Admirable Paul VI
Le grand pape Paul VI a été
béatifié par le pape François le 19 octobre dernier. Voici les mots que le pape
François a utilisé ce jour-là, pour parler du géant de la chrétienté que fut le
pape Paul VI:
« À l’égard de ce grand Pape, de ce courageux
chrétien, de cet apôtre infatigable, nous ne pouvons dire aujourd’hui devant
Dieu qu’une parole aussi simple que sincère et importante: merci! Merci à
notre cher et bien-aimé Pape Paul VI ! Merci pour ton témoignage humble et
prophétique d’amour du Christ et de son Église !
Dans son journal personnel, le grand timonier du Concile,
au lendemain de la clôture des Assises conciliaires, a noté: « Peut-être n’est-ce pas tant en raison d’une
aptitude quelconque ou afin que je gouverne et que je sauve l’Église de ses
difficultés actuelles, que le Seigneur m’a appelé et me garde à ce service,
mais pour que je souffre pour l’Église, et qu’il soit clair que c’est Lui,
et non un autre, qui la guide et qui la sauve »
(P. Macchi, Paul VI à travers
son enseignement, de Guibert
2005, p. 105). Dans cette
humilité resplendit la grandeur du Bienheureux Paul VI qui, alors que se
profilait une société sécularisée et hostile, a su conduire avec une sagesse
clairvoyante – et parfois dans la solitude – le gouvernail de la barque de
Pierre sans jamais perdre la joie ni la confiance dans le Seigneur.
Paul VI a vraiment su “rendre à Dieu ce qui est à Dieu” en
consacrant sa vie tout entière à « l’engagement sacré, solennel et très grave :
celui de continuer dans le temps et d’étendre sur la terre la mission du Christ
» (Homélie pour le rite du couronnement, Documentation
catholique n. 1404 [1963],
col. 932), en aimant l’Église et en la guidant pour qu’elle soit « en
même temps mère aimante de tous les hommes et dispensatrice du salut » (Lett.
ap. Ecclesiam Suam, Prologue). » (Homélie à la béatification de Paul VI, le 19 octobre 2014)
Personnellement, je considère le pape Paul VI, comme un
martyr. On l’a crucifié et calomnié sur la place publique, tout comme son très
doux Seigneur.
Je vais vous dire en quoi les papes suscitent
particulièrement mon admiration. Les papes que j’ai connus de mon vivant, sont
tellement positifs ! Malgré de grandes
souffrances personnelles, malgré qu’ils soient au courant bien mieux que nous
des maux qui affligent la société et l’Église, ils conservent un regard
admiratif et enchanté sur le monde dans lequel ils vivent. Voilà qui ne cesse
de m’étonner. Mais je connais très bien la cause de ce regard positif qu’ont
les papes. S’ils réussissent à voir le beau dans le monde et dans la création,
c’est parce qu’ils ont développé un esprit de prière et de contemplation, qui
leur fait voir le monde avec les « yeux de Dieu ». C’est la lumière
divine qui les éclaire et qui les guide; et qui leur permet de voir que tout
cela est bon (Gn 1, 10).
Je remercie mon confrère Alain Vaillancourt, omv,
responsable de la Revue Sainte
Rita à Nice, de m’avoir fait connaître le texte de Paul VI dont je citerai quelques
extraits ci-dessous. Je vous invite à aller sur le site web mentionné à la fin
du présent blogue, pour lire en entier cette méditation extraordinaire du pape
Paul VI.
MÉDITATION DE PAUL VI
Dans le numéro daté du 5 août,
"L'Osservatore Romano" quotidien a publié un texte inédit de Paul VI
intitulé "Pensée sur la mort", précédé d'une note introductive de Don
Pasquale Macchi, qui a été le secrétaire particulier du Pape Montini pendant
les quinze ans de son Pontificat.
Voici le document en
traduction:
Tempus resolutionis meae
instat... Voici venu le moment de carguer
les voiles (2 Tm 4, 6).
"Certus quod velox est
depositio tabernaculi mei" Je suis certain que je devrai bientôt
abandonner ma tente (2 P 1, 14). "Finis venit, venit
finis" La fin ! La fin arrive.
Ces considérations évidentes
sur le caractère précaire de la vie temporelle et sur la venue inévitable et
toujours plus proche de sa fin s'imposent. Il ne serait pas sage de s'aveugler
devant ce destin inéluctable devant la ruine désastreuse qu'il entraîne avec
lui, devant la mystérieuse métamorphose qui ne va pas tarder à s'accomplir dans
mon être, devant ce qui se prépare.
L'heure est proche. Depuis
quelque temps j'en ai le pressentiment.
Voici: il me plairait, sur la
fin, d'être dans la lumière. … Quant à
moi, j'aimerais avoir finalement une notion récapitulative et sage du monde et
de la vie: je pense qu'une telle notion devrait s'exprimer en reconnaissance:
tout était don, tout était grâce; et comme il était beau le panorama par lequel
on a passé; trop beau, tellement qu'on s'en est laissé attirer et charmer,
alors qu'il devait paraître comme un signe et une invitation.
Mais de toute façon, il semble
que l'adieu doive être exprimé par un grand et simple acte de reconnaissance,
mieux, de gratitude : malgré ses tourments, ses obscurs mystères, ses
souffrances, ses faiblesses, la vie terrestre est un fait merveilleux, un
prodige toujours original et émouvant un événement digne d'être chanté, un hymne
de joie et de gloire: la vie, la vie de l'homme! N'est pas moins digne
d'exaltation et d'heureux étonnement le cadre qui environne la vie de l'homme :
ce monde immense, mystérieux, magnifique, cet univers aux mille forces, aux
mille lois, aux mille beautés, aux mille profondeurs. C'est un panorama
enchanteur. On dirait de la prodigalité sans mesure. Et ce regard quasi
rétrospectif fait naître le regret de ne pas l'avoir assez admiré ce tableau,
de ne pas avoir admiré, comme elles le méritaient, les merveilles de la nature,
les surprenantes richesses du macrocosme et du microcosme. Pourquoi ne pas
avoir suffisamment étudié exploré, admiré le cadre dans lequel la vie s'est
déroulée? Quelle impardonnable distraction, quelle regrettable superficialité!
On doit toutefois reconnaître, au moins in
extremis, que ce monde "qui per lpsum factum est", qui a été fait
par Lui, est merveilleux. Je te salue et te célèbre au moment ultime, oui, avec
une immense admiration ; et comme je le disais, avec gratitude: tout est don ;
derrière la vie, derrière la nature, l'univers, se trouve la Sagesse ; et puis, je le
dirai dans ce lumineux adieu (Tu nous l'a révélé, ô Christ Seigneur) il y a
l'Amour!
Mais maintenant en ce couchant
révélateur, en plus de celle de la dernière lumière du soir, présage de
l'éternelle aurore, une autre pensée occupe mon esprit: et c'est l'anxiété de
profiter de la onzième heure, la hâte de faire quelque chose d'important avant
qu'il ne soit trop tard. Comment réparer les actions mai faites, comment
récupérer le temps perdu, comment saisir dans cette dernière possibilité de
choisir "l'unum necessarium"?, la seule chose nécessaire?
À la gratitude fait suite le
repentir. Au cri de gloire vers Dieu Créateur et Père succède le cri qui
invoque miséricorde et pardon. Qu'au moins ceci, je sache le faire: invoquer Ta
bonté et confesser avec ma faute Ton infinie capacité de sauver (c’est moi, Guy, qui ai mis ces mots en caractères gras) . "Kyrie
eleison; Christ eleison; Kyrie eleison". "Seigneur, pitié ; Christ, pitié;
Seigneur, pitié".
Maintenant, affleure à la
mémoire la pauvre histoire de ma vie, brochée d'une part de nombreux bienfaits
extraordinaires, découlant d'une ineffable bonté (c'est elle que j'espère voir un
jour et "in eterno cantare"); et d'autre part traversée d'une trame
d'actions malheureuses qu'il vaudrait mieux ne pas se rappeler tant elles sont
défectueuses, imparfaites, erronées, ignorantes et sottes. "Tu scis
insipientiam meam". Dieu, tu connais' ma folie" (Ps 68, 6). Pauvre vie laborieuse,
mesquine, étroite, qui a tant besoin de patience, de réparation, d'infinie
miséricorde. Je considère toujours comme synthèse suprême celle de saint
Augustin: misère et miséricorde. Ma misère, la miséricorde de Dieu. Que je
puisse au moins maintenant honorer celui que Tu es, le Dieu de bonté infinie,
en invoquant, acceptant, célébrant Ta très douce miséricorde.
Et puis, finalement, un geste
de bonne volonté: ne plus regarder en arrière, mais faire volontiers,
simplement humblement, fortement le devoir résultant des circonstances en
lesquelles je me trouve, comme étant Ta volonté.
Faire vite. Faire tout. Faire bien. Faire joyeusement: ce que
maintenant Tu veux de moi, même si cela dépasse de très loin mes forces et me
demande la vie. Finalement, à cette dernière heure.
Je baisse la tête et j'élève
l'esprit. Je m'humilie moi et je t'exalte Toi, ô Dieu, "dont la nature est
bonté" (Saint Léon). Permets-moi, en cette dernière veillée, de te rendre
hommage, à Toi, Dieu vivant et vrai, qui demain seras mon juge, et de te donner
le titre que tu désires le plus, le nom que tu préfères: tu es Père.
"Nihil enim nobis nasci
profuit, misi redimi profuisset". Cela
ne nous aurait, en fait, rien valu de naître, si cela n'avait pas servi à être
sauvés (c’est moi, Guy, qui ai mis
ces mots en caractères gras).
C'est cela la découverte de l'éloge pascal et le critère d'évaluation de toute
chose concernant l'existence humaine et son véritable et unique destin qui ne
saurait être déterminé qu'en se référant au Christ: "o mira circa nos tuae
pietatis dignatio!", ô merveilleuse pitié de ton amour pour nous!
Merveille des merveilles, le mystère de notre vie dans le Christ. Ici la foi,
ici l'espérance, ici l'amour chantent la naissance et célèbrent les funérailles
de l'homme. Je crois, j'espére, j'aime, en Ton nom, ô Seigneur.
Et puis, je me demande encore:
pourquoi m'as tu appelé, moi, pourquoi m'as tu choisi? Si inepte, si
réfractaire, si pauvre d'esprit et de cœur? Je le sais: "quae stulta sunt
mundi eligit Deus... ut non glorietur omnis caro in conspectu ejus". Dieu
a Choisi ce qu'il y a de faible dans le monde... afin qu'aucune chair n'aille
se glorifier devant lui" (1 Co 1, 27-28).
Mon élection indique deux
choses: ma petitesse; Ta liberté, miséricordieuse et puissante. Et celle-ci ne
s'est pas arrêtée, même devant mes infidélités, devant ma misère, devant ma
capacité de Te trahir: "Deus meus, Deus meus, audebo dicere... in quodam
aestasis tripudio de Te praesumendo dicam : nisi quia Deus es, injustus esser,
quia peccavimus graviter... et Tu placatus es. Nos Te provocamus ad iram. Tu
autem conducis nos ad misericordiam !" Mon Dieu, mon Dieu, j'oserai
dire... dans une allégresse extatique je dirai de Toi avec présomption: si tu n'étais
pas Dieu, tu serais injuste, parce que nous avons péché gravement... et Tu
t'apaises. Nous te poussons à la colère, et Toi, par contre, tu nous conduis à
la miséricorde ! (PL 40, 1150).
C'est pourquoi je prie le
Seigneur qu'il "m'accorde la grâce de faire de ma mort prochaine un don
d'amour à l'Église. Je peux dire que je l'ai toujours aimée ; "ce fut cet
amour pour elle qui m'arracha à mon étroit et sauvage égoïsme et me conduisit à
son service; c'est pour elle, et pour nul autre qu'il me semble avoir vécu.
Mais je voudrais que l'Église le sache; et que j'aie la force de le lui dire,
comme une confidence du cœur qu'on n'a le courage de faire qu'aux derniers
moments de la vie. Je voudrais, enfin, la comprendre tout entière, dans son
histoire, dans son dessein divin, dans son destin final, dans sa composition
complexe, totale et unitaire, dans sa consistance humaine et imparfaite, dans
ses malheurs et ses souffrances, dans les faiblesses et les misères d'un si
grand nombre de ses fils, dans ses aspects moins sympathiques et dans son
effort permanent de fidélité, d'amour, de perfection et de charité.
Corps mystique du Christ. Je
voudrais l'embrasser, la saluer, l'aimer en chaque être qui la compose, en
chaque évêque et prêtre qui l'assiste et la guide, dans toute âme qui la vit et
la glorifie; la bénir. Mais aussi parce que je ne la quitte pas, que je n'en
sors pas, mais que je m'unis et me confonds plus et mieux avec elle : la mort
est un progrès dans la communion des Saints.
Hommes, comprenez-moi; je vous
aime tous dans l'effusion de l'Esprit-Saint auquel moi, ministre, je devais
vous faire participer. C'est ainsi que je vous considère, c'est ainsi que je
vous salue, ainsi que je vous bénis Tous. Et vous qui m'êtes plus proches, plus
cordialement. La paix soit avec vous! Et à l'Église, à laquelle je dois tout et
qui fut mienne, que dirai-je? Que les bénédictions de Dieu soient sur toi; aie
conscience de ta nature et de ta mission ; aie le sens des véritables et
profonds besoins de l'humanité; et marche, pauvre, c'est-à-dire libre, forte et
amoureuse vers le
Christ.
.
Amen. Le Seigneur vient. Amen.
(Tiré du site internet suivant:
Méditations de Paul VI - Pensée sur la mort
https://w2.vatican.va/.../paul-vi/.../hf_p-vi_spe_19780806_meditazione-..)
Une amie nommée Marie-France,
a envoyé ces lignes écrites par Paul VI, à sa sœur Margo. Voici ce que Margo
lui a répondu :
Chère Marie-France,
Je suis bouleversée par
ce que je viens de lire.
C’est tellement beau,
ça donne le goût de devenir meilleure.
Il y a tellement
de bonté exprimée dans ces paroles qu’on peut presque entrevoir Jésus.
Je t’en
reparlerai. Pour le moment MERCI ET BONNE NUIT.
Margo
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