François et François
Nous savons tous
que le cardinal Bergoglio a choisi le nom de François une fois devenu pape, en
l’honneur du « Poverello » d’Assise. Il y a de nombreuses similitudes
entre François d’Assise et notre pape : l’amour de la pauvreté, l’audace
de réprimander évêques et haut clergé pour leur vie qui s’éloigne de la
simplicité et de la pauvreté évangéliques, un langage simple et imagé pour
faire comprendre les vérités les plus sublimes, etc. Un événement assez récent
s’est produit sur la place Saint-Pierre, qui nous a fait « voir » à quel point le pape
François est mû par le même Esprit qui a gouverné la vie du pauvre d’Assise. Le
6 novembre dernier, à la fin d’une audience générale, le pape François, comme à
son habitude, est descendu à la rencontre des malades pour les saluer et les
bénir. Il a alors fait la rencontre de Vinicio Riva, un homme de 53 ans, totalement
défiguré. Le pape l’a embrassé longuement.
Laissons la parole à Vinicio :
« Je lui ai d’abord embrassé la main, pendant qu’avec l’autre main, il me caressait la tête et les plaies. Et puis il m’a attiré contre lui, en me serrant fort et en m’embrassant le visage. J’avais la tête contre son buste, et ses bras m’enveloppaient. Et lui me tenait serré, serré, comme s’il me câlinait, il ne se détachait plus. J’ai cherché à parler, à lui dire quelque chose, mais je n’ai pas réussi : l’émotion était trop forte. Cela a duré un peu plus d’une minute, mais cela m’a semblé une éternité. Les mains du pape sont si tendres. Tendres et belles. Et son sourire limpide et ouvert. Mais ce qui m’a le plus impressionné, c’est qu’il n’a pas réfléchi à deux fois pour savoir s’il devait m’embrasser ou pas. Je ne suis pas contagieux mais il n’en savait rien. Il l’a fait et voilà : il m’a caressé tout le visage, et pendant qu’il le faisait, je ne ressentais que de l’amour. »
« Je lui ai d’abord embrassé la main, pendant qu’avec l’autre main, il me caressait la tête et les plaies. Et puis il m’a attiré contre lui, en me serrant fort et en m’embrassant le visage. J’avais la tête contre son buste, et ses bras m’enveloppaient. Et lui me tenait serré, serré, comme s’il me câlinait, il ne se détachait plus. J’ai cherché à parler, à lui dire quelque chose, mais je n’ai pas réussi : l’émotion était trop forte. Cela a duré un peu plus d’une minute, mais cela m’a semblé une éternité. Les mains du pape sont si tendres. Tendres et belles. Et son sourire limpide et ouvert. Mais ce qui m’a le plus impressionné, c’est qu’il n’a pas réfléchi à deux fois pour savoir s’il devait m’embrasser ou pas. Je ne suis pas contagieux mais il n’en savait rien. Il l’a fait et voilà : il m’a caressé tout le visage, et pendant qu’il le faisait, je ne ressentais que de l’amour. »
Originaire d’Isola, un petit village de la Province de
Vincenza (Italie), il vit avec sa petite sœur Morena et leur tante Caterina,
leur tutrice. Comme sa sœur (dans une forme moins sévère), il est atteint de la
maladie de Recklinghausen depuis l’âge de 15 ans. Il s’agit d’une maladie rare,
connue comme « neurofibromatose de type 1 », qui provoque de douloureuses
excroissances sur tout le corps. Aucun traitement ne peut actuellement guérir
cette maladie. … A Isola, Vinicio est accepté par pratiquement tout le monde.
Il a son groupe d’amis, avec lequel il va manger une pizza ou voir des parties
de foot. Et il courtise toutes les infirmières, dépensant en fleurs une partie
des 130 euros qu’il gagne chaque mois en travaillant dans une maison de
retraite ((Tiré de Panorama,
article signé par Marine Soreau)
Quiconque
connaît un peu la vie de François d’Assise, sait que divers événements sont à
l’origine de sa conversion. Parmi ces événements, le plus marquant semble avoir
été le jour où François, allant contre son inclination naturelle, embrassa un
lépreux. Il n’est pas facile d’interpréter correctement ce qui s’est passé dans
le cœur de François d’Assise, ce jour-là. Mais je crois que l’enseignement qu’a
donné le Père Raniero Cantalamessa (capucin,
et donc disciple de saint François) ces jours-ci à Rome, peut nous aider
grandement à comprendre la vie de saint François d’Assise. Voici quelques
extraits de cet enseignement :
Saint François
d'Assise et la réforme de l'Eglise par voie de sainteté
Première prédication de l'Avent Rome, 7 décembre 2013 (Zenit.org) P. Raniero Cantalamessa O.F.M.Cap.
La conversion de François.
Pour comprendre quelque chose de l’aventure de
François il faut partir de sa conversion. Il existe, dans les sources, diverses
descriptions de cet événement, avec des différences considérables. Heureusement,
nous avons une source absolument fiable qui nous dispense de choisir entre les
différentes versions. Nous avons le témoignage de François lui-même dans son
Testament, son ipsissima vox, comme on dit des paroles certaines du Christ
rapportées dans l’Évangile. Il dit :
« Voici comment le Seigneur me donna, à moi frère
François, la grâce de commencer à faire pénitence: Au temps où j’étais encore
dans les péchés, la vue des lépreux m’était insupportable. Mais le Seigneur
lui-même me conduisit parmi eux ; je les soignai de tout mon cœur ; et au
retour, ce qui m’avait semblé si amer s’était changé pour moi en douceur pour
l’esprit et pour le corps. Ensuite j'attendis peu, et je dis adieu au
monde. »
C’est sur ce texte, à juste titre, que les
historiens se fondent, mais avec une limite infranchissable pour eux. Même les
mieux intentionnés d'entre eux et les plus respectueux de la particularité de
ce qui est arrivé à François - comme l'a été, parmi les Italiens, Raoul
Manselli -, n’arrivent pas à saisir la raison ultime de son changement radical.
Ils s’arrêtent – pour respecter leur méthode – sur le seuil, parlant d’un
« secret de François », destiné à rester tel à jamais. …
Le vrai choix est beaucoup plus radical: il ne
s’agit pas de choisir entre richesse et pauvreté, ni entre riches et pauvres,
entre l’appartenance à une classe plus qu’à une autre, mais de choisir entre
soi-même et Dieu, entre sauver sa vie ou la perdre pour l’Evangile.
Il y a ceux (par exemple, à une époque plus
proche de la nôtre, Simone Weil) qui sont arrivés au Christ en partant de leur
amour des pauvres et d’autres qui sont arrivés aux pauvres en partant de leur
amour du Christ. François appartient à cette seconde catégorie. La raison
profonde de sa conversion n’est pas de nature sociale, mais évangélique.
Jésus en avait fait une loi une fois pour toutes en prononçant une des phrases
les plus solennelles et les plus sûrement authentiques de l’Évangile : « Si
quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa
croix et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui
perd sa vie à cause de moi la gardera » (Mt 16, 24-25).
François, en embrassant le lépreux, a renoncé à lui-même dans ce qu'il y avait
de plus « amer » et ce qui répugnait le plus à sa nature. Il s’est
fait violence. Ce détail n’a pas échappé à son premier biographe qui décrit
l’épisode de la façon suivante : « Un jour, il rencontra un lépreux sur
sa route : se faisant violence, il s’approcha de lui et lui baisa la main.
À partir de ce moment-là, il se mit à se mépriser de plus en plus, jusqu’à
parvenir à une parfaite victoire sur lui-même par la grâce de Dieu ».
François n’est pas allé spontanément chez les
lépreux, poussé par une compassion humaine et religieuse. « Le Seigneur, écrit-il,
m’a conduit parmi eux ». C’est sur ce petit détail que les historiens ne
savent – ni ne pourraient – porter un jugement, alors qu'il est à l’origine de
tout. Jésus avait préparé son cœur de manière à ce que sa liberté, au bon
moment, réponde à la grâce. C’est à cela qu’avaient servi le songe de Spolète
et la question sur qui il préférait servir le serviteur ou le maître, la
maladie, l’emprisonnement à Pérouse et cette étrange inquiétude qui ne lui
permettait plus de trouver de la joie dans les divertissements et lui faisait
rechercher des lieux solitaires. Même sans penser que Jésus en
personne se cachait sous les traits du lépreux (comme plus tard on essaya de
faire, en référence au cas analogue de la vie de saint Martin de Tours), à ce
moment là le lépreux pour François représentait en tous points Jésus. Ce
dernier n’avait-il pas dit: « C'est à moi que vous l'avez fait » ? A
ce moment-là, il a choisi entre lui-même et Jésus. La conversion de François
est du même ordre que celle de Paul. Pour Paul, à un certain moment, ce
qui avait été auparavant un « avantage » changea de signe et
devint une « perte », « à cause du Christ » (Ph 3, 5 ss.);
pour François ce qui était amer se transforma en douceur, là aussi « à
cause du Christ ». Après ce moment, tous les deux peuvent dire: « Ce
n’est plus moi qui vit mais le Christ qui vit en moi ».
Tout ceci nous oblige à corriger une certaine image de François rendue populaire par la littérature postérieure et accueillie par Dante dans la Divine Comédie. La fameuse métaphore des noces de François avec Dame Pauvreté qui a laissé des marques profondes dans la poésie et l’art franciscains peut se prêter à confusion. On ne tombe pas amoureux d’une vertu, fût-ce de la pauvreté même; on s’éprend d’une personne. Les noces de François furent, comme chez d’autres mystiques un mariage avec le Christ. À ses compagnons qui lui demandaient s’il comptait « prendre épouse » après l’avoir vu un soir étrangement absent et lumineux, le jeune François répondit: « Je prendrai l’épouse la plus noble et la plus belle que vous ayez jamais vue ». D’habitude, ce genre de réponse est mal interprété. Si l'on regarde le contexte, il est clair que l’épouse n’est pas la pauvreté, mais un trésor caché et une perle rare, c’est-à-dire le Christ. « L’Épouse, commente Thomas de Celano qui rapporte l’épisode, est la vraie religion que celui-ci embrassa; et le royaume des cieux est le trésor caché qu’il cherchait ».
François n’épousa ni la pauvreté, ni même les pauvres; il épousa le Christ et c’est par amour pour Lui qu’il épousa, pour ainsi dire « en secondes noces », Dame Pauvreté. Il en sera toujours ainsi dans la sainteté chrétienne. Au fondement de l’amour de la pauvreté et des pauvres, il y a l’amour du Christ, ou alors les pauvres seront d’une façon ou d’une autre instrumentalisés et la pauvreté deviendra facilement un fait polémique contre l’Église, ou une ostentation de plus grande perfection par rapport aux autres dans l’Église, comme cela arriva, hélas, aussi à certains disciples du Poverello. Dans l’un ou l’autre cas, on fait de la pauvreté la pire des formes de richesse, celle de sa propre justice.
Tout ceci nous oblige à corriger une certaine image de François rendue populaire par la littérature postérieure et accueillie par Dante dans la Divine Comédie. La fameuse métaphore des noces de François avec Dame Pauvreté qui a laissé des marques profondes dans la poésie et l’art franciscains peut se prêter à confusion. On ne tombe pas amoureux d’une vertu, fût-ce de la pauvreté même; on s’éprend d’une personne. Les noces de François furent, comme chez d’autres mystiques un mariage avec le Christ. À ses compagnons qui lui demandaient s’il comptait « prendre épouse » après l’avoir vu un soir étrangement absent et lumineux, le jeune François répondit: « Je prendrai l’épouse la plus noble et la plus belle que vous ayez jamais vue ». D’habitude, ce genre de réponse est mal interprété. Si l'on regarde le contexte, il est clair que l’épouse n’est pas la pauvreté, mais un trésor caché et une perle rare, c’est-à-dire le Christ. « L’Épouse, commente Thomas de Celano qui rapporte l’épisode, est la vraie religion que celui-ci embrassa; et le royaume des cieux est le trésor caché qu’il cherchait ».
François n’épousa ni la pauvreté, ni même les pauvres; il épousa le Christ et c’est par amour pour Lui qu’il épousa, pour ainsi dire « en secondes noces », Dame Pauvreté. Il en sera toujours ainsi dans la sainteté chrétienne. Au fondement de l’amour de la pauvreté et des pauvres, il y a l’amour du Christ, ou alors les pauvres seront d’une façon ou d’une autre instrumentalisés et la pauvreté deviendra facilement un fait polémique contre l’Église, ou une ostentation de plus grande perfection par rapport aux autres dans l’Église, comme cela arriva, hélas, aussi à certains disciples du Poverello. Dans l’un ou l’autre cas, on fait de la pauvreté la pire des formes de richesse, celle de sa propre justice.
J'ai vu sur le Web les images de cet homme, ainsi que plusieurs écrits sur sa souffrance, sa maladie, images très fortes et saisissantes, émouvantes. Aussi, vous le devinerez sans doute sur Facebook (sourires). Ces images ont été fort prisées d'un grand nombre de personnes et plusieurs fois partagées, cela même de personnes non intéressées ou indifférentes par la personne et le message que véhicule et veut transmettre notre Pape François, comme lui seul sait si bien le faire.
RépondreSupprimerVotre texte est de beaucoup mieux documenté, il est dense, touffu, étoffé et de plus d'enseignements que j'apprécie ! Il est rempli de l'humanité du Pape François, Il me faudra le relire...
Merci.