Alfredo Frassati ou « les
regrets d’un père »
Alfredo Frassati
Nous vivons en ce moment la
neuvaine de préparation à la mort du Bienheureux Pier Giogio Frassati qui eut
lieu à Turin, le 4 juillet 1925. Les parents de Pier Giorgio n’ont jamais eu la
moindre idée de ce que fut leur fils. La vraie nature de Pier Giorgio leur est
apparue de façon fulgurante et foudroyante le jour de ses funérailles quand deux
milliers de personnes, pour la plupart des pauvres et des défavorisés, sont apparues
comme par enchantement et ont suivi la dépouille mortelle jusqu’à l’église,
pour son dernier repos.
Alfredo, le père de Pier Giorgio,
était un homme prestigieux à Turin. Fondateur de La Stampa , le principal
journal de l’époque à Turin et je dirais encore aujourd’hui, il fut aussi
ambassadeur d’Italie en Allemagne. Alfredo a été déçu toute sa vie par la
personnalité de son fils Giorgio. Puisque Pier Giorgio avait beaucoup de
difficulté dans ses études et semblait toujours prendre la vie en riant ou à la
légère, Alfredo le jugeait inapte à faire de grandes choses. Comment peut-on
vivre à côté d’un saint pendant vingt-cinq ans et se méprendre à ce point? Quel
mystère! Et combien d’entre nous ne connaissent pas bien les personnes de leur
propre famille? Juger est si facile; percevoir la beauté intrinsèque de chaque
personne est parfois si difficile.
Le jour où Alfredo Frassati a
compris qui était son fils, tout s’est écroulé pour lui, comme en témoigne le
passage ci-dessous tiré d’une lettre qu’il a écrite à sa mère quatre jours après
la mort de son fils. Demandons à Dieu de nous ouvrir les yeux sur les gens qui
nous entourent, et de pouvoir les regarder et les connaître un peu comme Lui
les regarde et les connaît.
Le 8 juillet 1925, de Turin, le père, frappé comme rarement
une créature humaine peut l’être, écrivait de Cossila (Pollone) à sa mère qui ne pouvait
plus voir son neveu:
« Georges
était un saint, tout le monde aujourd’hui le reconnaît.
Gardons courage, même si cela ne sert à rien.
À peine arriverai-je à Biella, que je te quitterai.
L’impression laissée à Turin par sa mort, est égale à sa
bonté.
On n’avait jamais vu une foule unanime, chanter les
louanges d’un mort. Mais le pauvre Pier Giorgio n’est plus là, et ma vie est
finie.
J’avais trop reçu dans le monde: jusqu’à mes 57 ans, j’ai tout
eu. Maintenant je suis le plus pauvre des pauvres. Je mendie dans le monde, et
personne ne peut me donner la moindre part de ce qui m’a été enlevé.
Je t’embrasse chère maman, en nous souhaitant de le
rejoindre bientôt.
Ton Alfred »
Luciana Frassati, (Un uomo, un giornale: Alfredo Frassati, vol.III Parte Seconda, pp. 190 et 191)
Pier Giorgio Frassati. Des parents découvrent que
leur fils est un saint le jour de ses funérailles
Au sortir de la guerre, alors que Tommaso et Giovanna se battaient contre la pauvreté, ce garçon plein d’entrain était arrivé chez eux, on ne sait comment, un panier de provision sous le bras. Giovanna est fière, elle n’aurait jamais accepté qu’une dame de bonne famille vienne lui « faire la charité ». Mais le sourire enchanteur de Pier Giorgio avait été désarmant de simplicité, sa joie de vivre contagieuse, et Giovanna avait très vite considéré comme l’un de ses fils ce garçon de dix-huit ans, qui avait presque l’air d’un gamin. Les visites de Pier Giorgio étaient l’occasion de grandes réjouissances. Quand les enfants l’entendaient gravir quatre à quatre leur escalier pourtant périlleux, ils se précipitaient vers la porte, ne lui laissant même pas le temps de reprendre son souffle. Ce garçon, dont ils ne savaient pas d’où il venait, mais dont ils soupçonnaient qu’il habitait les quartiers les plus riches de Turin, avait l’art de leur faire oublier qu’il n’était pas un voisin de palier.
– À ce qu’il paraît, Pier Giorgio était le fils de Frassati, le directeur de La Stampa, prononce Tomaso d’une voix enrouée.
– Mais comment ? Pourquoi? balbutie sa femme.
– J’ai pas réussi à lire, mais j’ai demandé au marchand de journaux. Il est mort hier d’une sale maladie, la polio quelque chose, en quelques jours.
Le lendemain, Giovanna et ses enfants se mêlent à la foule immense qui assiste à l’enterrement de Pier Giorgio Frassati. On leur désigne, à l’autre bout du parvis, un couple en grand deuil: ce sont les parents du jeune homme. Giovanna les regarde avec une profonde compassion. Avoir eu un fils qui semblait réunir toutes les qualités du monde, et le perdre si brutalement ! Comment pourrait-elle se douter que les Frassati, en vérité, ont dû attendre cette journée tragique pour connaître Pier Giorgio? En sortant de l’automobile qui les a amenés au pied de la cathédrale, ils ont été stupéfiés de découvrir un parvis noir de monde. Pour eux, Turin était une petite ville qu’habitait un nombre restreint de familles « fréquentables ». Ils ignoraient qu’aux yeux de leur fils, Turin était aussi et surtout peuplée par une multitude de pauvres. Alors qu’ils s’attendaient à voir assister à l’enterrement quelques centaines de membres respectables de la bourgeoisie, les voilà devant une foule venue des quatre coins de la ville, et même –constate le père du défunt en fronçant le sourcil,- de ses bas quartiers. C’est donc au fil des condoléances qu’ils reçoivent et des témoignages émus qu’ils entendent qu’ils apprennent enfin qui était vraiment ce garçon mystérieux. (1)
Cortège funèbre de Pier Giorgio, lundi le 6 juillet 1925
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