Le pape François et la consolation
La Congrégation religieuse à laquelle j'appartiens a pour nom: "Les Oblats de la Vierge Marie". La Congrégation a été fondée en 1826 par le Père Bruno Lantéri (déclaré : "Vénérable"). Le Père Lantéri est décédé en 1830. Il a donc fondé la Congrégation au terme de sa vie, quatre ans avant de quitter ce monde. Bruno Lantéri a été formé dans sa jeunesse par un Père Jésuite nommé Joseph de Diessbach (son nom de baptême est: Niklaus-Albrecht von Diessbach). On peut dire que ce Père Jésuite a été le mentor de Bruno Lantéri qui a pratiquement tout appris de lui dans le domaine de l'apostolat. Le Père de Diessbach était un expert dans l'art de guider les Exercices spirituels de Saint Ignace (Ignace de Loyola, le fondateur des Jésuites) et grâce à lui, Bruno Lantéri est devenu à son tour expert dans l'art de donner cette forme de retraite ou de ressourcement. Durant toute sa vie, Bruno Lantéri a donné, guidé, enseigné les Exercices spirituels de Saint Ignace.
Le pape François est un Père Jésuite. Dans le texte ci-dessous, il s'adresse à ses confrères Jésuites, tout comme lui, et il emploie le mot "consolation" dans le sens où saint Ignace de Loyola l'emploie dans les exercices spirituels. Le mot "consolation" est ici un mot technique propre aux exercices spirituels de saint Ignace. Ignace est conscient que le retraitant qui vit les exercices spirituels, sera continuellement agité ou influencé par deux esprits: l'esprit du bien : l'Esprit Saint et l'esprit du mal: le démon. Le retraitant devra apprendre à discerner lequel des deux esprits veut l'influencer ou l'agite. C'est pour cette raison que nous disons quel les Jésuites sont des spécialistes du discernement.
Ignace de Loyola établit une règle assez générale: généralement, l'esprit qui nous invite ou nous pousse à être confiants, joyeux et en paix, c'est le bon esprit, c'est-à-dire l'Esprit Saint. Au contraire, l'esprit qui tente de nous décourager, de nous faire quitter immédiatement des décisions prises et de nous envelopper de tristesse ou de dégoût, est généralement le mauvais esprit, le diable. Je dis généralement, mais non pas dans tous les cas.
C'est en ayant à l'esprit ces quelques informations qu'il faut lire le texte du pape mis ci-dessous. Je partage cet enseignement du pape François surtout pour ce qu'il nous dit de la JOIE, qui ne doit pas être quelque chose de facultatif ou de négligeable dans notre vie de chrétiens.
DISCOURS
DU PAPE FRANÇOIS
À LA 36e CONGRÉGATION GÉNÉRALE DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS
Curie
Générale de la Compagnie de Jésus
Lundi, 24 octobre 2016
1. Demander avec insistance la consolation
Il est toujours possible de faire un pas
supplémentaire dans notre demande insistante de consolation. Dans les deux
exhortations apostoliques [Evangelii gaudium et Amoris laetitia] et dans l’encyclique Laudato si’, j’ai voulu insister sur la joie. Dans
les Exercices, Ignace fait contempler à ses amis « la tâche de consoler » comme
un aspect spécifique du Christ Ressuscité (es 224). C’est la tâche de la
Compagnie de consoler le peuple fidèle et d’aider par le discernement afin que
l’ennemi de la nature humaine ne nous enlève pas notre joie : joie
d’évangéliser, joie de la famille, joie de l’Église, joie de la création… Qu’il
ne nous la vole ni par le découragement devant la grandeur des maux du monde et
les malentendus entre ceux qui se proposent de faire le bien, ni en la
remplaçant par les joies futiles qui sont toujours à portée de main, dans
n’importe quel magasin.
Ce « service de la joie et de la consolation
spirituelle » est enraciné dans la prière. Il consiste à nous encourager et à
encourager tout le monde à « demander avec insistance la consolation à Dieu ».
Ignace le formule de manière négative dans la 6ème règle de la première semaine,
quand il affirme qu’« il ne faut jamais rien changer dans ses résolutions
pendant le temps de la désolation » en insistant sur la prière (ex 319). Cela
fait du bien parce que, dans la désolation, nous nous rendons compte de combien
nous valons peu sans cette grâce et cette consolation (cf. ex 324). Pratiquer
et enseigner cette prière de demander et de supplier la consolation est le
service principal de la joie. Si quelqu’un ne s’en considère pas digne (ce qui
est très fréquent dans la pratique), qu’au moins il insiste en demandant cette
consolation par amour pour le message, du moment que la joie est constitutive
du message évangélique, et qu’il la demande par amour pour les autres, pour sa
famille et pour le monde. Une bonne nouvelle ne peut être annoncée avec un
visage triste. La joie n’est pas un « plus » décoratif, elle est le signe clair
de la grâce : elle indique que l’amour est actif, agissant, présent. C’est
pourquoi il ne faut pas confondre le fait de la rechercher avec la recherche
d’un « effet spécial », que notre époque sait produire par les exigences de la
consommation, mais on doit la chercher dans son signe existentiel qui est la «
permanence » : Ignace ouvre les yeux et s’éveille au discernement des esprits
en découvrant la différence de valeur entre les joies durables et les joies
passagères (Autobiographie 8). Le temps sera l’élément qui lui
offre la clé pour reconnaître l’action de l’Esprit.
Dans les Exercices, le « progrès » dans la vie
spirituelle se donne dans la consolation : c’est le fait d’avancer toujours
mieux (cf. ex 315) et aussi « toute augmentation sensible de l’espérance, de la
foi et de la charité, et tout sentiment de joie intérieure » (ex 316). Ce
service de la joie fut ce qui a conduit les premiers compagnons à décider de ne
pas dissoudre, mais de constituer la compagnie, qu’ils s’offraient et
partageaient spontanément, et dont la caractéristique était la joie que leur donnait la prière
ensemble, le fait de sortir
en mission ensemble et de se réunir au retour, à l’imitation de la vie que
menaient le Seigneur et ses apôtres. Cette joie de l’annonce explicite de
l’Évangile — au moyen de la prédication de la foi et la pratique de la justice
et de la miséricorde — est ce qui pousse la Compagnie à sortir vers toutes les
périphéries. Le jésuite est un serviteur de la joie de l’Évangile, qu’il
travaille « artisanalement » en conversant et en donnant les exercices
spirituels à une seule personne, l’aidant à rencontrer ce « lieu intérieur d’où
lui vient la force de l’Esprit qui le guide, le libère et le renouvelle » (10),
ou qu’il travaille de manière structurée en organisant des œuvres de formation,
de miséricorde, de réflexion, qui sont le prolongement institutionnel de ce
point d’inflexion où se donne le dépassement de la volonté personnelle et où
l’Esprit entre en action. Michel De Certeau affirmait à raison : les Exercices
sont « la méthode apostolique par excellence » puisqu’ils rendent possible « le
retour au cœur, au principe d’une docilité à l’Esprit qui réveille et pousse
celui qui effectue les exercices à une fidélité personnelle à Dieu » (11). (1)
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