samedi 18 mars 2023

Le saint de la porte d'à côté

 Le saint de la porte d'à côté 


Voici un texte écrit par mon frère Luc qui est prêtre : 

LA COMMUNION DES SAINTS

Plus je vieillis, moins la communion des saints (faisant partie des trois derniers articles du Credo), me semble une réalité inaccessible ici-bas. Avant de culminer dans l’éternité, la communion des saints touche terre et m’apparaît de plus en plus comme une communion accessible ici, sur la terre. En effet, bon nombre de personnes que je rencontre sont des saint(e)s qui s’ignorent ou alors qui font tout pour n’en rien laisser paraître. Ceux et celles que le pape François appelle si affectueusement, ’les saints de la porte d’à côté‘’ ou ‘’ les saints de la classe moyenne.‘’ (1)

Un exemple criant remonte à la mémoire de mon coeur. Alors que j’habitais au dernier étage, dernière porte d’un logement que j’ai habité près de 20 ans et qui n’avait rien d’enviable, je voulais m’exercer à vivre avec et comme les pauvres. Mon voisin de droite, était un jeune homme d’une trentaine d’années que je n’ai croisé et salué qu’à quelques reprises pendant qu’il occupait ce logement. Il partait tôt le matin pour revenir toujours aux alentours de 18 heures. Avec sa valise usée, tapissée de photos de clowns, de petits animaux et d’étoiles.

Un mois est passé. Puis deux. Puis trois. Je ne le croisais plus. N’ayant pas la livraison du journal, une voisine du deuxième étage s’est offerte à le déposer à ma porte, après l’avoir lu. Dès la première livraison, si je peux dire, l’idée me vient, spontanément de feuilleter les dernières pages, celles contenant la nécrologie. Quelle ne fut pas ma surprise de voir la photo de mon jeune voisin. J’ai compris alors le pourquoi de ses absences. Ce qui y était écrit m’a renseigné sur le quotidien du jeune en question. J’y lis : ‘’À l’âge de 36 ans, né de père et de mère inconnus, est décédé N. Tous nos remerciements lui sont ici adressés de la part de tout le personnel de notre hôpital. Malgré son cancer agressif du pancréas, N. venait presque tous les jours, arpentant tous les étages, pour distraire et égayer nos malades. Leur faisant oublier un moment le cancer qui les rongeait tous.  

Son nom de clown était :   PierrotVit .

La nécrologie continue :

 ‘’ Nous n’avons aucun doute sur l’avenir de notre ami à tous:  PierrotVit.  Lui qui, deux ans durant, chaque jour où il s’en sentait capable, ajustait son chapeau melon au bout duquel se balançait une fleur en plastique, vérifiait ses bretelles en les faisant résonner sur son torse et, enfin, plaçait l’indispensable boule rouge au bout de son nez. Pour la plus grande joie des malades.

PierrotVit, là où tu es, continue encore tes visites sur les étages, faisant oublier, pour quelques instants les traitements, les piqûres, la radio, la chimio. Vive PierrotVit, notre ami ! ‘’

On indiquait l’endroit, la date et l’heure précise de la mise en terre. Mon coeur me pressait d’y faire une courte visite. Incognito. Un mois après son décès, je me rends sur place. Une simple croix, peinte en blanc avec l’inscription : ‘’ Ici vit PierrotVit, soleil des enfants qu’il a fait tant rire. ‘’

Je dépose une rose blanche au pied de la croix et, les yeux roulants dans l’eau, la foi balbutiante : ‘’ PierrotVit, toi qui étais  mon voisin presque inconnu. Tu as bien caché ton jeu. Toujours souriant alors que moi, sans être atteint d’un cancer, je me plains des quelques malaises qui n’échappent pas à la vieillesse. J’aurais envie de te crier : ‘’ Saint PierrotVit sanctifie-moi ! ‘’

Voilà, me semble-t-il, qui illustre bien – â la lettre et au sens premier, l’expression papale ‘’la sainteté de la porte d’à côté.‘’ C’est vraiment le cas de le dire.

Mon intuition me dit que PierrotVit continue sa mission et qu’on le voie encore rôder dans les corridors de l’hôpital, pour faire oublier un moment le cancer qui – comme pour lui - ronge petit à petit ces petits êtres sans défense et dont le moral tient presque du miracle.

 

       (1) Pape François, Gaudete et exultate, no. 14

  

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