Bernanos et le silence
Je dédie ce blogue à ma mère, Carmen, en ce jour de sa fête patronale. L'Église célèbre aujourd'hui la mémoire de Notre-Dame du Mont Carmel. J'ai ouï dire que sur le certificat de baptême de ma chère maman, c'est le prénom Carmelle qui est inscrit. De toute façon, que son prénom soit Carmen ou Carmelle, sa fête patronale est aujourd'hui.
16 juillet
Notre Dame du Mont Carmel
Vierge Marie
Dans la tradition des Écritures, la montagne et la solitude sont des endroits propices à la prière contemplative et à la rencontre du Dieu vivant. La tradition rapporte que des ermites se nommant « Frères de la bienheureuse Vierge Marie » vécurent sur le Mont Carmel. Ils construisirent une chapelle et demandèrent une règle de vie au patriarche de Jérusalem. C’est ainsi, à la fin du xii e siècle, que se situe l’origine de l’Ordre du Carmel qui se répandit très vite en Europe occidentale où, sans perdre leur vocation contemplative, les frères commencèrent à faire de l’apostolat. (1)
Je dédie aussi ce blogue à tous les contemplatifs et contemplatives de la terre, ces champions du silence intérieur.
Je viens de terminer ce matin au déjeuner (le petit déjeuner en France) la lecture du roman de Georges Bernanos, intitulé : "Journal d'un curé de campagne." Voici pour vous quelques extraits de ce roman qui parlent du silence. "Parler du silence", quelle association de mots incongrue. Je sais bien que vous ne comprendrez pas, ainsi projetés dans le roman, les situations auxquelles fait référence le jeune prêtre qui prononce les paroles que vous lirez ; mais je suis persuadé qu'elles vous plairont et qu'elles rejoindront quelques unes de vos expériences.
" J'ai ouvert la bouche pour répondre et...je n'ai pas compris d'abord. Oui, avant même d'avoir rien résolu, pensé à rien, je savais que je garderais le silence. Garder le silence, quel mot étrange ! C'est le silence qui nous garde.
(Mon Dieu, vous l'avez voulu ainsi, j'ai reconnu votre main. J'ai cru la sentir sur mes lèvres)
...Le silence intérieur - celui que Dieu bénit - ne m'a jamais isolé des êtres. Il me semble qu'ils y entrent, je les reçois ainsi qu'au seuil de ma demeure. Et ils y viennent sans doute, ils y viennent à leur insu. Hélas ! je ne puis leur offrir qu'un refuge précaire ! Mais j'imagine le silence de certaines âmes comme d'immenses lieux d'asile. Les pauvres pécheurs, à bout de forces, y entrent à tâtons, s'y endorment, et repartent consolés sans garder aucun souvenir du grand temple invisible où ils ont déposé un moment leur fardeau.
...Bref, j'ai compris tout à coup, que, depuis ma visite au docteur, je brûlais de confier mon secret, d'en partager l'amertume avec quelqu'un. Et j'ai compris aussi que pour retrouver le calme, il suffisait de me taire.
...Seulement, il faut se taire. Il faut me taire aussi longtemps que le silence me sera permis. Et cela peut durer des semaines, des mois. Quand je pense qu'il eût sans doute suffi tout à l'heure d'une parole, d'un regard de pitié, d'une simple question peut-être ! pour que ce secret m'échappât... Il était déjà sur mes lèvres, c'est Dieu qui l'a retenu. Oh ! je sais bien que la compassion d'autrui soulage un moment, je ne la méprise point. Mais elle ne désaltère pas, elle s'écoule dans l'âme comme à travers un crible. Et quand notre souffrance a passé de pitié en pitié, ainsi que de bouche en bouche, il me semble que nous ne pouvons plus la respecter ni l'aimer... " (2)
(1) https://lecarmel.org/marie_notre-dame-du-mont-carmel
(2) George Bernanos, Journal d'un curé de campagne, Plon, 1974, pp.306-308.
"On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure."
RépondreSupprimerGeorges Bernanos
Je me permets de poster cette belle citation de Georges Bernanos (elle n'est pas extraite de Journal d'un curé de campagne, mais de La France contre les robots publié en 1946).
Merci monsieur Campillo pour ce commentaire et cette très belle citation de Bernanos, tirée de "La France contre les robots". Quel grand homme que ce Bernanos le clairvoyant! J'ai été étonné hier par la nouvelle traduction liturgique de la Bible. La deuxième lecture de la messe d'hier terminait ainsi : "Vous n’obtenez rien parce que vous ne demandez pas ; vous demandez, mais vous ne recevez rien ; en effet, vos demandes sont mauvaises, puisque c’est pour tout dépenser en plaisirs." (Lettre de Saint Jacques, chapitre 4, versets 2 et 3)
RépondreSupprimer– Parole du Seigneur.