Hesed et Rahamim
Je ne sais pas si vous êtes comme
moi, mais personnellement, j’aime beaucoup me voir changer d’idée sur des
points regardant la théologie et la spiritualité. Il existe des points en
théologie dogmatique ou morale, sur lesquels j’espère ne jamais changer d’idée,
car ce sont des questions que l’Église catholique considère comme étant
définitivement résolues. Sur ces questions, nulle discussion n’est possible.
Mais de multiples points en théologie sont laissés à notre libre
interprétation. C’est sur de tels points que j’aime me voir changer d’idée. Ne
dit-on pas que seuls les fous ne changent pas d’idée. Voici une petite histoire
savoureuse:
Une dame confie à son amie:
« De toutes les personnes que je
connaisse, c’est ma couturière qui est la plus intelligente ». « Comment cela? » lui demande
son amie. La dame répond: « Parce
qu’à chaque fois qu’elle me voit, elle mesure mon tour de taille. Elle suppose
donc que je puisse avoir changé ».
En ce Jubilé de la Miséricorde , il est
bon de nous rafraîchir la mémoire sur la conception biblique de la Miséricorde. En
hébreu, dans l’Ancien Testament, deux mots sont employés pour parler de la Miséricorde. Il
s’agit des mots « hesed » et « rahamim ».
Je me souviens que lorsque j’ai
lu l’encyclique de Jean-Paul II sur la Miséricorde ,
c’est le mot « rahamim »
qui m’avait le plus touché (1). « Rahamim »
fait allusion aux entrailles maternelles. Dieu nous aime comme une Mère, avec
les mêmes sentiments qu’une mère éprouve pour son enfant. Quand Jésus s’émeut
devant la souffrance humaine, quand l’évangile nous dit qu’il « a pitié » des gens ou de la foule,
le mot employé en grec, signifie qu’il est tout remué au dedans, que ses
entrailles de mère son touchées; c’est pourquoi il exerce alors sa puissance
divine:
« Le mot hébreux rahamim est un pluriel qui signifie
« entrailles ». Les hébreux considéraient que les entrailles, en tant
que siège de tous les sentiments, pouvaient s'émouvoir sous le coup de la
douleur ou d'une peine. C'est peut-être en ressentant des « papillons dans
le ventre », comme on dit, qu'ils en étaient arrivés à considérer la
miséricorde, comme un sentiment qui a son origine au sein même de la personne.
La miséricorde apparaît alors comme l'attachement d'un être à un autre. Mais le
terme rahamim désigne surtout l'attachement qui unit Dieu à l'être humain,
comme si les « entrailles de Dieu » frémissaient en pensant à
l'homme. Ainsi Dieu s'émeut avec tendresse comme un père ou une mère à l'égard
de leurs enfants. »
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Mais en ce moment, c’est le sens du mot « hesed »
qui m’émeut le plus:
« Le terme le plus important pour comprendre la
miséricorde est hesed, qui signifie à
la fois « faveur imméritée, amabilité, bienveillance », et
« grâce de Dieu et miséricorde ». Il ne désigne donc pas une simple
émotion – la douleur devant la misère humaine – mais plutôt la sollicitude tout
à fait gratuite de Dieu envers l’homme. Il sert à exprimer une relation qui se
développe dans le temps et ne s’établit pas seulement sur des actions
ponctuelles. Appliqué à Dieu, le mot désigne un cadeau de Sa grâce, inattendu,
immérité, indépendant de la fidélité de l’homme, dépassant tous ses espoirs et
faisant voler en éclat toutes ses catégories. Car le fait que ce Dieu saint et
tout-puissant se penche sur les détresses des hommes dont ils sont souvent
seuls responsables, qu’Il voie la misère du pauvre et du malheureux, qu’Il
entende sa plainte, qu’Il s’abaisse et descende jusqu’à lui pour le rejoindre
dans sa détresse, qu’Il s’en occupe inlassablement malgré son infidélité et lui
pardonne – bien qu’il ait mérité une juste punition – et qu’Il lui donne une
nouvelle chance, tout cela dépasse l’entendement humain. Le message de la hesed divine lève un peu le voile sur ce
secret de Dieu qui, généralement, reste un mystère pour la pensée humaine, mais
que nous pouvons approcher par la Révélation. » (Cardinal Walter Kasper, La
Miséricorde Notion fondamentale de l’Évangile Clé de la vie
chrétienne, Éditions des Béatitudes, 2015, p. 51)
C’est donc l’hesed qui fait que dans la parabole de Jésus sur les ouvriers de la dernière heure, le maître de la vigne donne autant à ceux qui n’ont travaillé qu’une heure, qu’à ceux qui ont peiné toute la journée. C’est l’hesed qui fait qu’en un instant, le bon larron s’est retrouvé au Paradis. Vive l’hesed! Grâce à l’hesed, on comprend que la justice de Dieu est exercée dansla Miséricorde.
Dieu soit loué!
C’est donc l’hesed qui fait que dans la parabole de Jésus sur les ouvriers de la dernière heure, le maître de la vigne donne autant à ceux qui n’ont travaillé qu’une heure, qu’à ceux qui ont peiné toute la journée. C’est l’hesed qui fait qu’en un instant, le bon larron s’est retrouvé au Paradis. Vive l’hesed! Grâce à l’hesed, on comprend que la justice de Dieu est exercée dans
(1) Dans l'édition de cette encyclique publiée chez Fides, au numéro 4, il y a une très longue note en bas de page, qui explique la signification de hesed et rahamim. Malheureusement, cette longue note ne figure pas dans toutes les éditions de l'encyclique. Si les notes de l'encyclique sont reproduites à la fin de l'encyclique, cette longue note se trouve au no. 52)
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Miséricorde - InterBible
www.interbible.org/interBible/ecritures/mots/2002/mots_020222.htm
Bonjour
RépondreSupprimerQu'est-ce qui vous aurait donc fait changer d'idée sur la théologie et la spiritualité, par ce texte intéressant sur deux mots qui m'étaient évidemment inconnus.
Chère Colette,
RépondreSupprimerPar cette longue et compliquée introduction, je voulais simplement dire que j'ai changé d'idée sur le point suivant: auparavant, c'était la Miséricorde en tant que "rahamim" qui m'impressionnait le plus; or maintenant c'est la miséricorde en tant qu'hesed, qui me touche le plus.
Merci bien.
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