La pudeur (1)
Une amie nommée Rosamaria, que j’ai connue grâce à mon blogue et qui demeure en Argentine, me lit régulièrement et réagit très souvent à ce que j’écris. Cette dame très cultivée semble particulièrement aimer le philosophe Jean Guitton, ce géant de la pensée. Ayant lu un de mes récents blogues que vous pouvez lire en cliquant sur les mots suivants " Marie couvre nos nudités" Pape François, Maria Rosa m'a envoyé de très belles phrases de Jean Guitton sur la "pudeur ".
On entend guère parler de pudeur de nos jours; mais on voit chaque jour des attitudes contraires à la pudeur, ce qu'on appelle de "l'impudicité". Jean Guitton, mystérieusement, prévoit le retour de la pudeur:
Voici ci-dessous, des extraits du livre: " Le livre de la Sagesse et des Vertus retrouvées ". Ce livre est constitué de dialogues entre Jean Jacques Antier et le philosophe Jean Guitton:
Jean Guitton: " Joubert a un mot superbe: "La pudeur met en
nous quelque chose d'incorruptible, qui permet d'aimer sans cesse ".
Jean-Jacques Antier: "C'est beau cet amour, qui grâce à la pudeur, à
la mesure, durerait sans cesse, resterait à l'abri de la vulgarité, de la
durée, de l'habitude et de la corruption, cette rouille de l'âme. Mais les temps
ne sont plus à la pudeur!
JG- Nous avons perdu ce sens si long à acquérir:
sens du mystère et de l'initiation, si nécessaire pour tout ce qui touche à
l'intime profondeur: la souffrance et le plaisir; la vie et la mort, le sexe
dans l'amour. Sens de la confidence, de la vie privée, de l'écriture intime;
horreur de paraître trop tôt; sens du silence enveloppant les paroles.
JJA- Sens du mystère, disiez-vous?
JG- Novalis soulignait que le secret de tout est de
porter les faits à l'état de mystère.
JJA- Même l'amour?
JG- Surtout l'amour, ce fruit délicat de la
rencontre hasardeuse d'un homme et d'une femme; l'amour, ce hasard auquel leur
coeur a cru!
JJA- On peut s'interroger naïvement, rêver: La
pudeur reviendra-t-elle en Occident? Non pas à la manière contraignante imposée à
la femme par certaines dictatures musulmanes, mais librement, comme un art, une
manière harmonieuse de vivre?
JG- Je l'espère et je le crois. Quel siècle
plus impudique que le nôtre! Jamais d'intimité, d'initiation, de mystère,
jamais de silence autour de la parole. Résultat: nous serons bientôt dégoûtés de
l'impudeur. Elle dissipe la beauté, comme le savaient les Orientaux, qui ont
inventé la draperie, les plis, les voiles. Demain, la mode retrouvera la robe
et la voilette; nous redécouvrirons le vêtement, le retard, le mystère,
l'attente et le silence.
JJA- Sur quoi appuyez-vous cet espoir?
JG- Je vous l'ai dit: sur la nature. On ne peut
impunément la violer. La pudeur n'est pas une mode, une invention artificielle.
Elle a une fonction biologique essentielle pour assurer l'harmonie de l'âme et
du corps, de l'esprit avec la chair.
JJA-Vous parliez du délai, cet adjuvant incomparable
de l'amour.
JG- La nature nous protège d'une explosion trop
brusque (soit de la douleur, soit du plaisir) par le délai. Elle nous empêche
de nous précipiter, de faire tout, tout de suite. Elle met un intervalle entre
le désir et le plaisir. Dans l'espace, c'est la distance. Dans le temps il se
nomme délai, retard, attente, espoir. En somme, la pudeur est l'organe de la
maturation. Nous voudrions jouir et mourir ! La pudeur nous apprend à mûrir et
à vivre. Elle nous aide à ne retenir dans nos passions que les affections, et
dans nos affections que leur essence. Elle nous permet de ne jamais cesser
d'aimer ceux que nous aimons, même après leur disparition. La pudeur, dit encore
Joubert, "met le germe en repos, en solitude, en sûreté et le fait tout à
coup éclore". Ainsi s'est formé l'univers.
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