Le doute
dans la vie du chrétien
« Choisir le doute comme philosophie de vie c’est
comme choisir l’immobilité comme mode de transport. » (Yann Martel, Histoire
de Pi )
L’évangile de dimanche dernier (3ème dimanche de l’Avent) nous présentait la figure de
Jean le Baptiste. De sa prison, Jean envoie quelques uns de ses disciples demander à Jésus:
« Es-tu celui qui doit venir, ou
devons-nous en attendre un autre ». Quelle question mystérieuse venant
du cousin de Jésus, de celui qui avait vu l’Esprit
descendre sur Jésus (Jn 1, 32) et qui l’avait désigné comme étant l’Agneau de Dieu (Jn 1, 29 et 1, 36)! Dimanche
dernier, nous voyions Jean en train de baptiser dans le Jourdain et annonçant
avec force la venue du Messie. Qu’est-ce qui s’est passé pour que le doute
s’installe dans la pensée de Jean le Baptiste et qu’il se mette à douter que
Jésus soit le Messie.
Ici, je me dois de dire qu’il existe une autre interprétation
de cet événement. Il y a des gens qui ne croient pas que Jean ait eu un doute
sur l’identité de Jésus. Selon ces personnes, Jean voyait que ses propres
disciples étaient encore beaucoup trop attachés à sa propre personne et il
voulait que ses disciples suivent Jésus. En envoyant ses disciples à Jésus, il créait
une situation propice pour qu’ils découvrent par eux-mêmes que Jésus est le
Messie. Selon cette interprétation, Jean le Baptiste n’aurait pas douté que son
cousin soit le Messie. Personnellement, je trouve cette interprétation un peu
farfelue. Comment Jean aurait-il pu oser faire une telle chose? Pour moi, cela aurait été un peu scandaleux
d’agir ainsi. Dans un tel cas, Jean aurait très bien pu dire à ses disciples: « Vous ne semblez pas comprendre quel est le
Maître que vous devez suivre maintenant. Il faut vous attacher à Celui qui est
tellement plus grand que moi, que je ne suis pas digne de défaire la courroie
de ses sandales. Allez le voir et l’entendre, car cela presse ».
Quand les disciples de Jean demandent à
Jésus s’il est Celui qui doit venir ou s’il faut en attendre un autre, Jésus
leur répond: « « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et
voyez: Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent,
les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et
les pauvres reçoivent la
Bonne Nouvelle. Heureux celui
pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! » (Mt 11, 4-6). Jésus, comme c’est souvent son habitude, ne
répond pas directement. Il invite les gens à répondre par eux-mêmes d’après ce
qu’ils voient et entendent. Et ce qu’ils voient et entendent, ce sont des actes
de miséricorde. Jésus invite aussi les envoyés de Jean à être des témoins; à
témoigner de ce qu’ils ont vu et entendu. La dernière phrase semble confirmer
que Jean ait été assailli par un doute: « Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ».
Le message de Jésus est souvent déconcertant et il contredit parfois de plein
fouet notre nature pécheresse. Nous sommes alors portés à rejeter le message du
Sauveur et cela peut provoquer notre chute.
Je trouve très beau le fait que
Jésus ne se scandalise pas du doute de son cousin. Au contraire, il va profiter
de ce moment pour dire aux gens à quel point Jean le Baptiste est un homme
extraordinaire: « Tandis que les envoyés de Jean s’en
allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean: … qu’êtes-vous allés voir? un prophète?
Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète. … Amen, je vous le dis :
Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que
Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux
est plus grand que lui. » (Mt 11, 9-11)
Les derniers papes sont convaincus quant à eux, que Jean le
Baptiste a été assailli par le doute sur la personnalité de son cousin. Voici ce que dit le pape François:
« Jean-Baptiste attendait avec impatience le Messie et
dans sa prédication, il l’avait décrit de façon forte, comme un juge qui aurait
enfin établi le Royaume de Dieu et purifié son peuple, en récompensant les bons
et en châtiant les méchants. Il prêchait ainsi: « Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres ; tout arbre donc qui
ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu » (Mt 3, 10). A
présent que Jésus a commencé sa mission publique avec un style différent, Jean
souffre parce qu’il se trouve dans une double obscurité: dans l’obscurité de la
prison et d’une cellule, et dans l’obscurité du cœur. Il ne comprend pas ce
style de Jésus et veut savoir si c’est véritablement Lui le Messie, ou s’il
doit en attendre un autre. » (Pape François, Audience générale du mercredi 7 septembre
2016)
Quant au pape Benoît XVI, il s'est exprimé ainsi:
« Dans l’Évangile, nous avons entendu la question de
Jean-Baptiste qui se trouve en prison; Jean-Baptiste, qui avait annoncé la
venue du Juge qui change le monde, et qui à présent voit que le monde reste le
même. Il fait donc demander à Jésus: «Est-ce
toi, celui qui doit venir? Ou devons-nous en attendre un autre? Est-ce toi ou
devons-nous en attendre un autre?». Au cours des deux, trois derniers
siècles de nombreuses personnes ont demandé: «Mais est-ce réellement toi? Ou le monde doit être changé de manière
plus radicale? Tu ne le fais pas?». Et de nombreux prophètes, idéologues et
dictateurs sont venus, qui ont dit: «Ce
n’est pas lui! Il n’a pas changé le monde! C’est nous!». Et ils ont créé
leurs empires, leurs dictatures, leur totalitarisme qui auraient dû changer le
monde. Et cela l’a changé, mais de manière destructrice. Aujourd’hui, nous
savons que ces grandes promesses n’ont laissé qu’un grand vide et une grande
destruction. Ce n’étaient pas eux.
Et ainsi nous devons à nouveau voir le Christ et demander
au Christ: «Est-ce toi?». Le
Seigneur, de la manière silencieuse qui lui est propre, répond: «Voyez ce que, moi, j’ai fait. Je n’ai pas
accompli une révolution sanglante, je n’ai pas changé le monde par la force,
mais j’ai allumé de nombreuses lumières qui forment, entre temps, une grande
route de lumière au cours des millénaires ». (Benoît XVI, Homélie du 3ème dimanche de l’Avent,
12 décembre 2010)
Le pape François, le 23 novembre dernier, a dit des choses intéressantes
sur le doute:
« Je pense que quelqu’un pourrait me
demander: « Père, j’ai tellement de
doutes sur la foi, que dois-je faire? Vous n’avez jamais de doutes? ». J’en
ai beaucoup... Bien sûr, à certains moments, les doutes viennent à tout le
monde! Les doutes qui touchent la foi, au sens positif, sont le signe que nous
voulons connaître mieux et plus à fond Dieu, Jésus et le mystère de son amour pour
nous. « Mais, j’ai ce doute: je cherche, j’étudie, je réfléchis ou je demande
conseil sur la façon de faire ». Ce sont les doutes qui font grandir! Il est
donc bon que nous nous posions des questions sur notre foi, car de cette
manière, nous sommes poussés à l’approfondir. Les doutes, quoi qu’il en soit,
doivent être également dépassés. Il est nécessaire pour cela d’écouter la Parole de Dieu et de
comprendre ce qu’elle nous enseigne. Un chemin important qui aide beaucoup en
cela est celui de la catéchèse,
à travers laquelle l’annonce de la foi vient à notre rencontre dans les aspects
concrets de la vie personnelle et communautaire. Et il y a, dans le même temps,
une autre voie également importante, celle de vivre le plus possible la foi. Ne faisons
pas de la foi une théorie abstraite où les doutes se multiplient. Faisons
plutôt de la foi notre vie. Cherchons à la pratiquer au service de nos frères,
en particulier des plus indigents. Alors tant de doutes s’évanouissent, car
nous sentons la présence de Dieu et la vérité de l’Évangile dans l’amour qui,
sans notre mérite, demeure en nous et que nous partageons avec les
autres. » (Pape
François, Audience générale du mercredi 23 novembre 2016)
L’abbé Pierre Durieux a composé une lettre fictive dans laquelle il fait
parler Charles de Foucauld. Dans cette lettre, on nous indique comment Charles
de Foucauld a été libéré de ses doutes:b
« C’est en observant les musulmans prier que s’est
réveillé en moi le sens de la transcendance. On ne trouve pas la foi seul, mais
elle jaillit, par la grâce de Dieu, au contact des autres, par les chemins les
plus inattendus.
Mon questionnement s’est poursuivi longtemps et mon
angoisse existentielle a duré. Je me disais: « Mon Dieu, si vous existez,
faites que je vous connaisse ». Je voulais poser des questions à un
prêtre: celui-ci m’a d’abord demandé de me confesser. Ce sera le point de
départ de ma conversion: il faut poser les gestes de la foi pour trouver la
foi. Toi aussi, va te mettre à genoux, si tu veux vivre debout. » (1)
(1) Inédit : la dernière lettre de Charles de Foucauld - Spiritualité - Aleteia ...
fr.aleteia.org/2016/12/10/inedit-la-derniere-lettre-de-charles-de-foucauld/
Questions:
As-tu déjà expérimenté des doutes concernant ta foi? Si oui, comment les as-tu vécus ou vaincus?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire