J’arrive de
célébrer l’eucharistie dominicale dans ma paroisse. J’ai commencé mon homélie
en disant aux gens : « Vous
avez remarqué que le prêtre, à la messe, embrasse l’évangile, après l’avoir
proclamé. Ce matin, j’étais particulièrement heureux d’embrasser l’évangile car
nous avons entendu une des plus belles pages des évangiles : la rencontre
de Jésus avec la Samaritaine, au puits de Jacob. » Ce qui me frappe le
plus, dans cet évangile, c’est l’infini respect dont Jésus fait preuve envers
la Samaritaine. Il y a de cela quelques semaines, j’ai mis sur mon blogue un
texte intitulé « Jésus et la
Samaritaine ». Dans ce texte, je vous partageais un commentaire de l’abbé
Éric Venot-Eiffel, sur la rencontre de Jésus avec la Samaritaine. Or dans son
livre intitulé « J’ai tant douté de
toi », l’abbé Venot-Eiffel, fait des réflexions qui ont, selon moi, un
rapport direct avec l’évangile d’aujourd’hui. Ce prêtre nous confie que
lorsqu’il va visiter des personnes âgées ou malades, ou encore des prisonniers,
le passage biblique qui lui vient immédiatement à l’esprit, est le
suivant : la première rencontre de Moïse avec le Dieu vivant, dans
l’épisode du « buisson ardent ».
Voyant un buisson qui brûlait sans se consumer, Moïse s’approcha et entendit la
voix de Dieu qui lui dit : « Enlève
tes sandales car le lieu que tu foules est saint. » L’abbé
Venot-Eiffel nous invite à regarder chaque personne comme étant une terre
sacrée, que l’on doit approcher avec un infini respect; comme l’a fait Jésus avec
la Samaritaine.
Nous avons été
créés pour être aimés et pour aimer. Notre archevêque à Montréal, Mgr Christian
Lépine, a écrit un livre intitulé « Créés
pour être aimés ». Cela m’a pris un an à apprécier le titre de ce
livre. Depuis la sortie du livre, je me suis dit qu’il aurait été préférable de
lui donner comme titre : « Créés
pour aimer ». Mais aujourd’hui même, en ce troisième dimanche du
Carême, je me suis réconcilié avec le titre choisi par notre archevêque. Je
sais depuis longtemps que ce qui doit nous émerveiller le plus dans nos
relations avec Dieu, c’est l’amour
premier de Dieu. Dieu nous aime, avant même que nous l’aimions et que nous
soyons en mesure de l’aimer. C’est ce que nous dit saint Jean, dans sa première
lettre : « En ceci consiste
l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a
aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés. »
(1 Jn 4, 10). C’est aussi ce que nous a dit saint Paul, aujourd’hui à la messe,
dans la deuxième lecture :
« Alors
que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu,
est mort pour les coupables que nous étions. – Accepter de mourir pour un homme
juste, c’est déjà difficile; peut-être donnerait-on sa vie pour un homme de
bien. – Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour
nous, alors que nous étions encore pécheurs. » (Rom 5, 6-8)
Cette vérité est
vraiment essentielle; elle doit guider toute notre vie, et toutes nos pensées. Supposons
qu’un enfant meure dans le sein de sa mère, après sept mois de grossesse.
Est-ce que cet enfant a été conscient d’aimer ? A-t-il aimé ? La réponse me
semble assez claire : non; il ou elle n’a pas aimé. Cet enfant n’a jamais
posé l’acte libre d’aimer. A-t-il été aimé ? Oui; par Dieu de toute éternité et
infiniment. Par sa mère, très probablement, et à chaque jour de son existence.
Donc, cet enfant a joui pour un temps de la raison principale pour laquelle il
a été créé : être aimé.
En 1989, j’ai lu
un témoignage bouleversant dans la revue Je
crois (qui n’existe plus depuis de
nombreuses années). Un jeune homme de 27 ans atteint du sida, témoignait de
sa croyance en Dieu. Il disait ceci :
« Ma vie est une réussite complète parce que je suis
aimé, et seulement pour cela. Tout ce que je faisais, tout ce que le monde peut
faire, ce n’est que du vent. … Et même si une personne ne se sait pas aimée,
elle n’en est pas moins aimée par Dieu pour autant. Elle peut avoir
l’impression que sa vie est un échec, mais cela ne change rien au fait qu’elle
est une réussite, puisqu’elle est aimée. Le plus important, ce n’est pas
l’amour que je donne au monde, mais de lui révéler l’Amour qui lui est donné,
parce qu’il est tellement plus infini que le mien. » (Revue Je crois,
septembre 1989, p. 20).
Si nous sommes
faits pour être aimés et pour aimer, il est donc tout à fait normal que les
blessures qui nous font le plus souffrir, soient reliées à l’amour. Chacun de
nous souffre de ne pas se sentir aimé à sa juste valeur. Du moins, c’est mon opinion.
Chacun de nous, je pense, souffre de ne pas bien canaliser ses énergies
d’amour. Nous souffrons de ne pas aimer l’autre comme nous le voudrions, ou
encore d’aimer d’une façon que Dieu n’approuve pas. Car Dieu ne cautionne pas
tous les amours de l’être humain. Je pense que toutes nos blessures intérieures
sont dues au fait que nous ne nous sentons pas suffisamment aimés ou aimables.
Souvent nous avons conscience de ne pas être aimés; et souvent nous avons
conscience de ne pas aimer comme Dieu voudrait que nous aimions. C’était là le
grand problème dans la vie de la Samaritaine dont nous parle aujourd’hui
l’évangile; c’est aussi le grand problème de nos vies.
J’ai vu
aujourd’hui dans le Prions en Église,
une citation de Blaise Pascal, que je n’avais jamais lue auparavant :
« Il y a dans le cœur de chaque
homme, un vide en forme de Dieu. » Quelle belle phrase ! On sait que
lorsqu’un vide se crée dans un endroit, il remplit tout l’espace vide. Il
épouse donc la forme de l’objet qu’il remplit de son vide, si je puis
m’exprimer ainsi. Or Pascal nous dit que ce vide en nous, seul Dieu peut le
remplir. De cela, je suis convaincu. Et la Samaritaine a été convaincue bien
avant moi.
Mon frère Luc
est prêtre lui aussi, et il a écrit des livres. Un de ses livres, a pour
titre : « Choral pour un cœur
nouveau ». Chaque chapitre du livre, qu’il nomme « chœur », consiste en une lettre
envoyée à des personnes qui ont côtoyé Jésus. Le premier « chœur » consiste en une lettre
écrite à la Samaritaine. À la fin de chaque « chœur », le destinataire de la lettre répond par un poème.
Voici le poème que mon frère met dans la bouche de la Samaritaine :
Au puits un midi
je me suis bien laissé prendre
un homme, un Juif
m’a dit tout en douceur
que j’avais plus soif que Lui
« Ton cœur est un désert
il bat mais n’aime pas
ta vie est aussi sèche que lui
puise à mon eau vive
jamais plus tu n’auras soif »
Voilà des siècles de cela
et je suis encore là
sans amant sans mari
toujours assise au bord du puits
J’y resterai jusqu’à la fin des temps
pour prouver à quiconque a soif
que j’ai bu ici
l’eau de l’éternelle Vie !
Les phrases qui m’impressionnent le plus, dans ce poème,
sont celles-ci : « un Juif
m’a dit, tout en douceur », ainsi que les deux dernières strophes
qui laissent clairement entendre que la Samaritaine a goûté à la source qui
jaillit en vie éternelle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire