« Va, tu seras prophète pour mon
peuple »
La vocation du prophète Amos
Le Seigneur est en train
d’enfoncer le clou. On sait très bien ce que veut dire enfoncer un clou: on
plante un clou dans un mur et on frappe dessus jusqu’à ce qu’il tienne bien
solidement et qu’il ne bouge plus. Le Seigneur fait la même chose en ce moment
dans notre paroisse. Depuis plusieurs semaines, je ne cesse de dire à nos
paroissiens que nous sommes rendus à cette étape-ci dans notre vie chrétienne:
annoncer Jésus le Christ. Annoncer le Christ, c’est exercer le rôle de prophète
que nous avons reçu au baptême. Le jour de notre baptême, nous avons revêtu le
Christ, nous sommes devenus Jésus pour le monde. Par conséquent, nous sommes
prophètes en Jésus le Prophète.
Je suis convaincu que si la foi catholique a tant diminué au Québec
depuis des décennies, c’est, entre autres choses, dû au fait que les
catholiques n’ont jamais vraiment réalisé qu’ils étaient investis d’une mission
prophétique, de part leur baptême. Une fois baptisés, nous sommes
prophètes, que nous le voulions ou non, en un sens. Durant notre vie, nous
sommes invités à développer toutes les potentialités que Dieu a mises en nous.
Ma chère maman a réalisé à soixante-dix ans quelle avait un talent pour la
peinture. Une fois qu’elle a su cela, elle l’a exercé.
Les catholiques, au Québec, n’ont
pratiquement jamais entendu quelqu’un leur dire qu’ils étaient des prophètes.
C’est souvent une nouveauté pour eux de se faire dire qu’ils sont prophètes par
leur baptême. Mais peu importe qu’on entende cette bonne nouvelle à vingt ans,
à quarante ans ou à soixante ans; ce qui compte, c’est que le jour où on
réalise cela, le jour où on prend conscience de l’immense don que Dieu nous a
fait, nous le mettions en pratique.
La Parole de Dieu de ce dimanche,
nous présente l’admirable figure d’Amos. Amos était un laïc, pour prendre une terminologie d’aujourd’hui. Il
n’était pas prêtre. Il était bouvier, c’est-à-dire éleveur de bétail. Or le
Seigneur s’est révélé à lui et lui a dit: « Tu seras prophète pour mon peuple Israël. » Amos quitte son
pays, le royaume de Juda, pour aller prophétiser dans le royaume du nord:
Israël. Son ministère de prophète n’a duré que quelques mois. Et pourtant, son
message de prophète sera proclamé dans le monde entier, jusqu’à la fin des
temps. Quelle grâce! Quel don! On ne
devrait jamais sous-estimer le don que Dieu fait à quelqu’un d’être prophète.
Un jour, Amazias, prêtre de
Béthel, en a marre des paroles prophétiques d’Amos et lui ordonne de quitter le
pays. C’est la lecture que nous avons entendu proclamer en ce dimanche:
« Puis Amazias dit à Amos: « Toi, le voyant, va-t’en d’ici, fuis au pays
de Juda ; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier
de prophète. Mais ici, à Béthel, arrête de
prophétiser; car c’est un sanctuaire royal, un temple du royaume. » Amos répondit à Amazias: « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète;
j’étais bouvier, et je soignais les sycomores. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : “Va, tu seras prophète pour mon peuple
Israël. » (Amos, 7, 12-15)
Les
mots qu’emploie Amos sont très beaux: « Le Seigneur m’a saisi ». Ce sont les mêmes mots qu’emploie
saint Paul quand il parle de la grâce insigne qu’il a reçue en étant choisi comme apôtre. Il nous dit qu’il a été « saisi
par le Christ Jésus » (Ph 3, 12) Le verbe « saisir » revêt ici, il me semble, une double signification. Il
y a d’abord un élément de surprise, dans le fait d’être « saisi ». On
ne s’attend pas à cela. Un peu comme lorsqu’on dit qu’on saisit un « steak ». Nous savons tous, je pense
ce que c’est que de « saisir un
steak ». On chauffe la poêle au maximum et on y met le steak, la
tranche de viande. Si le steak pouvait éprouver des sentiments, il serait
surpris et effrayé d’être ainsi traité. Il en est ainsi de l’être
humain. Quand le Christ Jésus daigne nous « saisir », nous sommes
dans un premier temps surpris et effrayés. La première réaction est de dire "non" en notre cœur, en trouvant toutes sortes d’excuses: « je suis trop jeune »; « je suis trop vieux » « je ne suis pas préparé à cela », etc. Jésus, connaissant d’avance toutes nos excuses, les réfute à chaque fois en disant: « Je
suis avec toi » ou « Je
serai avec toi ». Si nous croyions vraiment que le Seigneur Jésus est
toujours avec nous, nous n’aurions peur de rien.
Le
verbe « saisir », quand on
l’applique à Dieu ou à Jésus qui nous saisit, a aussi la signification
suivante: Dieu (ou Jésus) nous tient solidement dans sa main, et ne nous
lâchera jamais. On peut donc compter sur son soutien et sa toute-puissance
continuels. C’est ce que Jésus, le bon
Pasteur nous affirme solennellement:
« Mes brebis écoutent ma
voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie
éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma
main. Mon Père, qui me les a données,
est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du
Père. » (Jn 10, 27-29)
Nous
avons malheureusement presque tous la même fâcheuse réaction devant les appels
de Dieu: les conséquences négatives nous sautent immédiatement aux yeux et nous
empêchent de considérer les immenses retombées positives. Nous sommes comme ce
jeune homme riche que Jésus a invité un jour à le suivre (quelle grâce!), et
qui a refusé l’invitation parce qu’il avait de grands biens; parce qu’il était
riche. Il n’a même pas pu entrevoir le bonheur qu’il aurait eu à côtoyer Jésus
tous les jours, à voir ses miracles, à se délecter de ses enseignements divins.
Il est retourné chez lui tout triste, nous dit la Bible (Mt 19, 22). Voilà comment on risque
de passer à côté de la joie. Ou encore, nous sommes comme les apôtres lorsque
Jésus leur annonce le mystère pascal. Il s’arrêtent à la croix et ne semblent
même pas entendre le mot « résurrection » (Mt 17, 23).
De même, devant notre mission de prophète, nous entrevoyons immédiatement les
quelques difficultés qui pourraient jalonner notre route, et nous n’entrevoyons
même pas l’immense joie qu’il y a à annoncer l’Évangile, à parler de Jésus. Si la BONNE NOUVELLE est vraiment BONNE, elle est bonne pour TOUS
et pas seulement pour moi. Il fait bon se l’approprier et il fait bon la PARTAGER.
Au
chapitre 10 de saint Luc, nous voyons Jésus qui envoie en mission
soixante-douze de ses disciples. Voici comment saint Luc décrit leur retour: « Les soixante-douze envoyés revinrent pleins de
joie ». Oui, il y a une grande joie à annoncer l'Évangile.
Demandons à Dieu d’entendre
chaque jour de cette semaine sa Parole nous dire: « Va, tu seras prophète pour mon peuple. »
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