Mes vœux en ce Noël 2013
Chers amis,
voici mes vœux, ou mes désirs, pour vous et pour moi, en ce Noël 2013 :
que nous comprenions toujours mieux ce que c’est que d’être chrétiens et que
nous éprouvions de plus en plus une immense fierté d’avoir été choisis par Dieu
pour être incorporés au Christ Sauveur. Le baptême est avant tout une
incorporation au Christ : nous entrons dans son corps, nous faisons partie
de son corps. Le baptême a fait de nous des membres du Christ ressuscité et Sauveur. En Lui, nous devons vivre en ressuscités et contribuer à notre tour, à sauver notre
pauvre monde : « Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du
Christ pour son Corps, qui est l'Église »
(Col 1, 24).
Mais pour que
nous puissions être « incorporés »
au Christ, il fallait d’abord que le Verbe se fasse chair, que le Fils éternel
du Père, coéternel avec le Père et l’Esprit-Saint, prenne corps et s’unisse à
jamais à notre nature faible et mortelle. C’est grâce à cette incorporation du
Fils de Dieu à notre nature, que nous pouvons à notre tour, faire corps avec
Lui. C’est cet abaissement du Fils de Dieu, cette humiliation et cet
anéantissement (pour reprendre une
expression utilisée par saint Paul)
du Fils de Dieu, que nous célébrons à Noël et que nous sommes invités à vivre
et à imiter jusqu’à notre mort : « Le
Christ Jésus, ayant la condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui
l’égalait à Dieu, mais il s’est anéanti, prenant la condition d’esclave, et
devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia
plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix! C’est pourquoi
Dieu l’a exalté et lui a donné le Nom
qui surpasse tous les noms, afin qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse, au
ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus
Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Phil 2, 6-11)
Lorsque
j’entends certains de mes compatriotes qui travaillent à la radio ou à la
télévision, parler de la religion catholique, ils la qualifient souvent de
religion du sacrifice, de religion qui fait l’éloge de la souffrance. Et parce
que ces personnes ne perçoivent pas du tout la valeur intrinsèque du sacrifice
de Jésus et de tout sacrifice vécu avec Jésus et pour Jésus, elles se disent tellement heureuses d’avoir mis de côté la
religion de leurs ancêtres. Ces gens ont tout à fait raison de percevoir le
sacrifice comme faisant partie intégrale de la religion catholique. Cela est
tout à fait vrai. Mais la religion catholique n’est pas masochiste. Un
masochiste aime la souffrance pour la souffrance. Nous, les catholiques, nous
n’aimons pas la souffrance, pour la souffrance. Nous aimons la souffrance comme
moyen de transformation intérieure, comme moyen de partager la vie de Jésus, la
vie divine, comme moyen, en somme, d’être divinisés. C’est le rêve de l’être
humain, depuis ses origines, de devenir un Dieu, d’être comme Dieu. Mais alors
que l’être humain, laissé à ses seules lumières naturelles, en vient à penser
que le moyen d’être comme Dieu, est de pouvoir décider par lui-même de ce qui
est bien, et de ce qui est mal, ou encore, de faire uniquement ce qui lui
plaît, le chrétien, lui. a une tout autre conviction, une tout autre vision. Le
chrétien sait et croit que l’unique moyen de s’unir à la vie divine, est le
renoncement à sa nature pécheresse. Le moyen le plus sûr pour le chrétien de
partager la vie divine, depuis que Dieu s’est fait homme, c’est d’aller contre sa nature sensible, et d’imiter Dieu dans son abaissement et son renoncement.
Le Père Raniero
Cantalamessa a donné un enseignement magistral, le 6 décembre dernier, au pape
et à la curie romaine. Il a essayé de montrer comment saint François d’Assise a
renouvelé l’Église par la voie de la sainteté. C’est uniquement la sainteté qui
renouvellera le monde. Mais la question est la suivante : qu’est-ce que la
sainteté? Le Père Cantalamessa, capucin et fils de saint François, a montré
très clairement que saint François s’est approché de la sainteté, le jour où, allant contre la nature
sensible en lui, il a embrassé un lépreux. J’ai cité ce passage dans mon blogue
du 17 décembre dernier, intitulé : François
et François.
Voici
maintenant, une autre portion de ce magnifique enseignement du Père
Cantalamessa :
Comment
imiter François?
Qu’est-ce que
l’expérience de François nous dit aujourd’hui ? Que pouvons-nous imiter chez
lui, tous, et tout de suite ? Aussi bien ceux que Dieu appelle à réformer l’Église
par la sainteté, que ceux qui se sentent appelés à la renouveler par la
critique, ou ceux que lui-même appelle à la réformer par les charges qu’ils
recouvrent ? La même chose que le point de départ de l’aventure spirituelle
de François: sa conversion du « moi » à Dieu, son renoncement à
lui-même. C’est ainsi que naissent les vrais réformateurs, ceux qui changent
vraiment quelque chose dans l’Église. Ceux qui meurent à eux-mêmes. Mieux,
ceux qui décident sérieusement de mourir à eux-mêmes, sachant qu’il s‘agit
d’une démarche qui dure toute la vie, voire au-delà d’elle, si, comme le disait
sainte Thérèse d’Avila en plaisantant, notre amour propre meurt vingt minutes
après nous.
Une saint moine
orthodoxe, Silouane du Mont Athos, disait ceci: « Pour être vraiment libres, il faut commencer par se lier soi-même ».
Des hommes comme eux sont libres de la liberté de l’Esprit; rien ne les arrête
et plus rien ne leur fait peur. Ils deviennent des réformateurs par la voie de
la sainteté, et pas seulement par leur charge. Mais que signifie la
proposition de Jésus de renoncer à soi-même ? Est-ce toujours possible de le
proposer à un monde qui ne parle que de réalisation de soi, d’affirmation de
soi? Le renoncement n’est jamais une fin en soi, ni un idéal en soi. La chose
plus importante, c’est ce qui est positif: " Si quelqu’un veut venir avec moi " a dit Jésus;
c’est suivre le Christ, posséder le Christ. Dire non à soi-même, c’est le
moyen; dire oui au Christ, c’est la fin. Paul le présente comme une sorte de
loi de l’esprit: « Si, par l’Esprit,
vous tuez les désordres de l’homme pécheur, vous vivrez » (Rm 8,13).
C’est, on le voit, un « mourir » pour vivre, à l’opposé de la vision
philosophique existentielle selon laquelle la vie humaine est « un vivre
pour mourir » (Heidegger).
Il s’agit de savoir quel fondement nous voulons donner à notre existence : notre « moi » ou le « Christ »; dans le langage de Paul, si nous voulons vivre « pour nous-mêmes », ou « pour le Seigneur » (cf. 2 Co 5,15; Rm 14, 7-8). Vivre « pour soi-même » signifie vivre selon ses propres commodités, sa propre gloire, son propre avancement ; vivre « pour le Seigneur » signifie toujours remettre à la première place, dans nos intentions, la gloire du Christ, les intérêts du Royaume et de l’Eglise. Chaque « non », petit ou grand, dit à soi-même par amour, est un « oui » dit au Christ.
Il
faut seulement éviter de se faire des illusions. Il ne s’agit pas de tout
savoir sur le renoncement chrétien, sa beauté et sa nécessité; il s’agit de passer
à l’acte, de le mettre en pratique. Un grand maître de l’esprit des temps
anciens disait: « Il est
possible de briser dix fois sa propre volonté en un temps très bref ; et
je vous dis comment. Une personne se promène et voit quelque chose; sa pensée
lui dit: « Regarde là », mais lui répond à sa pensée: « Non, je
ne regarde pas », et il brise sa volonté. Puis il rencontre d’autres
personnes qui sont en train de parler en mal de quelqu’un, peut-être du supérieur, et sa pensée lui
dit : « Dis toi aussi ce que tu sais », et il brise sa volonté
en se taisant » (1). Ce Père des temps anciens apporte, comme on le voit,
des exemples qui sont tous tirés de la vie monastique. Mais ceux-ci peuvent
s’actualiser et s’adapter facilement à la vie de chacun, clercs et laïcs. Vous
ne rencontrerez peut-être pas comme François un lépreux, mais un pauvre qui,
vous le savez, vous demandera quelque chose; le vieil homme qui est en vous
vous pousse à passer de l’autre côté de la rue, mais vous, vous vous faites
violence et vous allez à sa rencontre, en ne lui offrant peut-être qu’un salut et
une poignée de main, si vous ne pouvez rien de plus. L’occasion d’un gain
illicite se présente à vous: vous dites non, et vous avez renoncé à vous-mêmes.
Vous avez été contredit dans une de vos idées; piqué au vif, vous
voudriez répliquer vivement, vous vous taisez et attendez: vous avez brisé
votre « moi ». Vous croyez avoir reçu un tort, un traitement, ou une tâche non adaptés à vos mérites ; vous voudriez le faire
remarquer à tout le monde, en vous enfermant dans un silence plein de
tacite reproche. Vous dites non, vous brisez le silence, vous souriez et vous rouvrez le dialogue.
Vous avez renoncé à vous-mêmes et sauvé la charité. Et ainsi de suite.
Un objectif difficile à atteindre (je ne parle certes pas comme quelqu’un qui y serait arrivé!), mais ce qui est arrivé à François, nous a montré ce qui peut naître d’un renoncement de soi réalisé en réponse à la grâce. L’objectif final à atteindre est de pouvoir dire comme Paul et avec lui: « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ». Et cette terre sera alors déjà comblée de joie et de paix. Saint François, avec sa «joie parfaite», est un témoin vivant de la « joie qui vient de l’Évangile, de l’«Evangelii Gaudium » dont nous parle le pape François dans sa récente Exhortation apostolique.
(Tiré de l’enseignement du Père Raniero Cantalamessa, du 6 décembre 2013, intitulé: FRANÇOIS D’ASSISE ET LA RÉFORME
DE L'ÉGLISE PAR VOIE DE SAINTETÉ)
( (1) Dorothée de Gaza, Oeuvres spirituelles, I,20 (SCH 92,p.177).
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