jeudi 1 mars 2018

" Je suis une mission " (Pape François)


« Je suis une mission » (Pape François)

Être et avoir :

Deux verbes dirigent notre vie; je devrais probablement dire que deux auxiliaires nous aident à vivre: les verbes (ou « auxiliaires ») avoir et être. Un de ces deux verbes est beaucoup plus important que l’autre; il s’agit du verbe « ÊTRE ». Il arrive qu’une personne cherche à se définir par le verbe « avoir », mais c’est une erreur, une grossière erreur. Pour certaines personnes en effet, il semble que ce qu’elles ont définit ce qu’elles sont. Leur schème mental semble dire: « je suis ce que j’ai » : j’ai une belle auto, je suis quelqu’un de bien; j’ai une belle maison déjà payée, je suis meilleure que la plupart des gens; je suis beau et en santé, je mérite donc l’admiration et même l’estime des autres.

Mais la réalité est que notre valeur vient de notre être, de ce que nous sommes.

Il existe un piège qui consiste à employer le verbe « être » dans le sens du verbe « avoir ». Quand je dis « je suis beau ou je suis en santé », le verbe être est en réalité utilisé dans le sens du verbe avoir. Je veux en fait dire que j’ai de la beauté, que j’ai la santé. Mais un jour viendra où je serai moins beau et où je perdrai ma santé. Nous savons tous que lorsque nous mourrons, nous perdrons tout ce que nous avons, seul restera ce que nous sommes.

Être et faire :

Dans l’échelle des valeurs, nous disons souvent que l’être vaut mieux que le faire. C’est probablement pour cela que Jésus n’a pas voulu réprimander Marie, la sœur de Lazare, qui était à ses pieds en train d’écouter sa Parole, au lieu d’aider sa sœur Marthe à faire les préparatifs du repas; non seulement Il ne l’a pas réprimandée, mais il l’a même louangée en disant que Marie avait choisi la meilleure part (Lc 10, 42).

Le problème, c’est qu’il nous arrive d’interchanger le mot faire et le mot être. Un jour, un jour un journaliste fait une interview avec un des meilleurs joueurs de ballon-panier au monde. Il commence l’interview en disant: « Vous êtes un joueur de ballon-panier ». Le joueur de ballon-panier répond: « Jouer au ballon-panier, c’est ce que je fais; ce n’est pas ce que je suis. » Je puis être avocat, mais un jour je cesserai d’être avocat. Je peux être facteur, mais un jour je cesserai d’être facteur.

Être = essence :

Ce qui regarde notre être, ne partira jamais de nous. Cela fait partie de notre essence.

Quand Dieu s’est révélé à Moïse, il a dit: « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : « Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : JE-SUIS. » (Ex 3, 14). Dieu est l’ÊTRE par excellence.  

Quand Jésus a été confronté à l’incrédulité des Juifs, il a dit : « Avant qu’Abraham fût, moi, JE SUIS. » (Jn 8, 58)

Quand Jésus dit : « JE SUIS la lumière du monde », il veut dire qu’Il est la lumière du monde et qu’Il sera toujours la lumière du monde. Quand Jésus dit : « Je SUIS le Bon Pasteur », il veut dire qu’il sera toujours le Bon Pasteur; il ne cessera jamais d’être le Bon Pasteur. De même lorsqu’il dit : « JE SUIS le Pain de Vie. »

Je suis une mission :

Le pape François a souvent une façon très originale, très profonde et même bouleversante de dire les choses. Dans son exhortation apostolique La joie de l’Évangile, le pape nous dit ceci :

 « La mission au cœur du peuple n’est ni une partie de ma vie ni un ornement que je peux quitter, ni un appendice ni un moment de l’existence. Elle est quelque chose que je ne peux pas arracher de mon être si je ne veux pas me détruire. Je suis une mission sur cette terre, et c’est pour cela que je suis dans ce monde (1). Je dois reconnaître que je suis comme marqué au feu par cette mission afin d’éclairer, de bénir, de vivifier, de soulager, de guérir, de libérer. Là apparaît l’infirmière dans l’âme, le professeur dans l’âme, le politique dans l’âme, ceux qui ont décidé, au fond, d’être avec les autres et pour les autres. Toutefois, si une personne met d’un côté son devoir et de l’autre sa vie privée, tout deviendra triste, et elle vivra en cherchant sans cesse des gratifications ou en défendant ses propres intérêts. Elle cessera d’être peuple. » (La joie de l’Évangile, no. 273)

Nous sommes habitués à entendre dire que comme chrétiens, nous avons une mission dans le monde. Or le pape François va beaucoup plus loin en disant que nous « SOMMES UNE MISSION ». Avoir une mission est souvent délimité dans le temps. Être une mission implique que cela fait partie intégrante de ma vie, où que je sois, quoi que je fasse et durant toute mon existence terrestre. Je ne peux donc pas penser qu’il a un temps dans ma vie où je dois travailler pour Dieu et un temps où je ne travaille pas pour Dieu. Je ne puis pas dire, par exemple, que je travaille pour Dieu durant six jours par semaine et que le septième jour, je ne travaille pas pour Dieu. La mission ne nous quitte pas; elle fait partie de notre être où que l’on soit, quoi que l’on fasse.

Penser ainsi peut sembler un peu effrayant et épuisant. Mais ce peut-être aussi le contraire; cela peut être une façon d’unifier notre vie. Saint Paul nous dit: « Tout ce que vous faites, tout ce que vous dites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père » (Col 3, 17).

Le pape a raison quand il dit que si je compartimente ma vie de chrétien en vie apostolique et en vie privée, je peux chercher des gratifications. J’ajouterais pour ma part qu’en compartimentant ainsi notre vie, on peut même parfois chercher des gratifications qui ne sont pas légitimes ou même contraires à l’ordre moral. Être une mission, c’est prendre conscience que toujours et partout, je puis porter du fruit pour le royaume, que toujours et partout je suis en mission. Dans une telle perspective, même nos moments de détente seront vécus avec Dieu et pour Dieu.

Je ne pense pas avoir parfaitement compris ce que le pape veut nous partager quand il nous dit que nous « sommes une mission », mais je pense qu’il vaut la peine de nous arrêter sur cette façon de parler et de penser. Une chose est claire à mes yeux, en voyant comment le pape François passe ses journées, ses mois et ses années, il m’est facile de penser qu’il a intégré ce dont il parle, qu’il applique dans sa vie ce qu’il conseille et prêche aux autres.


(   (1) Le texte officiel s’exprime ainsi: « Je suis une mission sur cette terre, et pour cela je suis dans le monde ». Mais cette façon de dire les choses ne me semble pas correcte en français.Dans la version officielle en anglais, le texte dit ceci : « I am a mission on this earth; that is the reason why I am here in this world. »





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire