Pier Giorgio Frassati, l’évangélisateur
Le Seigneur opère dans nos vies
de façon mystérieuse et cachée. Tout comme Moïse, nous voyons la plupart du temps
le Seigneur « de dos » (Exode 33, 23), une
fois qu’Il est passé. On se rend compte alors de la grandeur et de la beauté de
son passage.
En mai dernier, j’ai participé au
Séminaire international sur les Cellules
paroissiales d’évangélisation (CPÉ) qui a eu lieu à Milan, en Italie. J’ai
profité de l’occasion pour aller ensuite faire un pèlerinage sur les pas de mon
saint préféré: Pier Giorgio Frassati. Pier Giogio est en ce moment Bienheureux, mais il sera sûrement
canonisé un jour. Dans mon esprit, il n’y avait pas de lien entre le séminaire
sur les CPÉ et la personnalité et la vie de Pier Giorgio. Mais plus j’apprends
à connaître Pier Giorgio, plus je me rends compte des affinités qu’il y a entre
Pier Giorgio et les CPÉ. Sans connaître la dynamique interne des CPÉ pour
évangéliser le monde, on peut dire que Pier Giorgio utilisait déjà cette
dynamique pour évangéliser les personnes qu’il rencontrait. Il existe des
similitudes très fortes entre la façon dont Pier Giorgio évangélisait et la
façon dont les CPÉ évangélisent.
Les CPÉ ont surtout pour but
d’évangéliser les « distants »;
les personnes qui ne fréquentent pas l’Église et qui ne se considèrent pas
vraiment comme « croyants ».
Pier Giorgio Frassati exerçait sa charité et évangélisait tout particulièrement
les « distants ». Il
considérait d’ailleurs qu’il lui était plus facile d’exercer ce rôle en tant
que laïc, qu’en tant que prêtre. C’est une des raisons pour lesquelles il n’est
pas devenu prêtre.
Les CPÉ préconisent la façon
suivante pour évangéliser les personnes qui sont éloignées ou se sont éloignées
de l’Église: commencer par développer des liens d’amitié envers ces personnes,
leur rendre des services; et à un moment donné, les inviter à participer à une
expérience de cellule. Donc amitié et invitation. La plupart du temps, lorsqu'on met en place des CPÉ dans une paroisse, les membres de la cellule ont une certaine facilité à rendre des services à leur
« oikos », c’est-à-dire aux
gens de leur entourage qu’ils veulent évangéliser. Mais ces mêmes membres d’une
cellule sont parfois timorés d’inviter des gens à vivre une rencontre
cellulaire. Cela vient du fait que nous sommes si peu habitués à évangéliser, à
inviter les gens à vivre une belle expérience. On devrait se convaincre qu’il
n’y a aucun danger à inviter les gens à faire une expérience qui risque de leur
être bénéfique pour le reste de leurs jours. D’où vient donc cette crainte de
faire du bien aux gens? Sûrement pas de l’Esprit Saint. Que le Bienheureux Pier
Giorgio Frassati, que nous avons choisi en quelque sorte comme patron,
protecteur et guide pour notre paroisse, nous vienne en aide.
Voici un événement de la vie
de Pier Giorgio, qui est tout à fait dans la ligne évangélisatrice des « cellules paroissiales d’évangélisation ».
Je vais ici citer un roman écrit à partir de la vie de Pier Giorgio Frassati.
Le roman est intitulé « To the
Heights » (« Vers le haut »). L’auteur, Brian Kennelly, est
convaincu que le fait de raconter la vie d’un saint sous la forme d’un roman,
porte beaucoup plus de fruits qu’une biographie. J’avoue que je suis porté à le
croire. Le chapitre 8 du livre, s’intitule: « Sympathy for Soldiers » (« Sympathie envers les soldats »). Dans ce chapitre, Kennelly
nous montre à quel point Pier Giorgio était touché par la guerre mondiale qui
avait éclatée en 1914. et dans laquelle était entrée l’Italie le 24 mai 1915.
Pier Giorgio a fait tout son possible pour aider les blessés qui revenaient de
la guerre, donnant de l’argent à ceux qui gisaient dans les hôpitaux, parlant
avec eux et priant avec eux. Pier Giorgio rencontra alors Gianni Brunelli, un
membre de la Brigade Alpine ,
qui est une division de l’armée italienne. Pier Giorgio et Gianni se sont liés
d’amitié. Voici le dialogue entre les deux hommes, tel qu’imaginé par Kennelly:
Pier Giorgio: « J’éprouve
une profonde tristesse pour ce que toi et tes confrères avez vu au combat. Je
suppose que j’aurais été avec vous là-bas, si j’avais été un peu plus âgé. Je
suis désolé de ne pas avoir pu combattre à vos côtés, en dépit de mon
opposition à cette guerre. »
Gianni: « Tu fais ta
part, Pier Giorgio. Les hommes de ma compagnie apprécient tout ce que tu as
fait pour nous. »
P G: « J’aimerais
beaucoup rencontrer davantage de tes compagnons d’arme. Les as-tu invités à la
messe, comme je l’avais suggéré? »
Gianni bougea la tête:
« Ils ne viendraient jamais avec moi. Ils sont amers envers Dieu qui
permet ce que nous avons vu au combat. Aucun d’entre eux n’est allé à la messe
depuis que nous sommes revenus à la maison. »
P G: « Mais leur as-tu
au moins demandé et suggéré qu’ils viennent? »
Gianni: « Non, mais je
suis pas mal sûr de leur refus. »
P G: « Nous ne pouvons
jamais assumer que quelqu’un veuille éviter le Christ. Laisse-les eux-mêmes
nous le dire par leurs propres bouches. Il se peut qu’on faillisse, mais alors
on pourra regarder Dieu dans les yeux et Lui dire que nous avons essayé. Dis-leur
que c’est seulement en se nourrissant du Pain des Anges, qu’ils seront capables
de combattre leurs démons intérieurs qui les tourmentent depuis qu’ils sont revenus
du combat. Et en passant, ce sont les hommes qui commettent les atrocités de la
guerre, pas Dieu. Vas-tu au moins leur demander s’ils se joindront à nous ce
dimanche? Qu’est-ce qu’il en coûte d’essayer? S’il te plaît, Gianni, il faut
que tu leur demandes. Ils ne réalisent pas à quel point la messe peut être
importante pour renouveler leurs esprits. »
Gianni considéra ses
paroles: « OK. Tu as beaucoup fait pour moi, je ferai alors cela
pour toi. Mais ne t’’attends pas à ce que quelqu’un m’accompagne. »
Pier Giorgio sourit:
« Même s’il n’y a que toi, je serai enchanté de recevoir l’Eucharistie à
tes côtés. »
Deux jours passèrent et dimanche arriva. Pier Giorgio se réveilla sur le plancher, le chapelet à la main. Il avait fait cela à nouveau: prier jusqu’à ce que le sommeil le gagne. Si sa mère l’avait vu, elle aurait été fâchée. Elle lui avait dit un jour: « Je ne sais pas pourquoi on t’a procuré un lit. » Il se lava et endossa ses plus beaux vêtements. Aujourd’hui, il serait le seul membre de sa famille à participer à la messe, mais alors qu’il se rendait à bicyclette à la cathédrale de Turin, il ne pensait qu’à Gianni et à ses compagnons soldats.
Deux jours passèrent et dimanche arriva. Pier Giorgio se réveilla sur le plancher, le chapelet à la main. Il avait fait cela à nouveau: prier jusqu’à ce que le sommeil le gagne. Si sa mère l’avait vu, elle aurait été fâchée. Elle lui avait dit un jour: « Je ne sais pas pourquoi on t’a procuré un lit. » Il se lava et endossa ses plus beaux vêtements. Aujourd’hui, il serait le seul membre de sa famille à participer à la messe, mais alors qu’il se rendait à bicyclette à la cathédrale de Turin, il ne pensait qu’à Gianni et à ses compagnons soldats.
Même si pour Pier Giorgio, la
plupart d’entre eux n’avaient pas de visage puisqu’il ne les connaissait pas,
il se les était représentés la veille en égrainant chacun des grains de son
chapelet. Chaque homme, chaque étranger, si blessé par les horreurs de la
guerre, était représenté par un grain de son chapelet. Ils devinrent les
bénéficiaires d’un Je vous salue Marie,
alors qu’ils passaient entre les doigts de Pier Giorgio pour se rendre à
l’intérieur de lui et résider dans son âme, ce sanctuaire où habitaient tous
ceux pour qui il priait. À son nouvel ami Gianni, il dédia une dizaine complète
de son chapelet.
Ici je saute quelques lignes du livre, pour arriver au moment où Pier
Giorgio, sur le perron de l’église, voit arriver son ami:
« Il se retourna et regarda
vers le bout de la rue. Au loin, il vit un soldat en uniforme, marchant d’un
bon pas, avec environ deux douzaines de ses camarades soldats
marchant derrière lui, eux aussi en uniforme. Plusieurs d’entre eux boitaient
et d’autres avaient leurs bras en écharpes.
« Sommes-nous en
retard? », demanda Gianni alors qu’il approchait.
« Non, mon ami, vous êtes
tout à fait à l’heure, et vous êtes tous les bienvenus. Tu en as amené beaucoup
avec toi! »
« Je ne sais pas ce qui s’est
passé, Giorgio. Chaque homme à qui j’ai demandé, a dit oui. On aurait dit qu’ils
savaient d’avance ce que j’allais leur demander, avant que je ne parle.
Étrange, non? »
Pier Giorgio sourit: « Non,
Gianni, ce n’est pas étrange du tout. ». Il les conduisit dans la
cathédrale et remplit les trois dernières rangées de bancs. (1)
L'événement ci-dessus a réellement eut lieu. L'auteur du roman a su mettre l'accent sur une autre caractéristique commune à la manière d'évangéliser de Pier Giorgio Frassati et des CPÉ: la prière pour les personnes que nous désirons évangéliser. Si Pier Giorgio n'a pas semblé surpris de voir apparaître tous ces soldats à l'église, c'est qu'il les avait confié par sa prière, aux bons soins de notre Mère du ciel, Marie l'Immaculée.
Voici le témoignage de Gianni Brunelli :
Voici le témoignage de Gianni Brunelli :
« J’ai
rencontré Pier Giorgio à l’automne 1924. À cette époque, j’étais à Turin comme
intendant de la 41ème Compagnie de district. Un dimanche, je ne sais
pas si c’était en septembre ou en octobre, j’ai rapidement complété mes devoirs
d’office et je suis allé à la messe à San Secondo, la dernière messe à 13h.
Je suis
entré au milieu de la foule. À la fin de la messe, j’ai reçu la communion. En
revenant de l’autel à mon siège, j’ai rencontré Pier Giorgio. Il était debout et
tenait un chapelet dans sa main. Il me regarda et son œil brilla de lumière;
cela dura une seconde et cela dura une éternité. Je n’oublierai jamais ce
regard. Ayant mon visage entre mes mains, j’essayais de rediriger mes pensées
sur Jésus, mais devant moi il y avait le flash de cet œil qui avait en lui
quelque chose de mystique, quelque chose d’un titan, une force.
Quand j’ai
quitté, l’église était déserte. Mais dehors, dans la rue, m’attendait au soleil
un très beau jeune homme. C’était Pier Giorgio Frassati. Il vint vers moi en me
souriant légèrement. Il me semblait d’avoir
devant moi Jean, l’ami de Jésus. » (2)
(1) Brian Kennelly, To the Heights, TAN Books, Charlotte , 2014, pp. 43-45.
(2)
Frassati and Friends: 5/1/08
frassatiusa.blogspot.com/2008_05_01_archive.html
1 mai 2008 - I have a little update on the preparations for Pier Giorgio's trip to ... This account was related by Gianni Brunelli, a young soldier in Turin in 1924.
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