Pourquoi évangéliser et Qui évangélise?
« Je suis venu pour que les gens aient la vie, et qu’ils l’aient
en abondance » (Jn 10,10)
« Vivre, ce n’est pas vivoter » (Pier Giorgio Frassati)
Les personnes qui réfléchissent à
l’évangélisation dans notre monde moderne, disent toutes la même chose: il ne
faut pas mettre le focus en premier lieu sur le « comment évangéliser », mais sur le « pourquoi ». Avant de se lancer dans le « comment évangéliser », il faut se
demander pourquoi nous devons évangéliser. Plus nous aurons approfondi en nous
et ancré en nous les raisons pour lesquelles nous devons évangéliser, plus nous
voudrons évangéliser et plus nous nous efforcerons de trouver des moyens, des
méthodes pour évangéliser. Voici quelques réflexions sur ce sujet, tirées d’un
document de l’AECQ (Assemblée des Évêques Catholiques
du Québec)
Les initiales EG mises entre
parenthèses, réfèrent à l’exhortation apostolique du pape François, intitulée: Evangelii Gaudium (La Joie de l’Évangile)
« La finalité de l’activité missionnaire
de l’Église ne peut être autre que la vie, la joie et le bonheur des hommes,
des femmes et des enfants d’aujourd’hui. En d’autres termes, la fin poursuivie
ne peut être de l’ordre de la reconquête. Ce qui est fondamentalement en jeu,
ce n’est pas de permettre à l’Église de retrouver sa place centrale dans la
société ou de retrouver des masses de chrétiens.
La finalité est celle même de la mission du
Fils: « Je suis venu pour qu’ils aient la vie et la vie en abondance. » (Jn 10,
10) « Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. » (EG 49)
Cela suppose un décentrement de l’Église. « Je ne veux pas une Église
préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de
fixations et de procédures. » (EG 49) Ce décentrement nous fait nous tourner
vers cette « multitude affamée, et Jésus qui nous répète sans arrêt:
‘Donnez-leur vous-mêmes à manger’ (Mc 6, 37). » (EG 49) En amont, ce
décentrement nous fait nous tourner vers Celui qui envoie et qui nous précède
(EG 162 et 298) vers celui qui a « l’initiative » (EG 12, 24, 111 et 112) et
qui est à la source de l’activité missionnaire et qui l’accompagne. Comme
l’écrit le pape François « Je propose de m’arrêter un peu sur cette façon de
comprendre l’Église, qui a son fondement ultime dans la libre et gratuite initiative
de Dieu. » (EG 111) (1)
C’est
très clair, nos évêques invitent l’Église du Québec à se décentrer d’elle-même.
La préoccupation de l’Église, ce ne doit pas être elle-même. Désirer que les
gens reviennent à l’Église, ce n’est pas le bon motif pour évangéliser. Désirer
que l’Église exerce plus de pouvoir dans la société, ce n’est pas le bon motif pour évangéliser. Le vrai motif de l’évangélisation, c’est le bien des gens; c’est
leur bonheur profond. Jésus est venu pour nous donner la vie en abondance, nous donner sa joie, ce qu’Il appelle la "joie parfaite " (Jn 15, 11). La préoccupation de
l’Église, ce ne doit pas être elle-même, mais les gens, les gens qui ne vivent
pas de Dieu, du vrai Dieu, et qui à cause de cela, ne peuvent pas être
foncièrement heureux. Voilà ce qui doit nous motiver à évangéliser: nous
voulons rendre les gens heureux. La véritable question est là: est-ce que
j’aime suffisamment les gens pour leur proposer ce qui les rendra vraiment
heureux?
Dans le
paragraphe suivant, nos évêques vont jusqu’à dire qu’on ne devrait même pas
parler, en un sens, de la « mission
de l’Église ». Ils nous invitent ici aussi à tout un
« décentrement ». Car le mot latin « missio » veut dire
« envoi ». Or c’est Dieu qui envoie; c’est Dieu qui propose la joie, la Vie , le bonheur.
« En effet, l’initiative de l’action missionnaire ne vient pas de
l’Église. Si, au sens strict, le terme mission signifie l’« action d’envoyer »,
le sujet de cette action est Dieu qui envoie le Fils et l’Esprit. Au sens fort
du terme, l’Église n’a pas de mission. La mission n’est pas ce que l’Église
réalise ou se propose de faire, ou encore ce qu’elle poursuit comme intention
et qui détermine son action. La mission — mot que l’on doit réserver à
l’action de Dieu qui envoie — est l’action d’un autre qui envoie, d’un Dieu
tourné vers l’humanité qu’il a tant aimée. En effet, à la source de la mission,
il y a l’amour de Dieu, son désir de bonheur pour le monde. À la source de
l’activité missionnaire, il y a l’amour pour l’autre, la bienveillance de Dieu
pour l’humanité sur laquelle il se penche en vue de panser ses plaies. Notre
communion à cet « amour immense » (EG 11) à la source de la mission, nous sort
de l’ennui, de la tristesse, des obscurités du temps présent et des faiblesses
ecclésiales. » (2)
Cela m’amène
à la deuxième partie du titre de ce blogue: « Qui évangélise? » Celui qui évangélise, c’est Jésus par
son Esprit. Ce n’est pas nous qui évangélisons, mais c’est Jésus qui évangélise
grâce à l’Esprit Saint. « Jésus,
envoie sur nous ton Esprit ». C’est un peu dur pour moi d’écrire cela
car j’aimais jusqu'à maintenant, me percevoir comme un « évangélisateur »
potentiel. Et je désirais former des « évangélisateurs
et évangélisatrices ». Mais dans les faits, il n’y a qu’un
évangélisateur: Jésus par l’Esprit Saint. Et si saint Paul a été un
évangélisateur extraordinaire, c’est parce qu’il a pu dire un jour en vérité les paroles suivantes: « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en
moi » (Ga 2, 20). Je ne crains pas de donner à saint Paul le titre "d'évangélisateur " puisqu'il était devenu une copie vivante de Jésus. Mais pour ma part, je préfère désormais me considérer comme étant tout au plus un " agent d'évangélisation ".
Un des
fondements bibliques de l’évangélisation, est ce qu’on appelle « le mandat missionnaire ». Il s’agit
des dernières paroles de Jésus avant de monter au ciel:
« Tout pouvoir m’a été donné au ciel et
sur terre. Allez! De toutes les nations faites des disciples :
baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à
observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les
jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt
28, 18-20)
Le
danger dans la façon de recevoir ce mandat missionnaire, c’est de mettre le
focus sur nous parce que Jésus nous
demande de « faire des disciples ».
Mais encore là, il nous faut vivre un « décentrement ». Car les paroles les plus importantes de ce
passage, sont les toutes dernières paroles: « Et moi, je suis avec vous
tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20)
« Partons si vous le voulez de ce que
l'on appelle communément la charte de la mission, dans la finale de l'Évangile
de Mt. La lecture courante de ces versets, liée à une certaine conception de
l'Église militante, met l'accent sur le mandat missionnaire et fait de
l'activité missionnaire la note dominante de ce texte. On donne couramment une
lecture semi-pélagienne de ce texte en privilégiant l'intervention humaine aux
dépends de la puissance du Christ ressuscité. … Le verset 20, qui est
probablement le verset clé de ce texte, ne devient plus alors qu'un promesse
consolante du Christ pour soutenir l'oeuvre de ses apôtres. Selon cette
lecture, marquée par une certaine pratique missionnaire, c'est comme si le
Christ avait dit: "allez, et puis moi je serai avec vous jusqu'à la
fin des siècles". Le Christ serait donc là seulement comme un compagnon
qui peut, éventuellement, donner un petit coup de pouce devant l'énorme tâche
qui est celle de partir convertir les nations. Or, le "je suis avec vous"
n'est pas subordonné à l'envoi en mission, comme si le Christ ressuscité
promettait d'être là simplement pour seconder le travail missionnaire qui
serait notre oeuvre. La présence du Christ ne se subordonne pas à la mission:
elle la domine. C'est le Christ glorieux qui rassemble les nations. En d'autres
mots, la mission n'est pas une activité que l'on exercerait à propos de Jésus,
avec l'aide bienveillante de ce dernier. Or ce n'est pas l'évangélisateur
qui porte l'Évangile, mais c'est l'Évangile qui doit porter l'évangélisateur. » (3)
J’ai parlé
dernièrement sur mon blogue, du mouvement appelé: « I Am
Second », « Je suis deuxième ». Avouons bien humblement, que nous avons beaucoup de
difficulté à nous situer à notre véritable place. Comme il nous est difficile
de nous décentrer de nous-mêmes, et de nous reconnaître "deuxième" ! « JÉSUS,
SOIS NOTRE CENTRE ! ».
(1) Le tournant missionnaire des communautés chrétiennes Devenir une
www.eveques.qc.ca/documents/2016/Le_tournant_missionnaire2016.pdf, pp. 10-11.
www.eveques.qc.ca/documents/2016/Le_tournant_missionnaire2016.pdf, pp. 10-11.
(2) Ibid.
(3) La pratique missionnaire - Missionnaires d'Afrique
mafr.net/index.php/fr/missionevangile/lapratiquemissionnaire
Merci.
RépondreSupprimerJe garderai ces mots près de moi et puisse Dieu me permettre de ne jamais les oublier! Je me donne dès maintenant l'objectif de devenir un OUTIL d'évangélisation dont le Seigneur pourra se servir selon sa volonté. D'ailleurs, les manuels de référence des CPÉ parlent d'agents d'évangélisation, et non pas d'évangélisateurs!
Cher Mathieu,
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup l'expression que tu as choisi: "OUTIL d'évangélisation". Comme je l'ai dit dans le blogue, je ne suis plus capable de me dire "évangélisateur"; mais j'ai aussi de la difficulté à me considérer comme un "agent d'évangélisation". Encore là, c'est, selon moi, attribuer trop d'importance et de pouvoir à l'être humain. Saint Paul ne dit-il pas que nous ne sommes que des arrosoirs, mais que c'est Dieu qui assure la croissance: "Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui donnait la croissance.Donc celui qui plante n’est pas important, ni celui qui arrose; seul importe celui qui donne la croissance: Dieu" (1 Co 3, 6-7)