jeudi 28 janvier 2016

Le Dieu des sorties

Le Dieu des sorties
Vous savez comme moi que Dieu est un mystère. Tout un mystère! J'ai souvent le vertige en pensant à Dieu; en pensant au fait que Dieu n’a jamais eu de commencement, qu’il connaît toutes les pensées de chaque personne vivant sur cette planète, etc. Quand je pense à ces vérités pendant plus de trente secondes, le vertige s’empare de moi. Et d’autres personnes m’ont dit qu’elles expérimentent la même chose. 

Ces jours-ci, j’ai entendu un jeune humoriste québécois à la télé. Il disait qu’il est athée, mais que deux ou trois fois durant l’année, il se pose la question de l’existence de Dieu. Et il a un peu ri du fait que Dieu soit censé connaître toutes nos pensées. Je comprends très bien que l’on puisse avoir le réflexe de rire de certains attributs ou capacités de Dieu, car Dieu est le Tout-Autre. Or dans l’humour, ce qui fait rire, c’est justement l’incongruité, le bizarre, l’anormal. Si j’étais athée, je rirais probablement de cela moi aussi. Mais je suis croyant; grâce à Dieu!

Je suis prêtre depuis trente-trois ans. Je suis chrétien depuis soixante-quatre ans. Or il y a une facette de Dieu que je commence seulement à découvrir. C’est incroyable, n’est-ce pas? Depuis quelque temps, je me rends compte que notre Dieu est le Dieu des sorties. Dieu ne reste jamais seul, Dieu va toujours au devant de l’autre. Déjà dans la Trinité, le Père n’existe que pour le Fils, le Fils n’existe que pour le Père, et cette existence pour l’autre est si forte et si consistante qu’elle donne naissance, pour ainsi dire, à Quelqu’un d’autre: le Saint-Esprit.

Dieu est sorti de sa béatitude éternelle pour vivre parmi nous. Dieu est devenu Emmanuel, Dieu avec nous. Si telle est l’essence de Dieu, de « sortir de soi » en quelque sorte, telle doit aussi être l’essence du chrétien. Le chrétien doit être un être de « sortie ». C’est ce que le pape François ne cesse de chanter sur tous les tons.

C’est le livre du cardinal Walter Kasper sur la Miséricorde (1) qui m’a fait réfléchir à tout ceci. Quand Dieu appelle Abraham, le père des croyants, il lui demande de sortir de son pays, pour aller vers un pays qui lui sera indiqué. Quand Dieu se révèle à Moïse, il lui demande de faire sortir son peuple de l’Égypte. On peut ajouter d’autres exemples à ceux donnés par le cardinal Kasper, mais le plus bel exemple, est celui de Jésus lui-même. Dimanche dernier, à la messe, nous écoutions l’évangile tiré de saint Luc où Jésus disait quelle était sa mission (le mot « mission » vient de « missus » qui veut dire « envoyé »). Jésus, dans la synagogue de Capharnaüm, fait la lecture le jour du sabbat. On lui donne le rouleau du prophète Isaïe. Jésus cherche et trouve le passage qu’il veut que les gens entendent:  

« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » (Lc 4, 18-19)

Le soir du Jeudi Saint, alors que Jésus prend son dernier repas avec ses apôtres, il leur donne ses dernières consignes. Il s’agit, pratiquement, de son testament spirituel. Il leur dit:  

«  Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. » (Jn 15, 16)

Et les dernières paroles que Jésus a prononcé sur cette terre, avant de monter au ciel, sont: «  Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » (Mt 28, 19)

À la messe dominicale, dimanche dernier, j’ai avoué bien humblement que nous (moi y compris et même moi avant tout) ne sommes pas habitués à entendre ce genre de choses. Ou, si nous avons entendu ces paroles, nous n’en avons jamais mesuré la portée ou l’importance. Depuis des décennies, les catholiques au Québec, pour la plupart, vivent en vase clos, repliés sur eux-mêmes. S'ils viennent rencontrer le Seigneur et leurs frères et sœurs le dimanche, c’est surtout pour répondre à des besoins personnels. La majorité des personnes prient à la messe dominicale, pour les membres de leurs familles, ce qui est très bien. Pour ma part, je considère de telles prières faites pour la famille immédiate, comme étant des "intentions personnelles". Peu nombreux sont les gens qui ont à l’esprit, durant la messe dominicale, les gens qui se sont éloignés de Dieu, qui ne connaissent pas Dieu. Pour les catholiques au Québec, cela ne semble pas être une question de première importance. Or c’est la question la plus importante qui soit. Ce qui préoccupe Jésus, ce ne sont pas tant les gens qui le connaissent et qui cherchent à l’aimer. Ceux que Jésus a d’abord à l’esprit, ce sont ceux qui ne croient pas en Lui. Tant de passages des évangiles nous prouvent cela. Et le sommet de cette attitude de Jésus, nous le voyons quand Jésus est en croix. Sur la croix, ses premières paroles ne sont pas adressées à sa Mère et aux disciples qui sont tout près de Lui au pied de la croix; ses premières paroles sont pour les gens qui sont éloignés de Dieu: ceux qui l'ont mis en croix et un des deux malfaiteurs qui est en train de mourir à ses côtés. Voir: 
Dieu ma joie: Les sept paroles de Jésus en croix
Jésus s’est décrit comme étant le Bon Pasteur qui est prêt à laisser ses 99 brebis sans surveillance, pour aller à la recherche de la brebis perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée. Quel enseignement pratique, concernant les « gens du dehors », les gens qui se sont éloignés de Dieu ou de la  « pratique religieuse » !!!!  C'est ce qu'a très bien compris Don Pigi, le grand pionnier et le grand promoteur des Cellules Paroissiales d'Évangélisation. Il a très bien compris que l'Église se développera dans la mesure où le focus sera mis sur les gens qui ne viennent plus à l'Église, sur les gens qui semblent avoir oublié Dieu ou l'ont bel et bien mis de côté. Grâce aux «cellules», une communauté chrétienne peut avoir un excellent moyen de rejoindre les «distants». Chaque membre d'une cellule peut proposer aux gens qu'il rencontre dans son quotidien, de venir vivre une ou deux expériences de cellule. Il est très fréquent qu'une personne qui s'est éloignée de la foi et qui vient à une soirée « cellulaire », continue à venir aux rencontres de la cellule et se rapproche de Dieu et de l'Église. C'est ce qui nous a incités, en tant que communauté chrétienne, à implanter les CPÉ (Cellules Paroissiales d'Évangélisation) en notre paroisse. Depuis six mois environ, j'ai plusieurs fois parlé des CPÉ sur mon blogue. Pour avoir accès à ces blogues, vous n'avez qu'à aller sur Google et écrire: Dieu ma joie cellules paroissiales d'évangélisation

Il nous faut résolument nous convertir, changer notre façon de voir et notre façon d’opérer. Seul l’Esprit Saint pourra opérer ces changements en nous. Je prie donc le Saint-Esprit pour moi et pour tous les baptisés. Que l’Esprit Saint nous accorde un cœur missionnaire, une pensée missionnaire, un élan missionnaire.

En terminant, je désire vous partager une belle façon et une façon simple de décrire ce qu’est l’évangélisation. La citation que vous allez lire à l’instant, est tirée du bulletin de l’Aide à l’Église en Détresse du mois de janvier 2016. Dans un article sur les Franciscains de l’Emmanuel qui vivent au Cameroun, le Frère Denis-Antoine, québécois d’origine, s’est servi des paroles de saint François d’Assise pour décrire ce qu’est l’évangélisation:  

« Apporter la Bonne Nouvelle à quelqu’un, c’est lui dire: toi aussi, tu es aimé de Dieu. Et non seulement le dire, mais aussi le penser vraiment. Et non seulement le penser, mais aussi se comporter à l’égard de ce prochain de manière à ce qu’il découvre qu’il y a en lui-même quelque chose de grand: lui aussi est racheté » (2) (Bulletin de l’Aide à l’Église en Détresse, no. 1, janvier 2016)

Post scriptum: Une de mes bonnes amies CND (religieuse de la Congrégation de Notre-Dame), ayant lu le présent blogue, m’a confié ceci:

Merci. Je lis cela assez tôt ce matin.  Oui j'aime le Dieu des sorties.  Je vous raconte un petit fait vécu mercredi:

J'étais à l'hôpital pour une visite chez un spécialiste.  Le concierge d''ici était le chauffeur et il m'attendait dans la voiture quelque part autour de l'hôpital. Nous avions une entente disant que quand j'aurais terminé je lui téléphonerais sur son cellulaire.
Comme j'avais oublié d'apporter le cellulaire d'ici,  j'ai pris le téléphone public à la réception, mais il ne fonctionnait pas.
Quoi faire??  Je suis remontée au 1er et au poste, il y avait une secrétaire.  Je lui ai demandé si elle pouvait me rendre un grand service en signalant le numéro et en disant à Sylvain que j'avais terminé.  " Avec plaisir"  Mais comme le numéro de notre concierge est dans le 450, c'était un interurbain; mais la dame m'a dit que c'était correct.

Une fois le message terminé, je lui ai offert de payer quelque chose et non c'était réglé. Alors, sans aucune gêne je lui ai dit: " Jadis on disait: je vais prier pour vous. Aujourd'hui je vous le dis encore et surtout je le ferai. Je vois que votre nom est Diane; vous saurez que je prie pour vous.

Vous auriez dû voir le visage de cette dame. Elle m'a dit: " Jamais personne ne m'a dit cela dans ma vie. Ça vaut plus que 2 dollars "  Et j'ai insisté pou lui dire que je prierais pour elle.  Rien ne pouvait lui dire que j'étais une soeur,  une bonne soeur comme disent les gens, mais j'ai vu que cette petite "sortie" de moi-même pourrait aider cette personne. C'est pourquoi le Dieu des sorties me parle. 

Bonne journée

I _ _ P_ _ ,  cnd 


(1) Voir le blogue suivant: 

Dieu ma joie: Walter Kasper et son livre sur la Miséricorde

dieumajoie.blogspot.com/2016/01/walter-kasper-et-son-livre-sur-la.html

(2)  

Qu'est-ce qu'évangéliser ?

Un très beau texte d'Éloi Leclerc nous aide à répondre à cette question
Éloi Leclerc est un franciscain.
Dans son livre "sagesse d'un pauvre", il met dans la bouche de  François d'Assise la réponse à cette question :

« As-tu déjà réfléchi à ce que c’est qu’évangéliser un homme? Évangéliser un homme, vois-tu, c’est lui dire: Toi aussi, tu es aimé de Dieu dans le Seigneur Jésus. Et pas seulement le lui dire, mais le penser réellement. Et pas seulement le penser, mais se comporter avec cet homme de telle manière qu’il sente et découvre qu’il y a en lui quelque chose de plus grand et de plus noble que ce qu’il pensait, et qu’il s’éveille ainsi à une nouvelle conscience de soi. C’est cela, lui annoncer la Bonne Nouvelle. Tu ne peux le faire qu’en lui offrant ton amitié. Une amitié réelle, sans condescendance, faite de confiance et d’estime profonde.

Il nous faut aller vers les hommes. La tâche est délicate. Le monde des hommes est un immense champ de lutte pour la richesse et la puissance. Et trop de souffrances et d’atrocités leur cachent le visage de Dieu. Il ne faut surtout pas qu’en allant vers eux nous leur apparaissions comme une nouvelle espèce de compétiteurs. Nous devons être au milieu d’eux des témoins pacifiés du Tout-Puissant, des hommes sans convoitise et sans mépris, capable de devenir réellement leurs amis. C’est notre amitié qu’ils attendent, une amitié qui leur fasse sentir qu’ils sont aimés de Dieu et sauvés en Jésus Christ. »

cf. Eloi Leclerc dans Sagesse d'un pauvre. (Desclée de Brouwer, réédité en  2011. 1ère éd. 1959 aux Editions franciscaines)
Texte publié avec l'aimable autorisation des Editions Desclée de Brouwer, Groupe Artège)







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