Comment Dieu écrit l’histoire
Martin Steffens
Je suis sur le point de terminer
la lecture du livre de Martin Steffens, intitulé « Rien que l’amour,
repères pour le martyr qui vient ». Monsieur Steffens a écrit de très belles pages sur la façon dont Dieu écrit l’histoire. La tentation qui nous guette
souvent, c’est de penser que la venue de Dieu sur terre en Jésus n’a rien
changé ou n’a presque rien changé. Le monde semble tout aussi méchant qu’il y a
deux mille ans, sinon pire. Mais cela est dû non pas à la naissance de Dieu en ce
monde, mais au fait que les saints ne sont pas assez nombreux sur terre. Dieu
est né en ce monde, mais Il doit naître dans les cœurs pour changer le monde.
Dieu ne sauvera pas le monde sans la coopération de l’être humain. Si la Vierge Marie n’avait
pas dit son « OUI » au plan de Dieu, Jésus n’aurait jamais vu le
jour. Je pense qu’il suffirait d’une poignée de saints et de saintes sur chaque
continent, pour que le monde change radicalement et pour que tous voient de
façon évidente que le règne de Dieu est au milieu de nous. Mais il semble bien
que ce rêve ne se réalisera pas et que d’ici à la fin du monde, la parole de
Jésus s’avérera: « La venue du règne
de Dieu n’est pas observable. On ne dira pas : « Voilà, il est
ici ! » ou bien « Il est là! » En effet, voici que le règne
de Dieu est au milieu de vous. » (Lc 17, 20 et 21)
Un événement récent de notre
histoire peut nous aider à comprendre comment Dieu écrit l’histoire, comment
Dieu opère dans les cœurs. L’élection de M. Donald Trump comme président des
Etats-Unis, a pris tout le monde par surprise. Les sondages n’annonçaient pas
cela du tout. La raison en est que les sondages se basent sur l’extérieur des
choses. Pour qu’un sondage se fasse, les gens doivent répondre à des questions.
Il faut que ce qu’il y a dans le cœur des gens, sorte. Mais ce n’est pas toute
personne qui a dit ce qu’elle pensait et peut-être même que certaines personnes
ont dit le contraire de ce qu’elles pensaient vraiment. Ce qu’il y avait dans
le cœur de millions d’Américains, nul ne le savait, sauf Dieu. Et ce « monde caché » a fait irruption dans
l’histoire. Cet exemple, boiteux il est vrai, montre cependant qu’il existe une
réelle différence entre le monde extérieur et le monde intérieur; entre ce que
l’on entend avec nos oreilles ou ce que l’on voit avec nos yeux, et ce qui se
passe dans les cœurs.
Voici quelques pages écrites par M.
Martin Steffens :
« L’histoire
s’écrit d’une étrange façon, à l’envers : ce qui apparaît d’abord comme
une défaite est en réalité une victoire, et ce qui meurt, vraiment,
franchement, courageusement, porte par-là la vie qui ne meurt pas.
Voyez
en effet: la victoire n’est jamais celle qu’on croit. La Seconde Guerrre mondiale:
sans Edith Stein, sans Maximilien Kolbe, sans Dietrich Bonhoeffer, sans Etty Hillesum,
sans tous ces êtres morts sans témoins, la victoire des alliés n’aurait été
rien d’autre que la victoire de la
Force sur la
Force (le colosse américain, le colosse communiste, contre le
colosse de l’Axe). Preuve en est: les communistes libérateurs tueront dix
fois plus que le nazisme. …
Mais
alors, qu’est-ce qui autorise qu’on parle ici de victoire? Une chose est
requise: que ce soit la main de Dieu qui ait écrit cette histoire.
Or Dieu
écrit l’Histoire par le bas, de façon mystique. C’est Edith, Etty, Dietrich,
Maximilien, ce sont ceux qui n’ont pas su ce qu’ils faisaient de grand ce sont
eux qui nous permettent d’appeler « victoire » la défaite du nazisme,
eux qui ont sauvé le monde européen d’un définitif affaissement. Les gazés, les
pendus, les réduits en cendres et en poussière, mais dont les cendres sont
d’encens la poussière encore une prière. On regarde les étoiles : on
trouve des héros, et cela compte. Mais Dieu est dans l’égout. L’icône de ces
saint est aujourd’hui priée quand les statues des héros prennent la fiente.
Tout
cela, déjà, s’était vu au XIXème siècle: l’Église de France multiplie les
erreurs politiques, assommée qu’elle est par la Révolution – mais à
Lisieux, une petite femme, anonyme, prie, et souffre, et prie. C’est elle l’âme
et l’honneur de son siècle. En province et dans le silence, Dieu prépare la
spiritualité des siècles qui suivront.
Peut-être
même que Dieu n’écrit pas l’Histoire. Comment le ferait-il sans en faire un
destin? S’il l’écrivait, serait-elle encore l’aventure, pleine de bruits et de
fureur, de liberté humaine?
Ce que
Dieu écrit, c’est à l’intérieur de l’Histoire, sa petite histoire, discrète et
la plus grande des deux, cette histoire quasi secrète qui se nomme l’Église.
Depuis
le Christ, quelque chose arrive lentement: c’est, à travers les âges, tous ceux
qui sont témoins du Christ. … C’est, au cœur de l’Histoire, ceux qui
répondent à l’appel et transforment l’Histoire en Église.
Ne nous
empressons donc pas trop de réussir: l’Histoire véritable a commencé par l’échec
de la Croix ,
dont le succès (la
Résurrection ) est un non-événement pour l’historien. (1)
(1) Martin
Steffens, Rien que l’amour, repères pour le martyre qui vient, Éditions Salvator,
Paris, 2015, pp. 75-77.
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