mardi 28 novembre 2017

Solidarité avec les pécheurs

Solidarité avec les pécheurs 

La solidarité avec les pécheurs m’impressionne beaucoup. Être solidaire avec les pécheurs, ne veut pas dire approuver leurs péchés; ce serait le comble. Être solidaire avec les pécheurs, cela veut dire que nous reconnaissons que nous sommes tous pécheurs: « Tous les hommes sont pécheurs, ils sont tous privés de la gloire de Dieu, lui qui leur donne d’être des justes par sa seule grâce » (Rm 3, 23-24). Il y a une solidarité évidente dans le péché. Cela nous le savons en théorie. Mais dans les faits, est-ce que nous nous sentons solidaires de ceux et celles que nous considérons comme de grands pécheurs, ou du moins comme de plus grands pécheurs que nous? Je suis loin d’être sûr que ce soit le cas. Je pense plutôt que très souvent nous nous sentons séparés ou mis à part des personnes qui nous agacent par leurs comportements immoraux ou anti-religieux.

N'est-il pas très difficile de prier pour des personnes que dans le fond de nous-mêmes, nous méprisons? Essayez de prier sincèrement, très sincèrement pour des personnes publiques qui vous agacent et que vous méprisez presque.

Jésus est le modèle par excellence de la solidarité avec les pécheurs. Saint Paul nous dit que Dieu le Père a identifié son Fils au péché; c’est une phrase très forte: « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. » (2 Co 5,21). Jésus a pris sur lui tous les péchés du monde: « Lui-même a porté nos péchés, dans son corps, sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris. » (1 Pi 2, 24)

« Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29)

Je n’aime pas tellement la traduction que l’on fait habituellement de cette phrase de Jean le Baptiste. On nous dit que Jésus enlève le péché du monde, mais le verbe grec employé par saint Jean dit beaucoup plus que cela; il nous dit comment Jésus enlève le péché. Il l’enlève en le prenant sur lui, à notre place :

« Jean-Baptiste voit Jésus qui avance parmi la foule et, inspiré d’en-haut, reconnaît en Lui l’envoyé de Dieu, qu’il introduit avec ces paroles : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29). Le verbe qui est traduit par « enlève » signifie littéralement « soulever », « prendre sur soi ». Jésus est venu dans le monde avec une mission précise : le libérer de l’esclavage du péché, en se chargeant des fautes de l’humanité. De quelle façon ? En aimant. Il n’y a pas d’autre façon de vaincre le mal et le péché sinon avec l’amour qui pousse à donner sa vie pour les autres. Dans le témoignage de Jean-Baptiste, Jésus a les traits du Serviteur du Seigneur, qui « portait nos souffrances, qui s’est chargé de nos douleurs » (Is 53, 4), jusqu’à mourir sur la croix. Il est le véritable agneau pascal, qui s’immerge dans le fleuve de notre péché, pour nous purifier.

Dans le Nouveau Testament, le terme « agneau » revient plusieurs fois et fait toujours référence à Jésus. Cette image de l’agneau pourrait surprendre; en effet, un animal qui ne se caractérise pas par sa force et sa robustesse porte sur ses épaules un poids si oppressant. La masse énorme du mal est enlevée et emportée par une créature faible et fragile, symbole d’obéissance, de docilité et d’amour sans défense, qui va jusqu’à se sacrifier elle-même. L’agneau n’est pas un dominateur, mais il est docile ; il n’est pas agressif, mais pacifique ; il ne montre pas les griffes ou les crocs quelle que soit l’attaque, mais il supporte et est soumis. Et Jésus est ainsi! Jésus est ainsi, comme un agneau.
Être disciples de l’Agneau signifie non pas vivre comme une « citadelle assiégée », mais comme une ville sur un mont, ouverte, accueillante, solidaire. Cela veut dire non pas prendre des attitudes de fermeture, mais proposer l’Évangile à tous, en témoignant par notre vie que suivre Jésus nous rend plus libres et plus joyeux. » (Pape François, Angelus du dimanche 19 janvier 2014).

De nos jours, le plus grand péché, selon moi, est l’athéisme, la négation volontaire de l’existence de Dieu. Les athées qui se vantent d’être athées, sont les personnes que, personnellement, j’ai le plus de difficulté à aimer. C’est pourquoi je demande à ma sainte préférée, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face, de me venir en aide, elle qui n’a pas craint de s’identifier aux athées et de partager en quelque sorte leur condition:

« En 1896, un an avant de mourir, elle fait une expérience spirituelle majeure, pour elle et l’Église de son temps: « Aux jours si joyeux du temps pascal, Jésus m’a fait sentir qu’il y a véritablement des âmes qui n’ont pas la foi »Elle découvre – et cela ne va pas de soi pour une religieuse – qu’on peut « en toute bonne foi » ne pas croire en Dieu. Cette prise de conscience la conduit à un approfondissement de sa recherche spirituelle. Le croyant n’est pas un être à part mais quelqu’un qui vit au milieu des autres. Elle comprend à frais nouveaux que la foi est véritablement un don de Dieu. Cette expérience humaine et spirituelle va modifier en profondeur sa relation avec Dieu.
Cette conscience de l’incroyance, Thérèse l’a eue d’une manière singulière. Dans la nuit du Vendredi saint, elle se met à cracher du sang. Elle pense mourir bientôt, et voir Dieu face à face. Mais la joie de cette rencontre fait vite place à l’angoisse et au doute. Thérèse se retrouve face à elle-même, face à sa propre mort. Les questions peu à peu l’assaillent, et la jeune carmélite va jusqu’à se demander si le Ciel existe.
« Avance, avance, réjouis-toi de la mort qui te donnera non ce que tu espères mais une nuit plus profonde encore, la nuit du néant. » Elle est au pied du mur. Tous les beaux discours sur Dieu s’effondrent. Elle va mourir et sa question est finalement la même que celle de millions d’autres gens: « Y a-t-il véritablement quel­que chose après la mort ? »
Cette épreuve de foi, elle la relie à Dieu. C’est Lui qui, par amour, lui envoie cette épreuve : « Il (Jésus) permit que mon âme fût envahie des plus épaisses ténèbres et que la pensée du ciel si douce pour moi ne soit plus qu’un sujet de combat et de tourment ».
Elle attribue donc clairement cette épreuve à Dieu et non au démon, ce qui aurait été plus commode et aurait correspondu à la théologie de son époque. Elle met en pratique l’abandon dans sa radicalité. Son questionnement nouveau vient de Dieu, ce doute vient de Dieu. Son épreuve la rend ainsi spirituellement solidaire de ses contemporains. L’athéisme, la lutte contre Dieu, l’anticlé­ricalisme croissaient dans la France de l’époque et gagnaient bon nombre d’esprits.
Durant de longues années, elle s’est crue du côté des âmes justes. Et elle découvre au plus profond d’elle-même une aptitude à l’incroyance… Parce que tout croyant est un incroyant qui s’ignore, elle fait de ce dernier un frère à aimer, à respecter, à écouter.
« Seigneur, votre enfant l’a comprise votre divine lumière, elle vous demande pardon pour ses frères, elle accepte de manger aussi longtemps que vous le voudrez le pain de la douleur et ne veut point se lever de cette table remplie d’amertume où mangent les pauvres pécheurs !...  Seigneur, renvoyez-nous justifiés… Que tous ceux qui ne sont point éclairés du lumineux flambeau de la foi le voient luire enfin… S’il faut que la table souillée par eux soit purifiés par une âme qui vous aime, je veux bien y manger seule le pain de l’épreuve… »
Cette lumière divine qu’a comprise Thérèse est l’amour universel et inconditionnel de Dieu pour tous les hommes, les réprouvés, tous les assassins de la terre. Comme elle a uni la miséricorde à la justice, elle lie la charité à la foi. Pour Thérèse la foi n’est plus seulement de l’ordre de la connaissance mais surtout de l’amour et de la confiance. Elle veut s’asseoir à la table des pêcheurs, c’est-à-dire vivre avec eux, partager les questions, les doutes, les douleurs, les errements de tous ceux qui tâtonnent en ce monde et cherchent un chemin et un sens à leur existence. Ce partage de vie avec les pécheurs est le signe le plus tangible de la proximité de Dieu, lui qui fait lever son soleil tant sur les bons que les méchants. (1)

Questions pour un partage:

Ai-je tendance à me sentir solidaire des pécheurs ou « séparé des pécheurs », mis à part ?

Qu’ai-je l’intention de faire durant le merveilleux temps de l’Avent, pour manifester ma solidarité avec les pécheurs?




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