La prière nous fait gagner du temps
Pourquoi prions-nous? Quel est le
but recherché dans la prière? À cela, on peut donner diverses réponses. Nous
prions pour aimer; nous prions pour penser comme Dieu pense; nous prions pour
avoir l’amour nécessaire pour accomplir la Volonté de Dieu. Ces premières réponses sont
selon moi quelques unes des « vraies réponses », pour ainsi dire, car
elles vont à l’essentiel. Mais tout acte humain ayant une finalité, a aussi des
« effets secondaires », des « effets collatéraux ». La prière produit en nous des effets tels que la paix, la
joie, la sérénité, la patience. Je ne pense pas qu’on doive prier d’abord
pour les effets collatéraux, mais il est bon que ces effets viennent aussi avec
la prière, en priant.
Voici un autre effet « collatéral » à la prière, qui ne
devrait pas être recherché pour lui-même, mais qui se passe réellement lorsqu’on
prie régulièrement: la prière nous fait gagner du temps. Voilà, selon moi un
grand mystère. Comment se fait-il que le fait de donner du temps prolongé à
Dieu, nous aide par la suite à exécuter davantage de tâches? Cela est tellement
mystérieux, que l’être humain a beaucoup de difficulté à admettre cette vérité.
Humainement parlant, je sais que si je passe du temps à faire quelque chose,
cela m’enlève du temps pour faire autre chose. Or il n’en est pas ainsi avec la
prière. Le temps donné à la prière fait en sorte que j’utiliserai mieux mon
temps durant le reste de la journée. Dire que la prière nous fait "gagner du
temps", est une façon de parler qui veut d’abord étonner et surprendre. Mais à proprement parler, cela n'est pas exact. De fait, nous n’aurons pas
plus de temps durant le reste de la journée, mais nous emploierons mieux ce
temps et, par conséquent, nous serons plus efficaces. C’est un peu, il me
semble, comme pour la sieste de 15 minutes qui est presque devenue obligatoire en certains endroits du Japon dans les édifices à bureau. On s’est rendu compte que ces 15 minutes
qui semblent perdues, sont très productives. Les gens qui font une courte
sieste après le repas, sont beaucoup plus productifs que ceux qui n’en font
pas. Cette comparaison n’est pas la meilleure qui soit, j’en conviens, mais
elle fait un peu comprendre ce que je veux dire.
Heureuses les personnes qui ont
assez de foi pour croire que le temps donné à Dieu gratuitement (surtout selon moi, dans une prière de contemplation,
d’adoration eucharistique ou de méditation) leur sera comme redonné au
centuple. Il faut d’abord avoir assez de foi pour l’essayer. Et l’expérience
prouvera que c’est bel et bien vrai. Cette expérience, des milliers et des
milliers de personnes l’ont vécue et éprouvée. Voici, ci-dessous, ce qu’a dit à ce sujet le
Père Raniero Cantalamessa, en ce mois de mars 2016, lors de la troisième
prédication du Carême, qu’il a donné à la Curie romaine. Le thème dont je viens de parler,
se retrouve surtout dans ce que j’ai nommé la PREMIÈRE PARTIE.
De fait, dans sa prédication, le Père Cantalamessa a d’abord développé ce que j’ai
mis dans la DEUXIÈME PARTIE.
C’est moi qui ai inversé l’ordre qu’avait choisi le Père Cantalamessa. Je
trouvais qu’on inversant ces deux parties, l’idée maîtresse devenait plus
claire et plus lumineuse. Les paragraphes cités ci-dessous ne sont d'ailleurs qu'une partie de la prédication du Père Cantalamessa donnée ce jour-là.
PREMIÈRE PARTIE :
"Pour savoir comment obtenir l’Esprit
Saint en nous pour évangéliser, c’est simple. Il suffit de voir comment Jésus
l’avait obtenu et comment l’Église l’obtint le jour de la Pentecôte. Luc
décrit l’événement du baptême de Jésus en ces termes: « Comme tout le
peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus
priait, le ciel s’ouvrit, et l’Esprit Saint descendit sur
lui. » (Lc 3,21-22). C’est la prière de Jésus qui a ouvert le ciel et fait
descendre l’Esprit Saint. Et ce fut la même chose pour les apôtres. L’Esprit
Saint, à la pentecôte, vint sur eux quand « tous, d’un même cœur, étaient
assidus à la prière » (Ac 1,14).
Les efforts que nous mettons dans ce
nouvel engagement missionnaire ont face à eux deux risques à éviter. L’un c’est
l’inertie, la paresse, ne rien faire et laisser les autres faire. L’autre c’est
se lancer dans un activisme humain fébrile et vide, pour au final perdre peu à
peu le contact avec la parole et la source de son efficacité. Ça serait courir
à l’échec. Plus le volume des activités augmente plus le volume de la prière
doit augmenté, en intensité si non en quantité. On réagit: c’est absurde; le
temps est ce qu’il est! D’accord, mais celui qui a multiplié les pains, ne
saura-t-il pas multiplier aussi le temps? Du reste, Dieu fait cela
continuellement et nous en faisons chaque jour l’expérience. Après avoir prié,
on fait les mêmes choses en y mettant moins de la moitié du temps ».
On dit aussi: Mais comment peut-on
rester prier tranquillement, comment ne pas courir, quand la maison brûle?
C’est vrai aussi. Mais imaginez la scène: une équipe de sapeurs-pompiers a reçu
un appel urgent et se précipite, toutes sirènes dehors, sur les lieux de
l’incendie; mais, arrivée sur place, ils s’aperçoivent qu’il n’y a plus une
goutte d’eau dans les réservoirs. C’est pareil pour nous, quand nous courons
prêcher sans prier. Ce n’est pas qu’on ne trouve plus les mots ; au
contraire, moins on prie plus on parle, mais ce sont des paroles vides, qui ne
touchent personne.
DEUXIÈME
PARTIE :
Si l’évangélisation est un engagement à la portée de tous,
essayons de voir quels sont les critères et les conditions pour devenir
d’authentiques évangélisateurs. La première condition, Dieu nous la suggère en
disant à Abraham: « Quitte ton pays et va » (cf. Gn 12, 1). Il
ne saurait en effet y avoir de mission ou d’envoi sans sortir. Nous parlons
souvent d’une Eglise « qui sort ». Mais il faut avoir conscience que
la première porte dès laquelle il faut sortir n’est pas celle de l’Eglise, de la
communauté, d’une institution, d’une sacristie, mais celle de notre «
moi ». Le pape François, un jour, l’a bien expliqué: « Sortir,
disait-il, signifie avant tout sortir du centre pour laisser à Dieu la place
qui lui revient ». « Décentre-nous de nous-mêmes et recentre-nous sur le
Christ », dirait Teilhard de Chardin.
Plus fort encore que le cri
lancé à Abraham, est le cri lancé par Jésus quand il demande à quelqu’un de
collaborer avec lui à l’annonce du Royaume: « Pars, sors de toi-même,
renie-toi! Ta vie changera, mon visage deviendra le tien. Car ce n’est plus toi
qui vit, mais moi en toi ». C’est la seule façon d’arriver à bout de ce
fourmillement de jalousies, convoitises, peur de perdre la face, rancœur, ressentiments, situations
d’antipathie dont regorge le cœur du vieil homme; pour être «
habités » par l’Évangile et répandre son parfum.
« Alors j’ai vu : une
main tendue vers moi, tenant un livre en forme de rouleau. Elle le déroula
devant moi ; ce rouleau était écrit au-dedans et au-dehors, rempli de
lamentations, plaintes et clameurs. Et il me dit : « « Fils
d’homme, ce qui est devant toi, mange-le, mange ce rouleau ! Puis,
va ! Parle à la maison d’Israël. ». J’ouvris la bouche, il me fit
manger le rouleau et il me dit : « Fils d’homme, remplis ton ventre,
rassasie tes entrailles avec ce rouleau que je te donne. » Je le mangeai,
et dans ma bouche il fut doux comme du miel. (Ez 2, 9 – 3, 3; cf. aussi Ap. 10,
2).
Il y a une différence énorme
entre la parole de Dieu, simplement étudiée et proclamée, et la parole de Dieu
d’abord « mangée » puis assimilée. Dans le premier cas on dit d’un
prédicateur qu’il « parle comme un livre » ; mais ce n’est pas
la bonne façon pour arriver au cœur des gens, car n’y arrive que ce qui part du
cœur. « Cor
ad cor loquitur », était la devise du bienheureux cardinal
Newman.
En reprenant l’image
d’Ézéchiel, l’auteur de l’Apocalypse apporte une variante, petite mais très
significative. Il dit que le livre mangé était, oui, doux comme du miel dans sa
bouche, mais amer comme le fiel dans les entrailles (cf. Ap. 10, 10). Oui, car
avant de blesser les auditeurs, la parole doit blesser l’annonceur, lui montrer
son péché et le pousser à se convertir.
Ce n’est pas le travail d’un
jour Mais il y a une chose que l’on peut faire en un jour, aujourd’hui même:
accepter cette perspective, prendre la décision irrévocable, de ne plus vivre
pour nous-mêmes, mais pour le Seigneur (cf. Rm 14, 7-9). Cela demande à l’homme
des efforts d’ascèse mais pas seulement car intervient aussi la grâce, fruit de
l’Esprit Saint. Comme dit la
Prière eucharistique IV dans la liturgie : « Afin
que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à lui qui est mort et ressuscité
pour nous, il a envoyé d’auprès de toi l’Esprit Saint, comme premier don fait
aux croyants »." (1)
(1) Troisième prédication de carême du P. Cantalamessa ... https://fr.zenit.org--.
Réaction d’une de mes paroissiennes:
Cher Père Guy,
Merci pour votre dernier blogue!
Que de fois, j'ai constaté que
les journées où je consacre plus de temps à la prière silencieuse et à
l'adoration, j'ai plus de temps! Mystérieux, mais VRAI. La pratique de la concentration et du silence nous aide à
nous "ramasser"
intérieurement. Quand le calme est là, on est plus productif parce que plus en
harmonie avec la Vie
qui nous habite et respire en nous. Que de fois, les gens m'ont dit: "Comment
arrives-tu à faire autant de choses?". Je n'ai jamais osé dire: "parce que Dieu multiplie mon
temps…" Peut-être que maintenant, c'est ce que je dirai.
Les prédications du Carême de
Cantalamessa sont des programmes de vie et elles rejoignent l'esprit des CPÉ.
Elles reprennent aussi des grandes parties de son livre: "Ta Parole me
fait vivre". J'ai
reconnu, en particulier, son chapitre "L'Esprit Saint, force de
l'annonce". J'apprécie
encore plus ce livre.
J'aime bien la nuance entre
Ézéchiel et l'Apocalypse "avant
de blesser les auditeurs, la parole doit blesser l'annonceur". Une autre invitation à m'approcher
plus souvent du sacrement de la Réconciliation.
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