Dieu ma joie: Marie-Léonie Paradis et le 375ème de Montréal

Marie-Léonie Paradis et le 375^ème de Montréal

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Aujourd’hui, 4 mai, l’Église du Canada célèbre la mémoire de la Bienheureuse Marie-Léonie Paradis. En cette année 2017, la commémoration de cette Bienheureuse de chez nous, revêt une importance particulière. Mère Marie-Léonie a été béatifiée à Montréal par le pape Jean-Paul II, le 11 septembre 1984. Lorsque nous lisons l’homélie de la béatification, nous comprenons que cette célébration revêtait un sens très spécial aux yeux et au cœur de Jean-Paul II. On voit clairement que le pape est conscient des graves difficultés que connaît le Québec moderne, spécialement au niveau de la foi et de la transmission de la foi.

Voici ci -dessous, quelques extraits de l’homélie prononcée par le pape ce jour-là. C'est moi qui ai mis certains passages en caractères gras. Je me suis aussi permis de commenter quelque peu les paroles du Saint-Père.

CÉRÉMONIE DE BÉATIFICATION DE SŒUR MARIE-LÉONIE PARADIS

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II

Parc Jarry
Mardi, 11 septembre 1984

Frères et Sœurs bien-aimés dans le Christ,

Je suis heureux d’être aujourd’hui chez vous, à Montréal, et j’en bénis le Seigneur. Je viens parmi vous comme pèlerin de la foi et comme l’Evêque de Rome, chargé de la mission jadis confiée à Pierre de confirmer ses frères dans la foi. A chacun, à chacune de vous: “Grâce et paix en abondance, par la véritable connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur” (2 Petr. 1, 2).

"May you have more and more grace and peace through knowing God and Jesus our Lord". (Puissiez-vous avoir de plus en plus de grâce et de paix, grâce à la connaissance de Dieu et de Jésus Notre Seigneur).

En vous voyant ici rassemblés, je pense aux fondateurs de l’ancienne Ville-Marie. Ils ont planté ici, au pied du Mont-Royal et près des rives du Saint-Laurent, une semence qui est devenue un grand arbre. Avec joie je m’associe à vous pour célébrer la foi qui a si profondément marqué votre histoire et qu’il vous revient de garder et d’aviver à l’exemple de Sœur Marie-Léonie que nous allons béatifier.

Au cours de mes voyages à travers le monde, je découvre les joies et les soucis de toutes les Églises. A vous tous, croyants et croyantes du Canada, j’apporte leurs salutations.

I bring you great tidings from the young and dynamic Churches of Asia and Africa.

Je vous apporte de grandes nouvelles de la part des jeunes et dynamiques Églises d’Asie et d’Afrique.

Les traigo el eco de la fe resistente de sus hermanos y hermanas de América Latina expuestos a la violencia del subdesarrollo y de las armas.

Je vous apporte l'écho de la foi solide de vos frères et soeurs d'Amérique latine, exposés à la violence due au sous-développement et aux armes.

I fratelli della Chiesa di Roma e dell’Italia vi salutano!

Les frères de l’Église de Rome et d’Italie vous saluent!

Przekazuję wam również pozdrowienia od Braci i Sióstr w wierze, którzy żyją na polskiej ziemi.

Je vous transmets les salutations des frères et sœurs dans la foi qui vivent sur le sol polonais.

Que ces témoignages de la foi tenace de vos Sœurs et de vos Frères chrétiens du monde entier vous stimulent et vous confirment dans votre propre foi.

Je trouve très beaux ce désir du pape de nous encourager en nous transmettant les salutations de nos frères et sœurs du monde entier. En cela il imite un de ses patrons, saint Paul, qui ne manquait jamais de transmettre aux destinataires de ses lettres, les salutations des autres Églises. Il est clair pour moi, que le pape sait qu’il n’est pas facile de croire en Dieu au Québec. Les paroles qu’il dira dans un instant le montrent à l’évidence. Il veut donc raviver notre foi et il nous encourage à la faire croître et à la partager.

Le pape commente durant cette homélie, la première rencontre de Moïse avec le Dieu vivant. Cette rencontre de Moïse avec le seul et unique vrai Dieu, est communément appelé « l’épisode du Buisson Ardent » (Exode 3, 1-22). Ce texte est d'une importance capitale pour notre foi. Il nous fait comprendre que la "religion" consiste essentiellement à "être relié" à Quelqu'un, Quelqu'un qui nous connaît, qui nous aime, et qui veut nous aider dans nos difficultés. Dans l'épisode du Buisson Ardent, Dieu appelle Moïse par son nom et lui dit qu'Il a vu et qu'Il connaît très bien les souffrances de son peuple et qu'il veut lui porter secours. Mais pour lui porter secours, il aura besoin de lui, Moïse; et que sans Moïse, il ne se passera rien. Moïse se sent trop faible pour obéir à cette mission, trop incompétent et fragile. Mais Dieu n'accepte pas ces excuses d'enfant gâté et désobéissant. Dieu promet à Moïse qu'Il sera toujours à ses côtés. La tâche ne sera pas facile, c'est certain, mais Moïse n'a rien à craindre car il connaît désormais le vrai Dieu, il L'a rencontré et marchera désormais avec Lui tous les jours de sa vie.

Chers Frères et Sœurs du Québec, du Canada, qu’en est-il de votre rencontre avec le Dieu vivant? Parfois le monde d’aujourd’hui semble le voiler, vous le faire oublier. Cet apparent désert spirituel contraste avec le temps encore proche où la présence de Dieu était manifeste dans la vie sociale et en de multiples institutions religieuses. Et vous entendez dire: “Où est-il ton Dieu?” (Ps. 42, 4).

Le cœur humain ne s’habitue pourtant pas à l’absence de Dieu. Il souffre de vivre éloigné de Dieu, comme les compatriotes de Moise. Mais Dieu n’est jamais loin de chacun d’entre nous (Act. 17, 27). Il est mystérieusement présent, comme le feu qu’on ne peut saisir, comme la brise légère qui passe, invisible (1 Reg. 19, 12-13). Il nous fait signe. Il nous appelle par notre nom pour nous confier une mission.

Et c’est en vain qu’on cherche à remplacer Dieu. Rien ne saurait combler le vide de son absence. Ni l’abondance matérielle, qui ne rassasie pas le cœur; ni la vie facile et permissive, qui ne satisfait pas notre soif de bonheur; ni la seule recherche de la réussite ou du pouvoir pour eux-mêmes; ni même la puissance technique qui permet de changer le monde mais n’apporte pas de véritable réponse au mystère même de notre destinée. Tout cela peut séduire un temps, mais laisse un goût d’illusion et le cœur vide, si l’on s’est éloigné du Buisson ardent.

Alors peut apparaître, comme en creux, la faim du spirituel, l’attrait de l’Absolu, la soif du Dieu vivant (Ps. 42, 3). Paradoxalement, le temps de l’“absence de Dieu” peut devenir le temps de la redécouverte de Dieu, comme l’approche de l’Horeb.

Lors de son premier voyage en France, le pape Jean-Paul II, dès le deuxième jour de son pèlerinage, avait lancé une interrogation pleine de force mais aussi d’amertume; une phrase choc pour quiconque sait la prendre au sérieux. Il avait dit:

« France, fille aînée de l'Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême? ... Pardonnez-moi cette question. Je l’ai posée comme le fait le ministre au moment du baptême. Je l’ai posée par sollicitude pour l’Eglise dont je suis le premier prêtre et le premier serviteur, et par amour pour l’homme dont la grandeur définitive est en Dieu, Père Fils et Saint-Esprit.» (premier juin 1980, Le Bourget).

Je ne connais pas toutes les phrases que le pape a prononcées en sol canadien, mais la question qu’il nous a posée au Parc Jarry, à l’occasion de la béatification de Mère Marie-Léonie Paradis, figure certainement parmi les phrases les plus fortes et les plus chargées de sens que le pape ait dites lors de son voyage au Canada: « Chers Frères et Sœurs du Québec, du Canada, qu’en est-il de votre rencontre avec le Dieu vivant? » Cette phrase, il l’a prononcée à Montréal. Cela est très significatif, selon moi. C’est comme si le pape pouvait entrevoir notre ville vingt-trois ans plus tard, alors que l’athéisme et l’indifférence religieuse règnent en maître dans les cœurs d’une grande majorité de nos concitoyens.

La phrase du pape: « Dieu nous fait signe. Il nous appelle par notre nom pour nous confier une mission », se base sur la rencontre de Moïse avec le Dieu vivant. Dieu a fait signe à Moïse; le signe fut le buisson qui brûlait, mais ne se consumait pas. Dieu a appelé Moïse deux fois par son nom. Et si Dieu s’est manifesté à Moïse et l’a appelé par son nom, c’était pour lui confier une mission. La mission de Moïse a été de faire sortir les Hébreux de l’esclavage de l’Égypte. De même en est-il pour nous: si Dieu s’est révélé à nous, s’il nous a appelé par notre nom au baptême, c’est aussi pour nous confier une mission. AS-TU DÉCOUVERT TA MISSION DANS L’ÉGLISE ???

Moïse a eu un signe pour lui faciliter la RENCONTRE AVEC LE DIEU VIVANT. Pas de vie chrétienne véritable, sans avoir rencontré le Christ, sans avoir fait l’expérience qu’Il existe, qu’Il est là dans nos vies. La vie chrétienne est essentiellement une RENCONTRE: la rencontre avec le TOUT AUTRE, LE TOUT PUISSANT, LE TOUT AIMANT.

Dans le paragraphe suivant, le pape mentionne neuf occasions qui peuvent favoriser la rencontre avec Dieu.

Oui, Dieu continue à nous faire signe à travers notre histoire personnelle et l’histoire de notre monde, comme pour Moïse à travers les souffrances de son peuple. Qui n’a pas connu, un jour ou l’autre, ces expériences de lumière et de paix: Dieu est entré dans ma vie! Expérience soudaine ou fruit de lentes maturations. Les occasions où cette présence mystérieuse nous interroge sont multiples:

1) la naissance si merveilleuse d’un enfant,

2) le début d’un amour authentique,

3) la confrontation à la mort d’un proche, à l’échec ou au mystère du mal,

4) la compassion pour la misère d’autrui,

5) la grâce d’avoir échappé à un accident ou d’être guéri d’une maladie,

6) la création d’une œuvre d’art,

7) la contemplation silencieuse de la nature,

8) la rencontre d’une personne habitée par Dieu,

9) la participation à une communauté priante: autant d’étincelles qui éclairent la route vers Dieu, autant d’événements qui ouvrent la porte sur Dieu. Mais la révélation elle-même vient de Dieu, du cœur du Buisson ardent. C’est sa Parole, lue et méditée dans la prière, c’est l’histoire sainte du peuple de Dieu, qui permettent de déchiffrer le sens de ces signes, de reconnaître le Nom et le Visage du Dieu vivant, de découvrir qu’il transcende toute expérience, toute créature. Comme le disait l’une de vos poétesses: Notre Dieu est “comme la plus profonde source des plus profondes eaux” (Anne Hébert, Presence, 1944). (1)

Et toi, cher ami, QU’EN-EST-IL DE TA RECONTRE AVEC LE DIEU VIVANT ?

Est-ce que Dieu s’est servi d’un des neuf moyens ci-dessus, pour venir à ta rencontre? Car c’est toujours Dieu qui prend les devants, qui pose un geste facilitant la rencontre. Quel fut ce geste pour toi ?