« Je suis une mission » (Pape François)
Être et avoir :
Deux verbes dirigent
notre vie; je devrais probablement dire que deux auxiliaires nous aident à
vivre: les verbes (ou « auxiliaires »)
avoir et être. Un de ces deux verbes est beaucoup plus important que
l’autre; il s’agit du verbe « ÊTRE ». Il arrive qu’une personne
cherche à se définir par le verbe « avoir »,
mais c’est une erreur, une grossière erreur. Pour certaines personnes en effet,
il semble que ce qu’elles ont définit ce qu’elles sont. Leur schème mental semble
dire: « je suis ce que j’ai » :
j’ai une belle auto, je suis quelqu’un de bien; j’ai une belle maison déjà
payée, je suis meilleure que la plupart des gens; je suis beau et en santé, je
mérite donc l’admiration et même l’estime des autres.
Mais la réalité est
que notre valeur vient de notre être, de ce que nous sommes.
Il existe un piège
qui consiste à employer le verbe « être »
dans le sens du verbe « avoir ».
Quand je dis « je suis beau ou je
suis en santé », le verbe être
est en réalité utilisé dans le sens du verbe avoir. Je veux en fait dire que j’ai de la beauté, que j’ai la
santé. Mais un jour viendra où je serai moins beau et où je perdrai ma santé. Nous
savons tous que lorsque nous mourrons, nous perdrons tout ce que nous avons, seul restera ce que nous sommes.
Être et faire :
Dans l’échelle des
valeurs, nous disons souvent que l’être vaut mieux que le faire. C’est
probablement pour cela que Jésus n’a pas voulu réprimander Marie, la sœur de
Lazare, qui était à ses pieds en train d’écouter sa Parole, au lieu d’aider sa sœur
Marthe à faire les préparatifs du repas; non seulement Il ne l’a pas réprimandée,
mais il l’a même louangée en disant que Marie avait choisi la meilleure part (Lc
10, 42).
Le problème, c’est
qu’il nous arrive d’interchanger le mot faire
et le mot être. Un jour, un jour un
journaliste fait une interview avec un des meilleurs joueurs de ballon-panier
au monde. Il commence l’interview en disant: « Vous êtes un joueur de ballon-panier ». Le joueur de ballon-panier
répond: « Jouer au ballon-panier, c’est
ce que je fais; ce n’est pas ce que je suis. » Je puis être avocat,
mais un jour je cesserai d’être avocat. Je peux être facteur, mais un jour je
cesserai d’être facteur.
Être = essence :
Ce qui regarde notre être, ne
partira jamais de nous. Cela fait partie de notre essence.
Quand Dieu s’est révélé à Moïse, il
a dit: « Je suis qui je suis. Tu parleras
ainsi aux fils d’Israël : « Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est :
JE-SUIS. » (Ex 3, 14). Dieu est l’ÊTRE par excellence.
Quand Jésus a été confronté à l’incrédulité
des Juifs, il a dit : « Avant
qu’Abraham fût, moi, JE SUIS. » (Jn 8, 58)
Quand Jésus dit : « JE SUIS la lumière du monde », il
veut dire qu’Il est la lumière du monde et qu’Il sera toujours la lumière du
monde. Quand Jésus dit : « Je SUIS
le Bon Pasteur », il veut dire qu’il sera toujours le Bon Pasteur; il
ne cessera jamais d’être le Bon Pasteur. De même lorsqu’il dit : « JE
SUIS le Pain de Vie. »
Je suis une mission :
Le pape François a
souvent une façon très originale, très profonde et même bouleversante de dire
les choses. Dans son exhortation apostolique La joie de l’Évangile,
le pape nous dit ceci :
« La
mission au cœur du peuple n’est ni une partie de ma vie ni un ornement que je
peux quitter, ni un appendice ni un moment de l’existence. Elle est quelque
chose que je ne peux pas arracher de mon être si je ne veux pas me détruire.
Je suis une mission sur cette terre, et c’est pour cela que je
suis dans ce monde (1). Je dois reconnaître que je suis
comme marqué au feu par cette mission afin d’éclairer, de bénir, de vivifier,
de soulager, de guérir, de libérer. Là apparaît l’infirmière dans l’âme, le
professeur dans l’âme, le politique dans l’âme, ceux qui ont décidé, au fond,
d’être avec les autres et pour les autres. Toutefois, si une personne met d’un
côté son devoir et de l’autre sa vie privée, tout deviendra triste, et elle
vivra en cherchant sans cesse des gratifications ou en défendant ses propres
intérêts. Elle cessera d’être peuple. » (La
joie de l’Évangile, no. 273)
Nous sommes habitués
à entendre dire que comme chrétiens, nous avons une mission dans le monde. Or
le pape François va beaucoup plus loin en disant que nous « SOMMES UNE
MISSION ». Avoir une mission est souvent délimité dans le temps. Être une
mission implique que cela fait partie intégrante de ma vie, où que je sois,
quoi que je fasse et durant toute mon existence terrestre. Je ne peux donc pas
penser qu’il a un temps dans ma vie où je dois travailler pour Dieu et un temps
où je ne travaille pas pour Dieu. Je ne puis pas dire, par exemple, que je
travaille pour Dieu durant six jours par semaine et que le septième jour, je ne
travaille pas pour Dieu. La mission ne nous quitte pas; elle fait partie de
notre être où que l’on soit, quoi que l’on fasse.
Penser ainsi peut
sembler un peu effrayant et épuisant. Mais ce peut-être aussi le contraire;
cela peut être une façon d’unifier notre vie. Saint Paul nous dit: « Tout
ce que vous faites, tout ce que vous dites, que ce soit toujours au nom du
Seigneur Jésus, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père »
(Col 3, 17).
Le pape a raison
quand il dit que si je compartimente ma vie de chrétien en vie apostolique et
en vie privée, je peux chercher des gratifications. J’ajouterais pour ma part
qu’en compartimentant ainsi notre vie, on peut même parfois chercher des
gratifications qui ne sont pas légitimes ou même contraires à l’ordre moral.
Être une mission, c’est prendre conscience que toujours et partout, je puis
porter du fruit pour le royaume, que toujours et partout je suis en mission.
Dans une telle perspective, même nos moments de détente seront vécus avec Dieu
et pour Dieu.
Je ne pense pas
avoir parfaitement compris ce que le pape veut nous partager quand il nous dit
que nous « sommes une mission », mais je pense qu’il vaut la
peine de nous arrêter sur cette façon de parler et de penser. Une chose est
claire à mes yeux, en voyant comment le pape François passe ses journées, ses
mois et ses années, il m’est facile de penser qu’il a intégré ce dont il parle,
qu’il applique dans sa vie ce qu’il conseille et prêche aux autres.
( (1) Le
texte officiel s’exprime ainsi: « Je suis une
mission sur cette terre, et pour cela je suis dans le monde ».
Mais cette façon de dire les choses ne me semble pas correcte en français.Dans
la version officielle en anglais, le texte dit ceci : « I am
a mission on this earth; that is the reason why I am here in this world. »
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