lundi 28 juin 2021

La prière selon Georges Bernanos

 La prière selon Georges Bernanos

Oh que j'aime Georges Bernanos !!! Je n'avais jusqu'à maintenant lu aucun de ses livres. Comme c'est malheureux ! Depuis de nombreuses semaines, je lis au déjeuner, quand je suis seul à table, son chef-doeuvre intitulé: "Journal d'un curé de campagne". Ce livre est tout simplement magnifique. Mais comme je l'ai déjà écrit, je ne comprends pas qu'on fasse lire ce roman à des jeunes du secondaire (le lycée, en France). Il faut avoir vécu pour goûter ce livre et il y a des pages que moi-même, à 69 ans, je ne comprends pas. Il y a sûrement une raison culturelle à cela, mais quand même ...

Georges Bernanos connaissait sûrement l'expression malheureuse de Karl Marx qui disait que "la religion est l'opium du peuple". Autrement dit, selon Marx et bien des personnes de nos jours, la religion sert à certaines personnes plus faibles intellectuellement et psychologiquement, à surmonter les difficultés de la vie. La religion sert donc, selon Marx, de béquille. Ce que Marx dit de la religion, il le dirait évidemment aussi de la prière. Or voici, ci-dessous, comment Bernanos parle de la prière. 

Une prémisse est peut-être importante ici avant d'aborder le texte de Bernanos. Il est clair à mon esprit que les propos de certains personnages de roman reflètent la pensée personnelle de l'auteur. J'ai longtemps presque méprisé les romans à cause de leur caractère fictif. Mais grâce à Maurice Zundel qui pouvait résumer en deux pages un roman lors des retraites qu'il prêchait, j'ai compris l'immense valeur que peuvent avoir les romans et spécialement les romans écrits par des chrétiens. 

Voici donc, des lignes merveilleuses de Bernanos sur la prière : 

"   Nous nous faisons généralement de la prière une si absurde idée ! Comment ceux qui ne la connaissent guère - peu ou pas - osent-ils en parler avec tant de légèreté ? Un trappiste, un chartreux, travaillera des années pour devenir un homme de prière, et le premier étourdi venu prétendra juger de l'effort de toute une vie ! Si la prière était réellement ce qu'ils pensent, une sorte de bavardage, le dialogue d'un maniaque avec son ombre, ou moins encore - une vaine et superstitieuse requête en vue d'obtenir les biens de ce monde, - serait-il croyable que des milliers d'êtres y trouvassent jusqu'au dernier jour, je ne dis pas même tant de douceurs - ils se méfient des consolations sensibles - mais une dure, forte et plénière joie! Oh ! sans doute, les savants parlent de suggestion. C'est qu'ils n'ont sûrement jamais vu de ces vieux moines, si réfléchis, si sages, au jugement inflexible, et pourtant tout rayonnants d'entendement et de compassion, d'une humanité si tendre. Par quel miracle ces demi-fous, prisonniers d'un rêve, ces dormeurs éveillés semblent-ils entrer plus avant chaque jour dans l'intelligence des misères d'autrui ? Étrange rêve, singulier opium qui, loin de replier l'individu sur lui-même, de l'isoler de ses semblables, le fait solidaire de tous, dans l'esprit de l'universelle charité !  

   J'ose à peine risquer cette comparaison, je prie qu'on l'excuse, mais peut-être satisfera-t-elle un grand nombre de gens dont on ne peut attendre aucune réflexion personnelle s'ils n'y sont d'abord encouragés par quelque image inattendue qui les déconcerte. Pour avoir quelque fois frappé au hasard, du bout des doigts, les touches d'un piano, un homme sensé se croirait-il autorisé à juger de haut la musique ? Et si telle symphonie de Beethoven, telle fugue de Bach le laisse froid, s'il doit se contenter d'observer sur le visage d'autrui le reflet des hautes délices inaccessibles, n'en accusera-t-il pas que lui-même ?   

   Hélas ! on en croira sur parole des psychiatres, et l'unanime témoignage des Saints, sera tenu pour peu ou rien. Ils auront beau soutenir que cette sorte d'approfondissement intérieur ne ressemble à aucun autre, qu'au lieu de nous découvrir à mesure notre propre complexité, il aboutit à une soudaine et totale illumination, qu'il débouche dans l'azur, on se contentera de hausser les épaules. Quel homme de prière a-t-il pourtant jamais avoué que la prière l'ait déçu ? (1)  

Et voici, en terminant, le témoignage d'un véritable homme de prière: Jean-Marie Vianney, le saint curé d'Ars : 

CATÉCHISME DE S. JEAN-MARIE VIANNEY SUR LA PRIÈRE


Voyez, mes enfants : le trésor d'un chrétien n'est pas sur la terre, il est dans le ciel. Eh bien ! notre pensée doit aller où est notre trésor.

L'homme a une belle fonction, celle de prier et d'aimer. Vous priez, vous aimez : voilà le bonheur de l'homme sur la terre !

La prière n'est autre chose qu'une union avec Dieu. Quand on a le cœur pur et uni à Dieu, on sent en soi un baume, une douceur qui enivre, une lumière qui éblouit. Dans cette union intime, Dieu et l'âme sont comme deux morceaux de cire fondus ensemble ; on ne peut plus les séparer. C'est une chose bien belle que cette union de Dieu avec sa petite créature. C'est un bonheur qu'on ne peut comprendre.

Nous avions mérité de ne pas prier ; mais Dieu, dans sa bonté, nous a permis de lui parler. Notre prière est un encens qu'il reçoit avec un extrême plaisir.

Mes enfants, vous avez un petit cœur, mais la prière l'élargit et le rend capable d'aimer Dieu. La prière est un avant-goût du ciel, un écoulement du paradis. Elle ne nous laisse jamais sans douceur. C'est un miel qui descend dans l'âme et adoucit tout. Les peines se fondent devant une prière bien faite, comme la neige devant le soleil.

La prière fait passer le temps avec une grande rapidité, et si agréablement, qu'on ne s'aperçoit pas de sa durée. Tenez, quand je courais la Bresse, dans le temps que les pauvres curés étaient presque tous malades, je priais le bon Dieu le long du chemin. Je vous assure que le temps ne me durait pas.

On en voit qui se perdent dans la prière comme le poisson dans l'eau, parce qu'ils sont tout au bon Dieu. Dans leur cœur, il n'y a pas d'entre-deux. Oh ! que j'aime ces âmes généreuses ! Saint François d'Assise et sainte Colette voyaient notre Seigneur et lui parlaient comme nous nous parlions. Tandis que nous, que de fois nous venons à l'église sans savoir ce que nous venons faire et ce que nous voulons demander ! Et pourtant, quand on va chez quelqu'un, on sait bien pourquoi on y va. Il y en a qui ont l'air de dire au bon Dieu « Je m'en vais vous dire deux mots pour me débarrasser de vous... » Je pense souvent que, lorsque nous venons adorer notre Seigneur, nous obtiendrions tout ce que nous voudrions, si nous le lui demandions avec une foi bien vive et un cœur bien pur.

RÉPONS

R/ Seigneur Jésus, enseigne-nous à prier.

Pleine de force,
la supplication fervente du juste.

Tout ce que vous demanderez en mon nom,
mon Père vous l'accordera.

Demandez et vous recevrez :
parfaite sera votre joie.


(1) Georges Bernanos, Journal d'un curé de campagne, Librairie Plon, 1974, pp. 143-144.  

(2)  

(3) Voir aussi : 
12 août 2020 — Je suis présentement en vacances dans notre chalet familial situé à 52 kilomètres au nord de la ville de Québec. Le chalet, héritage de nos ... 

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