parler des questions chaudes concernant la morale catholique? La réponse est assez simple à mes yeux : monsieur Gravel fait cavalier seul. Il semble qu’il soit le seul qui ait la témérité et l’impudence de critiquer ouvertement et sans aucune retenue les positions de l’Église.
Monsieur Gravel combat en ce moment le cancer. Je demande à Dieu de le soutenir dans ce douloureux combat. Alors que je me serais attendu à ce que monsieur Gravel vive cette épreuve dans le calme et une certaine solitude, voici qu’il est plus présent que jamais dans le monde médiatique. Il publiera bientôt deux livres, dont une autobiographie. Dans le magazine Le Bel Âge du mois de juin 2014, qui cible principalement les personnes âgées, on retrouve une assez longue interview de monsieur Gravel. Plusieurs des affirmations de monsieur Gravel contenues dans cette entrevue, ne sont pas conformes à l’enseignement de l’Église catholique. Vous pouvez lire cette interview en cliquant sur le lien suivant: Rencontre
avec l'abbé Raymond Gravel | Le Bel Âge https://www.lebelage.ca/.../rencontre-avec-labbe-raymond-gravel.
Dans " l'édition papier " du magazine Le Bel Âge, que l'on retrouve dans les kiosques à journaux, on a mis en évidence et en gros caractères, la citation suivante :
« Il n’y a rien d’historique dans l’Évangile, déclare-t-il. Quand Jésus a été baptisé, le ciel ne s’est pas ouvert pour permettre l’envol de milliers de colombes. Il n’a pas vraiment marché sur les eaux et n’a jamais changé de l’eau en Châteauneuf-du-pape ! Ce sont des images, des symboles qu’il ne faut pas prendre à la lettre. »
Je suis prêtre catholique; et je crois que Jésus a marché sur les eaux et que saint Pierre l’a fait aussi, pour un assez court moment. Je crois totalement au changement de l’eau en un excellent vin, à Cana en Galilée, le premier des signes donnés par Jésus de sa divinité. Tout prêtre catholique qui se respecte croit cela. Quant au ciel qui se déchire lors du baptême de Jésus, il est vrai que c’est une figure de style; lorsqu’on employait au temps de Jésus, l’expression « le ciel s’est déchiré », on voulait dire par là que Dieu s’était manifesté de façon évidente. Cette expression désignait une « épiphanie », une « manifestation de Dieu ».
Autre remarque de monsieur Gravel : « On a enfermé le Christ dans une religion, et pourtant il était un Juif qui contestait sa propre religion. Ce n’est pas lui qui a inventé le christianisme, ce sont ses supporters, et ils n’auraient jamais dû le faire. On a voulu contrôler son message. Il ne faut pas que la religion empiète sur la foi, mais c’est malheureusement ce qui est arrivé à l’Église catholique. »
Il est vrai que Jésus a souvent et beaucoup critiqué le judaïsme de son temps, avec toutes ses coutumes et ses traditions humaines. Mais dire que Jésus n’a pas inventé le christianisme, la religion qu’est le christianisme, c’est tout simplement incroyable de la part de quelqu’un qui a reçu le sacrement de l’ordre. Tout sacrement est un sacrement de l’Église, et de l’Église catholique. Aujourd’hui, en ce 14 mai, nous fêtons l’apôtre Matthias, qui a remplacé Judas Iscariote dans le collège des Apôtres. Quand une personne qui a reçu le sacrement de l’ordre parle des apôtres comme étant les « supporters de Jésus », mes cheveux se dressent sur ma tête. Les débuts de l’Église catholique sont tout autre chose qu’un match de la Coupe Stanley (les séries de la Coupe Stanley, ultime honneur pour les joueurs de hockey en Amérique du Nord, ont cours en ce moment). Laissons les « supporters » des Canadiens de Montréal s’énerver dans les amphithéâtres de hockey, mais de grâce, ne qualifions pas les apôtres de simples « supporters ». Il m’est très difficile de « supporter » de tels propos.
En quelques petites phrases lapidaires et incendiaires, monsieur Gravel vient mettre la hache dans la religion professée par l'Église catholique; il vient saper les fondements mêmes de notre religion. Voici comment, en Église, nous avons prié ce matin aux Laudes, en la fête de saint Matthias :
« Nous avons reçu des Apôtres un héritage spirituel, rendons grâce à Dieu notre Père pour les biens qu’il nous donne.
Ref : Loué sois-tu, Seigneur !
Loué sois-tu pour ta sainte Église édifiée sur les Apôtres : elle est le corps que nous formons.
Loué sois-tu pour la Parole qu’ils nous ont fait connaître : elle est notre lumière et notre joie.
Loué sois-tu pour le baptême et la pénitence qu’ils nous ont annoncés dans la foi : c’est là que nous sommes pardonnés.
Loué sois-tu pour l’Eucharistie qu’ils nous ont transmise : elle est notre force et notre vie. »
Les propos de monsieur Gravel jettent le discrédit sur tout le travail des Apôtres, et en particulier du géant qu’est saint Paul, qui a fondé les premières communautés chrétiennes.
Et quand monsieur Gravel parle de morale dans les médias, il est la plupart du temps « dans le champ » (dans l’erreur). On ne peut que sourire, ou plutôt se scandaliser quand monsieur Gravel dit aimer l’Église catholique et la respecter. Monsieur Gravel semble avoir une admiration sans borne pour le pape François; mais non pas pour les deux derniers papes. Personnellement, j’aime énormément tous les papes que j’ai connus de mon vivant. Comment un catholique peut-il laisser entendre qu’il n’aime pas tel ou tel pape?
Évidemment, nous retrouvons dans l’interview dont il est question ici, la fameuse phrase que le pape François a prononcée dans l’avion, à son retour des JMJ (les Journées Mondiales de la Jeunesse) de Rio de Janiero. Voici comment monsieur Gravel a choisi de placer cette phrase dans l’interview :
« François (le pape) travaille à la (l’institution qu’est l’Église) dépouiller tranquillement de plusieurs couches superficielles. Lorsqu’il dit : « Qui suis-je pour juger les homosexuels? », c’est une révolution dans les mentalités. Ce ne sont pas les deux papes précédents qui auraient dit ça. Jean-Paul II a fait reculer l’Église de 100 ans et Benoît XVI a privilégié la droite rigide. »
Il y a, selon moi, quelque chose de malhonnête et de malsain à toujours citer hors de son contexte la fameuse phrase du pape François, prononcée dans l’avion à son retour du Brésil; et surtout à l’amputer de mots importants, de mots qui font toute la différence au monde. Pourquoi ne la cite-t-on jamais en son entier? Probablement parce que cela dérangerait bien du monde. Voici les paroles du pape François : « Si une personne est homosexuelle et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ». Voilà la phrase exacte du pape. Il ne parle pas des personnes homosexuelles qui ne croient pas en Dieu, ou qui font ce qui leur plaît. Il parle des personnes homosexuelles qui cherchent Dieu avec bonne volonté.
Jésus n’a jamais pactisé avec le péché. Il est près à tout pardonner. Mais il fera toujours cette recommandation au pécheur : « Va, et désormais, ne pèche plus » (Jn 8, 11).
Bientôt, lorsque nous commencerons la sixième semaine du Temps de Pâques, nous lirons dans l’office
des lectures de la liturgie des heures, des extraits de la première lettre de
saint Jean. Au premier abord, cette lettre apparaît comme une longue méditation
sur l’amour fraternel. Mais une lecture plus attentive, met en lumière le
caractère très polémique de la lettre. Saint Jean met en garde contre les
déviations doctrinales qui surgissent à l’intérieur même de la communauté. Voici
quelques phrases de l’introduction à la première
lettre de saint Jean, qui nous est proposée dans le bréviaire (Prière du temps présent), au sixième
dimanche de Pâques : « De l’intérieur
même de ces communautés, certains en sont venus à proposer un christianisme
soi-disant supérieur; … Ils parviennent
ainsi à désorienter nombre de fidèles qui ne savent plus que croire. »
(Bréviaire, volume II, p. 678).
Je ne comprends pas que l’Église catholique tolère que monsieur Gravel se présente comme prêtre d’une Église à laquelle il ne croit manifestement pas, malgré ses dires. Jésus a toujours pourfendu les gens qui disent, mais ne font pas.
En terminant, voici un très beau texte du Père Raniero Cantalamessa, prédicateur pontifical depuis 1981:
" À Cana en Galilée, Jésus transforma l'eau en vin, c'est-à-dire la lettre morte dans l'Esprit qui vivifie (c'est ainsi que l'interprètent spirituellement les Pères); les faux prophètes sont ceux qui font l'opposé, c'est-à-dire qui transforment le vin pur de la Parole de Dieu en eau qui n'enivre personne, en lettre morte, ou en paroles de sagesse humaine (Cf 1 Co 2, 4). Ils ont honte en fait de l'Évangile (Cf. Rm 1, 16) et des paroles de Jésus, car elles sont trop " dures " pour le monde ou trop pauvres et trop nues pour les savants et ils essaient alors de les " assaisonner " avec celles que Jérémie appelait " les rêveries de leur coeur " (Jr 14, 1) (1)
(1) Raniero Cantalamessa, Ta Parole me fait vivre, Éditions des Béatitudes, 2009, pp. 94-95