mardi 29 septembre 2015

Les anges sont les spécialistes de la louange

Les anges sont les spécialistes de la louange
 
En cette période de l’année liturgique, l’Église nous présente les anges comme modèles et comme aides. Aujourd’hui, c’est la « fête » des archanges Saint-Michel, Saint-Gabriel et Saint-Raphaël. Dans le calendrier de l’Église, il y a, par ordre d’importance: les « jours ordinaires », les « mémoires » (la plupart du temps les mémoires sont en l’honneur d’un saint ou une sainte), les « fêtes » et les « solennités ». Le fait qu’aujourd’hui soit une « fête » dans l’Église, montre à quel point l’Église universelle vénère les anges et les archanges. Dans quelques jours, le 2 octobre, l’Église fera mémoire des « anges gardiens ».

Quel est le rôle essentiel des anges? Au ciel, leur mission principale est de louer Dieu; ce qu’ils font à merveille et sans se lasser. Sur terre, les anges ont pour mission de veiller sur nous, de nous guider, de nous protéger; en un mot, ils veillent à notre salut.

J’aimerais aujourd’hui mettre l’accent sur le rôle jouer par les anges au ciel: ils louent Dieu continuellement et joyeusement. Ils ne cessent de s’émerveiller devant la grandeur de Dieu. À la messe, quelques instants avant le moment le plus important de la célébration, c’est-à-dire la consécration du pain et du vin, nous chantons en chœur le cantique des anges au ciel: « Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers. Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire. Hosanna au plus haut des cieux ». L’origine de ces paroles, se trouvent dans la Bible, au livre d’Isaïe, au chapitre 6:

« L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils avaient chacun six ailes: deux pour se couvrir le visage, deux pour se couvrir les pieds, et deux pour voler. Ils se criaient l’un à l’autre: « Saint! Saint! Saint, le Seigneur de l’univers! Toute la terre est remplie de sa gloire. » (Is 6, 1-3)

Les anges sont dans la gloire. Ils n’ont jamais quitté la gloire de Dieu. Même lorsqu’ils nous rendent les services que Dieu leur commande de nous rendre, ils contemplent Dieu face à face (Mt 18, 10). Il n’est donc pas étonnant que le mot « gloire » revienne si souvent sur « leurs lèvres » (pour ainsi dire, car un pur esprit n’a pas de bouche). La nuit où Jésus est né, de simples bergers ont entendu les anges chanter la gloire de Dieu; c’est ce que nous dit l’évangéliste Luc:

« Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit: « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple: Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant: « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. » Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel, ceux-ci se disaient entre eux: « Allons jusqu’à Bethléem pour voir ce qui est arrivé, l’événement que le Seigneur nous a fait connaître. » (Lc 2, 8-15).

Pourquoi insister aujourd’hui sur la louange extraordinaire que rendent les anges à Dieu, au ciel? La raison en est que la louange est une des tâches essentielles des Cellules Paroissiales d’Évangélisation que nous allons implanter dans quelques jours en notre paroisse. À chaque fois qu’une « cellule » se réunit, les membres commencent par louer le Seigneur pour ce qu’Il est et pour ce qu’Il fait. Ce temps de louange dure environ 15 minutes. Quelle belle façon de commencer une rencontre: en se décentrant de nous-mêmes et de nos besoins immédiats, pour nous centrer sur Dieu; sur ce qu’Il est et sur ce qu’il fait de beau et de bon dans notre monde. La louange peut aussi prendre la forme du remerciement; mais non pas de la demande. La « cellule » commence sa rencontre non pas en demandant des choses à Dieu, mais en le louant pour ce qu’Il est et pour ce qu’Il fait. La louange porte surtout sur ce que Dieu est en lui-même: Il est le Dieu trois fois Saint; il est Amour; Il est Miséricorde; Il est juste; Il est humble.

C’est pourquoi les anges et les archanges sont nos modèles. Ils contemplent depuis le premier jour de leur existence, ce que Dieu est en Lui-même et ils s’émerveillent de sa divinité et de sa grandeur. Un jour, nous dit saint Jean, nous aussi, nous contemplerons Dieu, et nous le verrons tel qu’Il est (1 Jn 3, 2), mais dès maintenant, nous voulons le louer au meilleur de notre connaissance et de notre amour.

Je prie les anges, en ces jours où nous les fêtons, d’intercéder pour nous et de nous obtenir le don de la louange, le don de l’amour gratuit et désintéressé qui s’émerveille de ce que Dieu est en lui-même, de la grandeur de sa gloire, de la grandeur de son amour.    

Frémissant devant ta face,
À pleine joie ils crient ton nom!
Que l’un d’eux descende et passe
Nous toucher d’un tison;
Alors nos lèvres rendront grâces,
Purifiées par le pardon. (1)


(1) Hymne des vêpres, fête des archanges Michel, Gabriel et Raphaël, le 29 septembre.


   

dimanche 27 septembre 2015

Dieu pleure (2)


Dieu pleure (2) *

Dieu pleure-t-il?
 
Je crois que oui; et le pape François aussi:

PAPE FRANÇOIS

MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE

Mardi 4 février 2014

(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 8 du 20 février 2014)

Quand Dieu pleure

Tout bon père « a besoin de son fils : il l’attend, il le recherche, il l’aime, il le pardonne, il le veut à ses côtés, aussi proche que la poule veut ses poussins ». En commentant les lectures de la liturgie, le Pape a en effet affronté le thème de la paternité, en le reliant aux deux figures principales décrites dans l’Évangile de Marc (5, 21-43) et dans le second livre de Samuel (18, 9-10.14.24-25.30 ; 19, 1-4): Jaïre et David. En s’arrêtant d’abord sur le roi d’Israël, le Pape a rappelé que bien que son fils Absalon fût devenu son ennemi, David « attendait des nouvelles de la guerre. Il était assis entre les deux portes du palais et regardait ». Et bien que tous fussent certains qu’il attendait « les nouvelles d’une belle victoire », en réalité « il attendait autre chose: il attendait son fils. C’est son fils qui l’intéressait. Il était roi, il était à la tête du pays mais » surtout « il était père ». Et ainsi « quand est arrivée la nouvelle de la fin de son fils », David « frémit. Il monta dans la chambre supérieure de la porte et se mit à pleurer: “Mon fils Absalon! mon fils! mon fils Absalon! que ne suis-je mort à ta place! Absalon mon fils! mon fils!” ». Quant au personnage évangélique, Jaïre, l’un des chefs de la synagogue au temps de Jésus, le Pape François a souligné qu’il s’agissait d’une « personne importante », qui toutefois « face à la maladie de sa fille » n’a pas honte de se jeter aux pieds de Jésus et de l’implorer: « Ma petite fille est à toute extrémité, viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive! ». Cet homme ne s’arrêta pas à réfléchir aux conséquences de son geste. Voilà alors le lien entre les deux figures de pères. Pour eux la priorité va à leurs enfants. Et cela « fait penser à la première chose que nous disons de Dieu dans le Credo: « Je crois en Dieu le Père ». Cela fait penser à la paternité de Dieu. Dieu est ainsi avec nous ». Quelqu’un pourrait observer: « Mais mon père, Dieu ne pleure pas! ». Une objection à laquelle le Pape a répondu: « Mais bien sûr que si! Rappelons-nous Jésus quand il a pleuré en regardant Jérusalem: « Jérusalem, Jérusalem, que de fois j’ai voulu recueillir tes fils ! », comme la poule réunit ses poussins sous ses ailes ». Donc « Dieu pleure ; Jésus a pleuré pour nous ». Et dans ces pleurs il y a la représentation des pleurs du père, « qui nous veut tous avec lui dans les moments difficiles ».  
 
 

VISITE DU PAPE FRANÇOIS AUX ÉTATS-UNIS :

Le pape François, a rencontré aujourd’hui à Philadelphie, en ce 27 septembre 2015, cinq victimes d’abus sexuels. Il a alors dit ceci:

« Le récit des souffrances et de la douleur qu’ont enduré des mineurs agressés sexuellement par des prêtres, » ont bouleversé mon cœur. Je suis continuellement submergé par la honte face à des gens qui avaient la responsabilité de prendre soin de petits enfants et qui les ont agressés. Devant de tels actes haineux, Dieu pleure. » (1)


* Cet astérisque fait référence au blogue du 9 septembre 2015, intitulé: Dieu pleure.
 
(1)

www.catholicnewsagency.com › News › Vatican

   
 

 

 

 

samedi 26 septembre 2015

Échos d'une session sur les Cellules Paroissiales d'Évangélisation


Échos d’une session sur les 
Cellules Paroissiales d’Évangélisation 


Bonjour à vous!  

Comme vous le savez, notre paroisse est engagée depuis le début de l’année (janvier 2015), dans un processus de revitalisation. Depuis des mois, plusieurs paroissiens sentent le besoin de donner davantage de vie à la paroisse. L’Esprit Saint nous a conduits depuis neuf fois, le temps d’une grossesse, vers un chemin d’évangélisation qui porte le nom de Cellules Paroissiales d’Évangélisation.

Ces jours-ci, les 24, 25, 25 et 27 septembre 2015, avait lieu à l’église Sainte-Élisabetth, dans le diocèse de Joliette, la session nationale annuelle des CPÉ (Cellules Paroissiales d’Évangélisation). Alors que je vous écris ces quelques lignes, cette session suit son cours. Je n’ai participé qu’aux deux premiers jours de la session, ayant aujourd’hui et demain de nombreux engagements en paroisse. Mais je me réjouis du fait que certains de mes paroissiens suivent toute la session. Nous étions douze membres de la paroisse, à suivre en tout ou en partie cette session.

Voici les échos qui montent de mon cœur, suite à cette expérience; car il s’agit bel et bien d’une expérience. C’est d’abord le lieu de la session qui m’a touché: l’église Sainte-Élisabeth, dans le diocèse de Joliette. Pour quelqu’un qui vient de Montréal, cet endroit semble un endroit perdu, au fond de nulle part. Je m’excuse auprès de mes nouveaux amis de Ste-Élisabeth, qui peuvent être froissés par la phrase précédente, mais vous verrez dans un instant que la remarque que je viens de faire, est plutôt à votre avantage.

Pour arriver au village de Ste-Élisabeth, nous traversons des kilomètres de champs de maïs. À l’approche du village, de très belles montagnes, à notre gauche, nous prépare déjà à élever notre cœur vers le haut, et à nous connecter sur le divin. Quand je réfléchis à cet emplacement, où s’est déroulée la session, je me dis que l’Évangile est toujours d’actualité et que le mode d’opération de Dieu au fil des âges, ne change pas. Dieu se plaît à choisir ce qu’il y a de plus petit, de plus simple et de plus humble, pour manifester sa gloire. N’a-t-on pas dit de l’endroit où le Fils de Dieu a vécu durant trente ans: « Est-ce que quelque chose de bon peut sortir de Nazareth? » (Jn 1, 46)

J’ai déjà écrit ceci sur mon blogue, et je le répète: le Seigneur fait bien les choses; il gouverne toutes choses avec sagesse et douceur. Cet après-midi, je vais célébrer la messe dominicale en paroisse. Or les lectures bibliques du présent dimanche, lectures qui seront proclamées aussi au terme de la session donnée à Joliette, parlent explicitement du premier pilier des CPÉ: l’Esprit Saint. Je doute fort que les organisateurs de la session sur les CPÉ, aient choisi les dates de la session, selon la Parole de Dieu qui serait proclamée à la clôture de la session. 

La première lecture de ce dimanche, est tirée du Livre des nombres, dans la Bible: Nombres 11, 25-29. On y voit Dieu prendre une part de l’Esprit Saint qui reposait sur Moïse, et Le « mettre » en soixante-dix anciens. Dès qu’ils reçurent l’Esprit Saint, tous ces gens se mirent à prophétiser. Or pour nous, gens du 21ème siècle, qu’est-ce que prophétiser, sinon annoncer Jésus Christ? Et la lecture se termine par ce souhait de Moïse: « Ah si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple, un peuple de prophètes. »

À Joliette, ces jours-ci, j’ai vu de mes yeux et entendu de mes oreilles, ce que pouvait être un peuple de prophètes. Toutes ces personnes simples, dynamiques et remplis de l’Esprit Saint, que j’ai vues témoigner et annoncer l’Évangile, m’ont bouleversé. J’ai alors compris pourquoi M. Luc Labrecque, le responsable des CPÉ au Canada, aime tant cette citation du prophète Isaïe: « Le plus petit deviendra un millier, le plus chétif, une nation puissante. Moi, le Seigneur, je hâterai cela au temps voulu » (Is 60, 22)

Mon expérience des CPÉ à Joliette, m’a fait prendre conscience que si nous ne nous lançons pas davantage dans le processus d’évangélisation, c’est parce que nous ne sommes pas assez petits, pas assez humbles, pas assez confiants. Nous nous jugeons supérieurs aux autres, et cela justifie presque notre inaction. Nous avons peur de faire rire de nous, alors nous n’osons pas évangéliser. Nous ne sommes pas assez petits, pas assez humbles.

Les lumières que j’ai reçues ces jours-ci, me font encore plus apprécier le fait que nous ayons dédié notre chapelle d’adoration eucharistique à la « petite Thérèse, à Thérèse de l’Enfant-Jésus. Que Thérèse nous obtienne la grâce de nous reconnaître tout petits.

En terminant, je désire citer saint Bonaventure qui se pose la question suivante: « Sur qui vient l’Esprit-Saint? » Et il répond: « Il vient où Il est aimé, où Il est invité et où Il est attendu. » (Sermon pour le deuxième dimanche de Pâques). Je sais que Jésus nous a dit que l’Esprit Saint souffle où Il veut (Jn 3, 8); mais à Joliette, j’ai rencontré des membres des CPÉ qui aiment l’Esprit Saint, qui l’invitent, l’attendent    et le reçoivent en abondance.

Complément:

À la fin du mois de mai dernier, j'ai invité monsieur Richard Vidal, auteur-compositeur-interprète Québécois, à venir donner un récital en notre paroisse. Le chant qui m'a le plus ému durant cette soirée, s'intitule: " L'Autre Visage ". Les paroles qui m'ont le plus touché dans ce chant, se trouvent dans le refrain où il est dit: " HEUREUX LES PAUVRES! DEBOUT LES PAUVRES! CAR LE ROYAUME EST EN VOS MAINS ". J'étais ému en entendant ces paroles, mais je ne les comprenais pas vraiment. Le " deuxième commandement ", " Debout les pauvres ", me semblait interpellant, mais j'avais beaucoup de difficulté à l'interpréter. Que voulait dire monsieur Vidal en donnant pour ainsi dire, cet ordre aux pauvres: l'ordre de se lever. Eh bien, en fin de semaine, à Joliette, j'ai compris ces paroles prophétiques du chant. Oui, les pauvres, les pauvres de cœur et les pauvres tout court, sont invités à se lever et à remplir leur rôle de prophètes car, comme le dit si bien ce chant: " Le Royaume est dans leurs mains ". Cela est tout à fait révolutionnaire et évangélique. Non pas révolutionnaire à la manière de Che Guevara, mais révolutionnaire à la manière de Jésus. Les pauvres doivent se lever, être prophètes, car ce sont eux qui nous enseignent le chemin qui conduit au ciel. Cette révolution ne concerne pas tellement le bien-être terrestre; cette révolution concerne surtout notre vie éternelle.

La fin de semaine que je viens de vivre à Joliette me permet aussi de mieux comprendre le blogue que j'ai intitulé: " Quelle est ta "béatitude" ? " (pour lire ce blogue, veuillez cliquer sur les mots suivants: Quelle est ta " béatitude "?). Remercions le Seigneur de nous instruire peu à peu sur nous-mêmes et sur le monde.  

                                            






lundi 21 septembre 2015

Pier Giorgio: " l'homme des huit béatitudes "


Pier Giorgio: « l’homme des huit béatitudes »

Jean-Paul II, devant une photographie de Pier Giorgio
     
J’ai écrit, le 4 juillet dernier, un blogue sur le Bienheureux Pier Giorgio Frassati (pour y accéder, veuillez cliquer sur les mots suivants: Dieu ma joie: Pier Giorgio Frassati, modèle pour la jeunesse). Il y a environ trois semaines, j’ai fait la connaissance d’une dame dont le nom est Annie Gilbert, qui connaît et aime beaucoup Pier Giorgio. Annie a un très beau site internet sur Pier Giorgio (1) Grâce à Annie, j’ai pu résoudre un question qui m’a toujours embarrassée lorsque je me documentais sur le jeune Bienheureux, via l’internet. En plusieurs endroits, sur l’internet, on affirme que le pape Jean-Paul II, lors de la messe de béatification du jeune Pier Giorgio Frassati, le 20 mai 1990, a dit de lui qu’il est « l’homme des huit béatitudes ». J’ai été lire l’original de l’homélie du pape lors de la messe de béatification, et jamais le pape n’a affirmé une telle chose.

De plus, j’ai toujours pensé que seul Jésus pouvait être considéré comme étant l’homme qui a incarné à lui seul, les huit béatitudes.

Grâce à Annie, j’ai appris il y a de cela quelques jours, que c’est le cardinal Karol Wojtyla (qui deviendra le pape Jean-Paul II), qui a qualifié Pier Giorgio Frassati d’homme des huit béatitudes, à Cracovie, le 27 mars 1977.   

Et grâce à mon bon ami le Frère Simon-Pierre Lessard, membre de la communauté des Missionnaires de l’Évangile située à Sherbrooke (voir: Dieu ma joie: Les " Missionnaires de l'Évangile ") j’ai maintenant l’évidence que Pier Giorgio Frassati est véritablement l’homme des huit béatitudes. Simon-Pierre m'a envoyé hier un texte qu'il a écrit à ce sujet en 2011, alors qu’il avait vingt-quatre ans (l’âge de Pier Giorgio au moment de sa mort). C’est vraiment extraordinaire de réaliser qu’un jeune du siècle dernier, ait réussi à incarner à lui seul les huit béatitudes évangéliques, en seulement 24 ans d’existence. Ce Pier Giorgio Frassati est vraiment tout un géant. Depuis le 4 juillet dernier, nous vivons dans l'Église " l'année Pier Giorgio Frassati ". Dans divers pays du monde, cette année est prise très au sérieux. Dieu a donné à notre époque un modèle extraordinaire pour notre jeunesse et pour toute personne qui désire suivre le Christ sérieusement et joyeusement. Je prie le Seigneur d'inspirer plusieurs Québécois et Canadiens à prendre au sérieux le cadeau qui nous est fait de pouvoir vivre une année Pier Giogio Frassati. Si plusieurs personnes prennent au sérieux cette année, et si Pier Giorgio est davantage prié pour que les pauvres et les malades soient soulagés de leurs maux, je ne serais pas surpris qu'un nouveau miracle soit obtenu par son intercession et que, peut-être, Pier Giorgio soit élevé à la sainteté à la fin de l'année qui lui est consacrée. Voilà un de mes plus chers souhaits et l'objet de ma prière.

Simon-Pierre m’a donné la permission de reproduire son texte sur mon blogue. Je le remercie de cette faveur. C’est un texte qui est assez long, trop long normalement pour être mis sur un blogue, mais je juge qu’on doit parfois faire des exceptions. Les citations mises en italique dans le texte, proviennent de livres écrits sur Pier Giorgio. Puisque ce travail de Simon-Pierre était destiné à l’origine à un usage assez privé, il a jugé qu’il n’était pas nécessaire de  mettre les références des citations. Voici le texte de Simon-Pierre:   

L'homme des huit béatitudes
Pier Giorgio Frassati

Tu as donné, Seigneur,
au jeune Pier Giorgio Frassati
la joie de rencontrer le Christ
et de vivre sa foi d'une manière exemplaire;
Accorde-nous, par son intercession,
d'imiter sa générosité
et de suivre avec lui le chemin des béatitudes
pour témoigner de l'Évangile dans le monde.
Par Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Amen.

Avez-vous déjà vue une étoile filante? Les étoiles filantes sont les plus belles et les plus brillantes… mais aussi les plus courtes! De même est la vie du bienheureux tertiaire dominicain Pier Giorgio Frassati, mort jeune, comme souvent meurent les saints. C'est sans doute parce que son cœur fut si brulant de charité, qu'il s'est consumé en à peine 24 ans… le temps d'une ascension. Frassati fut une étoile, qui filait vers le ciel où sont immense désir s'est enfin apaisé; un astre d'en haut qui a illuminé ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort; une comète dont la poussière n'a pas finit de retomber sur notre terre, n'a pas finit de fertiliser la graine du Royaume semé dans nos cœurs et de conduire nos pas au chemin de la paix.

La vie du Bienheureux Frassati est si brève qu'elle peut se résumer en une seule phrase: il est né, il a brillé, il s'est éteint! Voilà pour la partie "biographie" de cet entretient.

Maintenant, j'aimerais vous parler de son cœur, car c'est en connaissant le cœur d'un homme qu'on le connait vraiment. Voici donc le cœur de l'homme des huit béatitudes! Mes frères, je vous invite aujourd’hui, à contempler avec moi cette étoile de la Voie lactée dominicaine, en parcourant l'octave de ses béatitudes.

Heureux les pauvres de cœur: le Royaume des cieux est à eux!

Si la vie chrétienne peut se définir comme la contemplation aimante de Dieu par les pauvres, alors oui, nous pouvons dire que Pier Giorgio fut chrétien au plus au point. Car non seulement il contemplait Dieu avec son cœur de pauvre, mais c'est même à travers les pauvres qu'il voyait Dieu.

C'était un véritable amant de la pauvreté. Il aimait les pauvres. Il se faisait leur ami. Il pensait à eux avant de penser à lui. Il parle même de ses visites aux pauvres comme ses nouvelles conquêtes et un jour, il confie à l'un de ses amis: « Autour des malades, autour des malheureux, je vois une lumière que nous les riches et les bien portants nous n’avons pas ». Une lumière que nous n'avons pas!

Cette lumière il la voyait déjà enfant. Un jour ou le petit Pier Giorgio est seul à la maison, une pauvre sonne à la porte. Il n'y a personne pour l'aider, il n'a rien à lui donner… que faire? Son cœur d'enfant répond immédiatement en lui donnant … ses souliers et ses chaussettes!

Un autre jour, un autre pauvre sonne à la porte. Il sent l'alcool et se voit refusé l'aumône par son père. Le petit Pier Giorgio se met à pleurer. Sa mère lui demande: « Pourquoi pleures-tu ? Son cœur parle à nouveau: « Peut-être que Jésus est passé et que nous l'avons chassé. »

À sept ans il dit à sa mère: « Maman, est-ce que je peux donner mes économies à la nourrice, elle est pauvre et ne va pas bien? » Et alors que sa mère s'apprête à lui acheter de nouveaux vêtements Pier Giorgio lui dit: « Dis, maman, si tu achetais du moins beau, on donnerait la différence aux pauvres. »

À 17 ans, il s'inscrit aux Conférences Saint-Vincent-de-Paul. Cette association regroupe des bénévoles qui cherchent à développer l'aide aux plus pauvres. Frassati se met à faire des visites et des collectes de dons. Il se rend régulièrement dans les taudis de Turin. Grâce à des emprunts, il achète le nécessaire pour certaines familles.

Vraiment, il donnait tout. Il donnait tout, à la manière de saint Martin, même ses vêtements. Un soir, à Berlin où son père est ambassadeur d'Italie, il rentre chez lui, le sourire aux lèvres. M. Frassati, au milieu des invités, l'accueille, lui, sans sourire: Pier Giorgio est en veston et le thermomètre marque - 12 degrés! Que s'est-il passé? En chemin, il a croisé un pauvre vieux, grelottant, et il lui a donné son manteau. Aux reproches de son père, il répond avec une candeur renversante: « Tu sais, papa, il avait froid. »

À 20 ans il n'avait pas changé. Une nuit, il rentre à une heure du matin, détrempé. Il venait de marcher plusieurs heures sous la pluie battante. Il était à pied… pourquoi? Parce qu'il avait préféré donner toute la monnaie de ses poches à une vieille malade, plutôt que de garder pour lui les quelques centimes nécessaires pour un ticket de tram.


Heureux les doux: ils obtiendront la terre promise!

La véritable douceur est étroitement unie à la force. C'est à la manière d'user de ses forces prodigieuses que l'on reconnait sa douceur. Lors d'une excursion en montagne, une amie commence à montrer des signes de fatigue. Alerté par sa charité, Pier Giorgio est le premier à s'en apercevoir. Trop doux pour faire une plaisanterie humiliante ou même simplement pour porter l'attention des autres sur la fatigue de son amie, il commence à se plaindre lui-même: « La neige est trop glissante, mes souliers neuf me font mal, la courroie de mon sac me coupe l'épaule. » Et ainsi de suite jusqu'à ce que les autres se décide de faire une pause. Ainsi son amie pourra souffler un peu sans qu'elle eut besoin de le demander.

Son cœur doux et viril aime la beauté, car la beauté vient de Dieu! Dans la nature et dans l'art, son cœur s'épanche. Il connaît de grands passages de Dante par cœurs qu'il déclame à haute voix dans sa chambre, en chemin, avec ses amis, sur la montagne, ou même sur le quai des gares.

Plus que l'art, œuvre humaine, Frassati aime la nature, pure œuvre de Dieu! Il est amoureux des fleurs et des montagnes. Amoureux des fleurs, il en offre à ceux qu'il aime.

Il offre des fleurs aux pauvres. Il offre des fleurs aux morts! À Berlin, dégouté de la vie mondaine de sa famille, il récupère les fleurs après les réceptions à l'ambassade et fleurit les tombes dénudées du cimetière.

Quant à son amour de la montagne, il est légendaire. Alpiniste audacieux, la montagne est son cloître, lieu de lumière, de silence et de beauté. Dès qu'il le peut, il fuit le monde et se laisse transfigurer par la montagne. La montagne est contemplative. La montagne est élévation du corps et de l'âme, rapprochement de Dieu. Sa sœur raconte: « Ce qu'il aimait dans la montagne, c'était la vie rude: la préparation des sacs, les fatigues de la montée, le ravitaillement porté à dos, le casse-croûte dans la neige, les buvettes inexistantes, la glace dans les cuvettes le matin, l'absence de tout confort, la vie en équipe, la découverte de la montagne … Sur un plan plus élevé, c'était l'ascèse, la purification, le silence, le voisinage de Dieu. Le saint alpiniste confie à un ami: « Chaque jour je m'éprends plus éperdument de la montagne: sa fascination me saisit. Toujours avec plus d'ardeur, je désire escalader les cimes, atteindre les pointes les plus hardies, éprouver cette joie très pure que seul peut donner la montagne. »

Il confie aussi: « Je voudrais, si mes études me le permettaient, passer des journées entières sur la montagne et y admirer, dans cette atmosphère si pure, la magnificence du Créateur! Montagnes, montagnes, montagnes, je vous aime! »

Heureux ceux qui pleurent: ils seront consolés!

Les saints ne sont pas à l'abri des peines d'amour! Seulement, ils les vivent dans la foi, l'espérance et surtout dans la charité qui leur permettent de renoncer à un amour humain pour un amour divin. En 1924, Pier Giorgio tombe en amour avec une amie, Laura Hidalgo. Orpheline et étudiante en mathématiques, rencontrée pour la première fois pendant le carnaval de 1923, elle devient pour lui un guide et un soutien. Il ne parle à personne de cet amour, qu'il garde secret pendant plusieurs mois. Il en parlera à sa sœur, mais jamais à ses parents. Car il sait que ses parents n'accepteraient jamais qu'il se marie avec quelqu'un issu d'un milieu social éloigné du leur. Il choisit donc librement et courageusement de renoncer à cet amour. Il raisonne ainsi: « Je prendrai sur moi le sacrifice, si Dieu le veut ainsi, que sa sainte volonté soit faite! Ce serait absurde de détruire un foyer pour en édifier un nouveau. À côté du droit, il y a le devoir. »

La peine est vive et il fait part de sa douleur à un ami: « Je te demande de prier afin que Dieu me donne la force de supporter sereinement ma peine et la force d'accomplir ma destinée, tandis qu'à elle [Laura], soient réservés tous les bonheurs de cette terre ».  À un autre ami, il écrit: « Dans mes luttes intérieures, je me suis souvent demandé: "Pourquoi devrais-je souffrir, supporter à contrecœur ce sacrifice? J'ai peut-être perdu la foi?" Non, grâce à Dieu, ma foi est encore solide: affermissons et consolidons donc ce qui est notre unique joie, qui en ce monde comble chacun de nous. Elle vaut bien tous les sacrifices. Et commentant la douleur ressentie, il écrit: «  Les douleurs humaines peuvent nous atteindre, mais pour peu qu'on les considère à la lumière de la religion et qu'on les accepte, elles ne sont plus nocives mais salutaires, car elles purifient l'âme des inévitables souillures que, du fait de notre nature viciée, il nous arrive parfois de contracter ».

Enfin, il écrit à sa sœur qui s'inquiète de sa possible tristesse: « Tu me demandes si je suis heureux: comment pourrait-il en être autrement? Tant que ma foi m'en donnera la force, je serai toujours heureux: la tristesse doit être bannie des cœurs animés par la foi. La douleur n'est pas la tristesse qui est la pire des affections. Cette maladie est presque toujours le fruit de l'athéisme, mais la fin pour laquelle nous avons été créés nous indique une voie, sans doute semée d'épines, mais non une voie emplie de tristesse. »

Parce que le témoignage de sa bonne conscience, éclairait toujours d'une grande joie son visage, ainsi la lumière de sa face ne se perdait pas sur la terre.


Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice: ils seront rassasiés!

Faim et soif de la justice… oui et même au sens littéral! Un jour qu'un ami se plaint à lui:

« J'ai une soif terrible. » Frassati lui répond: « Donnons à un pauvre le prix du rafraîchissement, et la soif passera. »

Comme laïc, il prenait au sérieux son devoir de sanctifier l’ordre temporel. Avec l'amour des pauvres, il considérait l'engagement politique comme un devoir du chrétien. À 17 ans, il entre à l'École polytechnique de Turin afin de devenir ingénieur des mines. Il choisit d'intégrer l'école afin de pouvoir côtoyer les mineurs. Il n'aime ni les études, ni l'ingénierie, ni les mines… mais il aime les mineurs, car ils sont les plus pauvres travailleurs de son temps, ceux qui souffrent des conditions de travail les plus pénibles.

Pier Giorgio s'engage aussi au sein de la Fédération des Universitaires Catholiques Italiens (FUCI). Au sein de la FUCI, il prend connaissance de la doctrine sociale de l'Église. Il lit et fait connaître l'Encyclique du pape Léon XIII Rerum Novarum. Auprès des étudiants, sur tous les terrains de son activité, en route avec ses compagnons … il ne manquait jamais de paroles d'édification, il abondait en récits exemplaires capables de porter l'âme des auditeurs à l'amour du Christ et au mépris du siècle.

L'arrivée du parti de Benito Mussolini au pouvoir le 28 octobre 1922, est pour Pier Giorgio source d'une grande tristesse, mais aussi d'un sentiment de révolte. Alors à Berlin, Pier Giorgio écrit à ses amis: « J'ai donné un coup d'œil au discours de Mussolini et tout mon sang bouillait dans mes veines.Je suis vraiment déçu par l'attitude des Populaires! Où est la foi de nos hommes? […] Il fait bon vivre ici [à Berlin] où l'on est tranquille, loin du pays tombé entre les mains d'une bande de fripouilles.

Heureux les miséricordieux: ils obtiendront miséricorde!

Il y avait en lui une très ferme égalité d'âme, sauf quand quelque misère, en le troublant, l'excitait à la compassion et à la miséricorde. Alors il devenait vraiment extatique. L'amour le sortait de lui-même. S'oublier soi-même pour penser aux autres, avoir son centre hors de soi, n'est-ce pas le miracle de l'amitié, de la charité véritable ?

Alors qu'il est beau, jeune, riche et sympathique, il préfère la compagnie des pauvres aux cercles mondains. Il s'était fait une loi personnelle de se réjouir avec les gens joyeux et de pleurer avec ceux qui pleurent, débordant d'affection religieuse et se dévouant tout entier à s'occuper du prochain et à compatir aux gens dans la misère. Quand quelqu'un s'étonne qu'il fréquente les plus pauvres des quartiers sordides de Turin, il réplique avec son cœur d'enfant, simple et viril: « Jésus, dans la communion, me rend visite chaque matin; moi, je le lui rends selon mes misérables moyens: je visite les pauvres. Et à un ami qui lui demande comment il fait pour supporter leur odeur infecte il répond: « La maison peut-être sordide, mais c'est vers le Christ que nous allons. N'a-t-il pas dit: " Le bien fait aux pauvres, c'est à moi que vous le faites "? »

Il fait du porte à porte pour collecter de l'argent pour les plus démunis. Amusant? Non, au contraire il trouvait cela pénible. Mais l'obstacle, loin de le décourager, stimule son courage: « Je préfère, dit-il, collecter cent fois une lire que cent lires en une fois, parce que, de cette manière, les actes de charité se multiplient… et mes actes d'humilité. »

« La plus belle des charités, dit-il, est celle consacrée aux malades. C'est là une œuvre exceptionnelle: peu ont le courage d'en affronter les difficultés et les dangers,[peu ont le courage] de se charger des peines des autres, en plus de leurs propres besoins, de leurs mille tracas et soucis.

La charité… la charité efficace comme disait saint Dominique. C'était là sa seule préoccupation, son étoile polaire. « La charité seule, écrit-il, peut servir de but à toute une vie, remplir un programme. La charité, voilà la fin à laquelle je veux tendre, avec la grâce de Dieu. »

Heureux les cœurs purs: ils verront Dieu!

Son cœur pur voyait tout selon le point de vue de Dieu. Son curé, Don Provera, s'est plus d'une fois fait faire la leçon par le jeune laïc:

- Mon apostolat ne porte pas de fruits, se plaint-il.
- Et notre Seigneur, qui a quitté son beau ciel pour notre triste terre, a-t-il été mieux loti?, répond Frassati.

- Pier Giorgio tu es riche, ton père fera pour toi n'importe quoi…

- Don Provera, qu'est-ce que tout cela dans la perspective de l'éternité ?

- Pier Giorgio, vu les idées de ton père et sa fortune, comment feras-tu pour te créer une vie indépendante et fidèle à ton idéal chrétien ?

- Jésus est avec moi, je ne crains rien.

- Ah mes études, la guerres m'ont forcé de les interrompre, se plaint le berger.

- Mais vous avez fait la volonté de Dieu; tout est donc pour le mieux, lui rappelle sa brebis.

Frassati a toujours gardé l'esprit d'enfance: fraîcheur joyeuse, piété spontanée, charité généreuse. Un autre trait le rendait cher à tous : la simplicité de sa démarche; jamais nul vestige de dissimulation ou de duplicité n'apparaissait dans ses paroles ni ses actions. Il était simple, humble, droit avec une âme parfaitement limpide. Comme le curé D'Ars, les autres pouvait voir Dieu en lui, mystère de la transparence d'une âme tout en Dieu. « Jésus, fais-moi pareil au cristal, afin que ta lumière brille à travers moi! » Il y a des saints qui sont des vitraux, laissant passer la lumière de Dieu à travers leur couleur propre. Il y a de plus grands saints qui sont des vitres parfaitement transparente, laissant toute la place à la lumière divine, à tel point qu'on oublie presque leur présence.

Telle était la Vierge, la Vierge qu'il aimait comme l'aiment les enfants, avec simplicité et droiture. Tertiaire de saint Dominique, il récite son chapelet chaque jour, et même tout le rosaire vers la fin de sa vie. Il visite les sanctuaires mariaux fréquemment. Il récite souvent l'office de la Saint Vierge. Quelle joie c'était de trouver un ami qui accepte de le réciter avec lui, comme s'ils étaient au chœur! Sur le mur de sa chambre, il avait écrit ces vers de Dante :

Ô Vierge, mère et fille de ton fils,
Humble et haute plus que toute créature,
Dame, tu es si grande et as tant de puissance,
Que qui désire une grâce et ne recourt à toi
Veut que son désir vole sans [ses] ailes.

Sa piété pour la Mère de Dieu n'était dépassée que par son amour de l'eucharistie. Dès 11 ans, il communie plusieurs fois par semaine sous l'avis de son confesseur. À partir de 17 ans il communie tous les jours. Sa communion fréquente n'a point tué… sa communion fervente. « À son quart d'heure d'action de grâces, il tenait avec intransigeance », nous dit son curé. Il se confessait souvent afin de demeuré très pur pour recevoir le Dieu infiniment pur. Il pouvait se confesser deux fois semaine, n'ayant pourtant rien d'un scrupuleux.

Son amour pour l'eucharistie se prolongeait par l'adoration nocturne. Dans les heures de la nuit, nul n'était plus ardent à veiller, à prier et à supplier de toutes les manières. Il prolongeait ses veilles de tout le temps qu'il pouvait arracher à la faiblesse de son corps. Un soir, un peu avant minuit, il sonne à la porte des Pères du Saint-Sacrement. On le refuse, car cette nuit l'adoration est réservé aux pères, mais il insiste.Il réussit à convaincre le frère portier qui nous raconte la scène:

Après s'être profondément incliné devant le tabernacle, il alla s'agenouiller dans une stalle et se mit à prier, très recueilli. Pendant que j'adorais avec lui dans le chœur, je fus remué par son comportement extraordinaire et j'eus l'occasion de noter tous les stratagèmes qu'il employa pour se tenir éveillé malgré les attaques de sommeil. Debout ou agenouillé, lisant dans un livre, récitant son chapelet ou fixant l'hostie, il pria toute la nuit jusqu'à quatre heures du matin. À ce moment, il reçut la sainte communion et fit une heure d'action de grâce. À cinq heures, heure d'ouverture de notre église, il s'en alla, le visage radieux.

Un ami témoigne: « Il priait avec un recueillement extraordinaire. Rien ne le distrayait: immobile, les bras croisés, dans une attitude à la fois virile et empreinte de dévotion, il était tout entier prière: âme et corps. » Il était tout entier prière!

Son cœur pur brulait de voir son Dieu. Il avait soif du divin. Dans la prière, dans l'eucharistie, dans les pauvres, c'est le Christ qu’il cherchait et sa soif qu'il épanchait. Toute sa vie fut une attente douloureuse de la divine rencontre, qu'il a sans doute hâtée par ses demandes insistantes. Une semaine avant de mourir, il lit les écrits de sainte Catherine de Sienne. Après avoir médité un passage avec un ami, il ferme le livre et s'exclame: « Heureuse sainte Catherine, qui dès cette vie a joui de la vue de Jésus! Que je l'envie! Que je l'envie! »

Heureux les artisans de paix: ils seront appelés fils de Dieu!

La bouche parle de l'abondance du cœur. Or, les trois mots les plus fréquents dans ses lettres sont foi, grâce et… paix! Il y a là quelque chose du vocabulaire de saint Paul, qu'il lisait assidûment.Écoutons-le écrire à un ami un peu avant sa mort: « Je te présente mes meilleurs souhaits, bien mieux, un seul souhait, l'unique qu'un ami puisse formuler à un ami très cher: "Que la paix du Seigneur soit toujours avec toi !" Car, si chaque jour tu possède la paix, tu es vraiment riche.

Deux ans auparavant, il écrit à la jeunesse catholique: « La paix véritable naît de l'amour chrétien pour le prochain et non pas tant de la justice. Or ces gouvernements préparent pour toute l'humanité un avenir fait de nouvelles guerres. La société moderne s'enlise dans les passions humaines et s'éloigne de tout idéal d'amour et de paix. Nous devons, vous et nous qui sommes catholiques, faire souffler l'esprit de bonté qui naît seulement de la Foi dans le Christ. »

Artisan de paix et fils de Dieu, il était aussi fils de saint Dominique. À 18 ans, il commence à prendre contact avec l'Ordre des Prêcheurs. Il en étudie le charisme et à 21 ans, le 28 mai 1922, Pier Giorgio devient membre laïc du Tiers Ordre Dominicain en présence du Père Gillet. Il explique ainsi son choix: « Dans l'état laïc, j'aurai plus facilement des contacts quotidiens avec le peuple, je pourrai plus facilement assister mes frères. » L'année suivante, il fait profession perpétuelle comme laïc dominicain sous le nom de Frère Jérôme en l'honneur de Jérôme Savonarole, qu'il admire pour sa volonté de réforme politique et pour sa lutte pour la chasteté. Il aimait beaucoup aussi lire sainte Catherine de Sienne et saint Thomas d'Aquin. Toute sa vie fut vouée à l'étude, à la prière, à l'amitié et à l'apostolat. Ainsi les quatre piliers de l’Ordre Dominicain, informaient toute sa vie de jeune laïc.

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice: le Royaume des cieux est à eux!

En septembre 1921, Pier Giorgio, qui vient d'avoir 20 ans, participe à Rome au premier congrès de la Jeunesse catholique italienne. Le congrès a l'autorisation de célébrer la messe dans le Colisée le 4 septembre, mais lors de l'arrivée des fidèles au matin, l'autorisation est reportée et les congressistes sont accueillis par la police. Alors qu'ils essaient de déposer une gerbe devant la tombe du Soldat inconnu, la manifestation est interdite par les autorités. La police exige que tous les drapeaux soient retirés, mais Pier Giorgio défend celui de son Cercle Cesare Balbo. Il finit par être arrêté avec ses camarades et emprisonné. Au cours d'un interrogatoire musclé, les policiers apprennent qu'il est le fils de l'ambassadeur d'Italie à Berlin. Ils lui présentent leurs excuses et veulent le remettre en liberté, mais Pier Giorgio refuse de sortir de prison sans ses camarades; à force d'insister, tous les détenus seront relâchés.

L'opposition des Frassati au fascisme leur vaut aussi des représailles de la part des Chemises noires. En juin 1924, ce groupe n’hésite pas à tenter de saccager la demeure familiale de Turin. Pier Giorgio se défend courageusement contre les intrus, ce dont se félicite sa mère dans une lettre à sa fille Luciana: « Tu peux comprendre combien mon cœur de mère se remplit de joie, quand j'entends autant de louanges sur Pier Giorgio. Maintenant, à tous ces hérétiques et ces méchantes gens qui diront à papa que Pier Giorgio est une grenouille de bénitier, on pourra répondre que les grenouilles de bénitier savent, le moment venu, faire leur devoir! »

Heureux serez-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.

Toute sa vie, Pier Giorgio fut persécuté par sa famille. Les siens ne l'ont pas reconnu. Surtout ses parents qui le traitaient de bon à rien. Ils l'humiliaient, le grondaient et se moquaient de lui souvent. Ils ne voyaient rien de sa vie de foi et de charité. Sa mère, pourtant catholique, s'est opposée à ce qu'il reçoive la communion quotidiennement et lorsque son fils lui parla de son désir de devenir prêtre, elle affirma préférer qu'il meurt.

Alors qu'il lui arrive d'être en retard au souper, parce qu'il a visité des pauvres et est rentré à pied, elle lui reproche son retard. Jamais elle ne lui a demandé ce qu'il faisait, elle se contentait de le juger sévèrement: « Toi qui n'a rien à faire, tu pourrais au moins rentrer à temps. » Ne comprenant ni les raisons de ses retards aux réceptions ni son refus des mondanités, sa mère en conclut qu'il dispose d'une intelligence médiocre; de fait, elle le considère de plus en plus comme un "raté" puisqu'il est incapable de se plier aux exigences de la vie mondaine. Pier Girogio, comme une brebis menée à l'abattoir restait muet.

Son Père avait encore moins d'estime et d'affection pour lui. Un jour il écrivit cette lettre à son fils: « Il est nécessaire que tu te persuades, cher Pier Giorgio, que la vie doit être prise au sérieux …  J'ai peu d'espoir que tu changes, et pourtant, il est indispensable que tu changes et tout de suite: considérer les choses avec méthode, penser toujours avec sérieux à ce qu'on doit faire, avoir pour deux sous de persévérance. Ne pas vivre au jour le jour, sans pensée, comme un écervelé quelconque. Si tu as un peu d'affection pour tes parents, il faut absolument que tu changes. » Il faut que tu changes… son père vivait et parlait à un saint sans même s'en douter. Nul n'est prophète en son pays!

Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux! C'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.

Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse! La joie est un fruit de l'Esprit Saint. Un saint triste est un triste saint. Mais Pier Giorgio demeure toujours dans la joie, la joie profonde, malgré la douleur. Comme il en témoigne à un ami, c'est sa foi qui est le fondement de cette joie inébranlable: « Malheureux, celui qui n'a pas la foi, sans ce patrimoine à défendre, sans cette vérité à soutenir par une lutte de tous les instants, ce n'est plus vivre mais gâcher sa vie! À nous, il n'est pas permis de vivoter; vivre est notre devoir! Trêve donc à toute mélancolie! En avant, toujours, pour le triomphe du Christ dans le monde! »

Pier Giorgio chante aussi partout. Le cœur qui aime chante! Il chante faux… n'importe… il chante à tue-tête. Car chanter propage la joie et l'expérience lui a montré la vertu apostolique de la joie. « Par cette joie, il acquérait facilement l'amour de tout le monde, il s'infiltrait sans peine, dès le premier regard, dans l'affection de tous. Et parce que la joie du cœur rend joyeux le visage, l'équilibre serein de son être intérieur s'exprimait au-dehors par les manifestations de sa bonté et la gaieté de son visage. » On dit que même les cœurs les plus rebelles ne pouvaient résister au rayonnement de son sourire.

Sa joie profonde se manifeste aussi extérieurement par des rires et des plaisanteries. « Durant le jour, nul ne se mêlait plus que lui à la société de ses frères ou de ses compagnons de route, nul n'était plus gai. » Il fonde même avec son ami Beltramo la Société des types louches ou Société de la Terreur. Son surnom était Robespierre. Les membres s'engagent à se soutenir spirituellement les uns les autres. Le but des types louches: organiser des excursions alpestres et en écrire des comptes rendus composés dans un style loufoque et pompeux. Frassati entraîne ses amis à vivre leur foi avec joie, et se montre parfois farceur. Ainsi une nuit, il est au séminaire et il remplit d'eau tous les bols à déjeuner des séminaristes;  puis il les réveille en sonnant la cloche. Un midi, il téléphone à une amie et alors qu'elle décroche, elle ne reçoit qu'un formidable coup de trompette pour réponse. Ou encore un soir de Noël, il se rend à la chambre de l'aumônier pour plier son lit en portefeuille. Qui croyait que la sainteté est sévère et ennuyante ?

Vous êtes le sel de la terre.
Le sel est humble et discret. Le sel est invisible jusqu'à ce que son effet se manifeste.

Frassati fut ignoré jusqu'à la fin. La fin de sa vie est une véritable semaine sainte, un chemin de croix. Au mois de juin 1925, Pier Giorgio contracte un virus lors d'une visite à des pauvres. Le 29 juin, il entre en agonie. Il est extrêmement fatigué mais il ne se plaint pas. Dans les jours qui suivent, sa santé se détériore sans que sa famille ne se rende compte de la gravité de son état. Sa famille reste au
chevet de sa grand-mère, alors mourante et qui décède le 1er juillet. Sa famille persiste à penser qu'il n'est victime que d'une grippe passagère. Son corps est meurtri et commence à être paralysé. Il porte sa croix en silence, dans la prière, le rosaire à la main. Personne ne s'occupe de lui.

Sa condamnation à mort est prononcé un vendredi comme Jésus. Le 3 juillet, un médecin qui le visite confirme qu'il est atteint d'une forme aigüe de la poliomyélite, maladie terrible qui fauche inexorablement en quelques jours, même les tempéraments les plus robustes. Son père spirituel vient alors le visiter. Il parle avec lui à son chevet:

- Je suis beaucoup plus fatigué, lui dit Frassati.

- Pier Giorgio, si ta grand-maman t'appelait au paradis avec elle?

- Comme je serais content! Come sarei contento!  s'exclame-t-il avec le peu de souffle qui lui reste. Cette idée illumina ses yeux et lui valut son dernier sourire. Mais son sourire s'estompa à cette pensée: « Et papa ? et maman? »  Son confesseur tente de le consoler: « Tu ne les abandonneras pas; au ciel tu vivras en esprit avec eux et vous continuerez à former une seule famille. » Il fit signe de la tête: « Oui! »

Ses dernières forces, il les a usées au service de ses pauvres. Sur son lit de mort, agonisant, les derniers mots qu'il écrivit, furent une petite note pour un malade qu'il devait visiter. Penser aux autres est toujours grand; y penser pendant son agonie est héroïque. Au milieu de ses souffrances, le divin Crucifié, plus que de lui-même, se souciait de ses bourreaux, du bon larron, de sa mère, de nous tous. Et Pier Giorgio lui, se souciait de ses pauvres, ses malades, ses amis, sa grand-mère mourante, sa sœur, son père et sa mère.

Frassati meurt le lendemain, 4 juillet 1925; il a 24 ans. L'homme qui avait marché sur le chemin des huit béatitudes, entrait enfin dans l'unique béatitude espérée.

Vous êtes la lumière du monde.

Ce n'est qu'après la mort de Pier Giorgio que sa famille prend connaissance de ses actions de charité; même ses amis, en dehors du cercle de Saint-Vincent-de-Paul, ne sont pas au courant de l'importante activité qu'il a menée auprès des pauvres. Lors de ses obsèques, des milliers de personnes, dont de nombreux pauvres de Turin, sont présents pendant le trajet jusqu'à l'église. C'est une véritable révélation pour sa famille.

Sa dépouille est enterrée à Pollone. L'année suivant sa mort, une plaque commémorative est apposée dans l'église. Peu à peu, la notoriété de Pier Giorgio Frassati grandit en Italie.

De nombreux groupes de jeunes le prennent comme exemple dans les années 1930. En 1981, son corps est exhumé et retrouvé intact! Plusieurs journaux publient la nouvelle et considèrent Frassati comme un saint. La même année, son corps est transféré à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin. Lors de la création des Journées mondiales de la jeunesse, le Pape Jean-Paul II cite Pier Giorgio en modèle de sainteté pour la jeunesse.

Frassati a été béatifié par le pape Jean-Paul II le 20 mai 1990. Il est le patron des sportifs et des confraternités d’Italie.

Avant même d’être pape, le cardinal Karol Wojtyja avait une grande admiration pour Pier Giorgio Frassati. En 1977, les Père Dominicains ont organisé une retraite pour leurs étudiants à Cracovie. La retraite portait sur les Béatitudes proclamées par Jésus dans le Sermon sur la montagne. Les Pères Dominicains avaient alors mis sous les yeux de leurs étudiants, diverses photos de Pier Giorgio Frassati. Le cardinal Wojtyja est venu conclure cette retraite, le 27 mars 1977. S’adressant aux étudiants, il leur livra ce message: « Observez bien ces photographies. Regardez comment apparaît l’homme des huit béatitudes qui porte en lui la grâce de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle. Regardez la joie du Salut qui nous a été offert par le Christ … » 

« Notre rayonnement se mesure à notre charité » a dit Dante. Or, il ne faut pas chercher ailleurs le secret de Frassati. Le secret est dans son cœur. « Il accueillait tous les hommes dans le vaste sein de sa charité et, puisqu'il aimait tout le monde, tout le monde l'aimait. »  Il est un saint sans miracle. Sa vie est courte et simple, sans événements spectaculaires. « Plus éclatant et grandiose que des miracles, il a brillé par sa perfection morale et l'élan de ferveur divine qui le transportait. » Sa seule présence agissait à la manière d'un sacrement pour ses amis. « Il se manifestait (surtout) partout comme un homme de l'Évangile, en parole et en acte. » 

Comme la lampe du sanctuaire, il était un signe sensible de la présence agissante de Dieu. Car vraiment, il marchait lui-même toujours en présence de Dieu. Les réalités invisibles de la foi étaient devenues pour lui comme des réalités palpables et visibles. Il me semble qu'il y a quelque chose de la petite Thérèse en Pier Giorgio. C'est ce que j'appellerais l'héroïcité du quotidien. C'est d'être un martyre de la charité jusque dans les plus petits détails qui sont si faciles à négliger d'ordinaire. Il a aussi quelque chose des saints du Moyen-Âge en lui: il est simple, joyeux et très concret.

L'homme des huit béatitudes s'est peut-être éteint … mais sa lumière nous éblouit encore!

« De même, que votre lumière brille devant les hommes: alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5,16).

Amen. (Alléluia !)
             
Simon-Pierre Lessard


 (1) Voici le site internet d'Annie Gilbert sur Pier Giorgio: www.piergiorgio.ca. Je crois que c'est   le seul site internet québécois dédié à Pier Giorgio.