La « Colline
aux Croix » en Lituanie
Nous nous apprêtons, dans quelques jours, à célébrer,
honorer et baiser la croix de notre Seigneur Jésus Christ. Saint Paul avait
tellement bien intégré et fait sien le mystère de la croix, qu’il s’est exclamé
un jour:
« Pour
moi, non, jamais d’autre titre de gloire que la croix de notre Seigneur Jésus
Christ; par elle, le monde est crucifié pour moi, comme moi pour monde. »
(Gal 6,14)
Autre traduction:
« Pour
moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par
elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. » (Gal
6,14)
Malheureusement, ce n’est pas
toujours ce que nous expérimentons. Nous nous comportons souvent en ennemis de la croix du Christ. Ici, au Québec, plusieurs personnes ne voient
plus la croix comme un signe de fierté. Au contraire, la croix est perçue comme
un obstacle à la liberté et au bonheur. De sorte que le reproche de saint Paul
dans sa Lettre aux Philippiens, peut
souvent s’appliquer à nous:
« Je
vous l’ai souvent dit, et maintenant je le redis en pleurant: beaucoup de gens
se conduisent en ennemis de la croix du Christ. Ils vont à leur perte. Leur
dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur
honte; ils ne pensent qu’aux choses de la terre. Mais nous, nous avons
notre citoyenneté dans les cieux. » (Phil 3, 18-20)
Il y a un peuple qui a connu ce
que c’était que de ne pas être libres; il s’agit des Lituaniens. Pendant des
décennies, ils ont été sous le joug communiste soviétique. Pour eux, c’était la
société athée prônée par le régime soviétique qui leur enlevait leurs libertés
fondamentales, dont le droit de croire en Dieu le Père, manifesté par son Fils
Jésus-Christ. Les Lituaniens ont fait d’une colline située aux environs de la
ville de Siauliai, un lieu de
contestation du régime communiste et de profession de leur foi. Des milliers de
Lituaniens sont venus au fil des ans planter une croix en ce lieu, pour montrer
clairement à la Russie ,
et au monde entier, qu’ils sont fiers d’être catholiques. Voilà où devrait
résider la véritable fierté. Les Russes ont détruit à trois reprises ce site
religieux, brûlant les croix de bois et détruisant les croix de fer et de
bronze.
« La
Lituanie compte parmi les nombreux pays qui sont restés
pendant cinq décennies sous la poigne de fer de l’Union soviétique. Il y a, au
Nord-Est du pays, un endroit précis qui a particulièrement souffert de la
brutalité de l’idéologie soviétique, marquée par l’absolutisme antireligieux.
Il s’agit d’une simple colline, toute proche de la ville de
Siauliai, haut lieu de la nation lituanienne. Au XIVe siècle, alors que la région
appartenait à l’Empire russe, la population locale s’était révoltée contre le
tsar qui empêchait les familles d’honorer leurs défunts. Le peuple planta alors
des croix sur la colline en mémoire de ses morts.
Rasée
trois fois par les soviétiques, toujours reconstruite
En 1960, le KGB décréta la fin de cette pratique. Mais, en
avril 1961, les croix sur la colline étaient encore plus nombreuses : à travers
elles, les Lituaniens n’honoraient pas seulement la mémoire de leurs défunts,
mais aussi celle de leurs concitoyens déportés en Sibérie sur ordre de Staline.
Les soviétiques brûlèrent les croix en bois et détruisirent celles en métal et
en pierre. Il n’en resta pas une seule intacte. Mais, dès le lendemain, la Colline des Croix renaissait,
à nouveau recouverte de croix : la nuit, les chrétiens les replantaient.
L’Union soviétique, s’acharnant sur ce symbole, détruira le site par trois
fois, mais les catholiques de Lituanie ne renoncèrent pas à témoigner de leur
foi, malgré la présence de l’armée rouge.
Le gouvernement bloqua les accès à la colline et alla
jusqu’à lancer de fausses alertes d’épidémies dans la région. Rien n’y fera.
Les Lituaniens ne se rendirent pas : chaque fois que les croix étaient
détruites ou retirées, ils recommençaient et en dressaient à nouveau sur la
colline. En 1979, un prêtre particulièrement courageux organisa une
procession de sa paroisse jusqu’à la colline. Le KGB ne put rien faire pour
l’en empêcher, comprenant que ce serait même pire. Et, à partir de 1985, les
autorités renoncèrent et laissèrent les croix en paix et en place. Lors de
l’effondrement de l’Union soviétique, la Colline des Croix comptait plus de 100 000
crucifix et icônes sacrées.
Un
témoignage et un avertissement
Dans les années 1990, un sanctuaire s’éleva sur la colline,
qui attira des foules du monde entier. Parmi les pèlerins, et non des moindres,
le pape saint Jean Paul II qui, en 1993, déclara : « Après cette visite,
la vérité exprimée par le Concile Vatican II nous apparaît plus clairement à
nous tous : l’homme ne peut se comprendre profondément sans le Christ et sans
sa Croix. La Colline
des Croix est un témoignage éloquent de cela et aussi un avertissement.
L’éloquence de ce sanctuaire est universelle: c’est une parole écrite dans
l’histoire de l’Europe du XXe siècle ».
Pape Jean-Paul II. Colline des Croix, 7 septembre 1993
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