L’Année
Sainte est commencée
La présidente centrafricaine Catherine Samba-Panza et le pape François à Bangui le 29 novembre 2015. [AFP / Giuseppe Cacace].
Le saviez-vous? L’Année Sainte de la Miséricorde Divine ,
est commencée. Elle n’est pas commencée pour les personnes vivant sur quatre
des continents de la planète. Mais elle est commencée en Afrique. Elle a
commencé hier dans le Centreafrique,
en la dernière journée du voyage apostolique du pape François, lors de l'étape la plus périlleuse du voyage.
Voici quelques unes des paroles
prononcées par madame Catherine Samba-Panza, présidente de transition de la République
centrafricaine, pour saluer le pape François. S’adressant à toutes les
personnes présentes et à son peuple, elle dit:
« Au regard des incertitudes qui ont, un temps,
entouré la visite du pape en terre centrafricaine, sa présence effective parmi
nous aujourd’hui est vécue comme une bénédiction du ciel. Cette présence
effective du pape François à Bangui est également perçue comme une victoire.
Une victoire de la foi sur la peur, sur l’incrédulité et une victoire de la
compassion et de la solidarité de l’église universelle. Nous nous en
réjouissons tous et gloire soit rendue à Dieu pour cela.
C’est pourquoi, ces 29 et 30 novembre 2015 sont des
jours à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de notre pays. Car en ces
jours historiques, nous sommes le cœur de l’Afrique, la fierté d’une
région.
Remplie de joie et d’allégresse, je souhaite très
solennellement la bienvenue au pape François, ainsi qu’a toute sa
délégation. »
S’adressant au pape, elle
dit:
Très Saint-Père,
Le contexte politique du moment, les menaces sécuritaires
réelles ou amplifiées qui ont émaillé les préparatifs de votre visite, la
résurgence ces derniers jours des mouvements extrémistes et du terrorisme avec
une violence omniprésente, auraient pu vous décourager à prendre le risque de
faire le déplacement de Bangui. Il n’en est rien. La leçon de courage et de
détermination est ici exemplaire et devrait nous enseigner. Vous avez toujours
manifesté votre solidarité aux victimes de la crise centrafricaine, en
encourageant les hommes et les femmes de Centrafrique, toutes obédiences
religieuses confondues, à rester mobilisés pour reconstruire la cohésion
nationale. Aujourd’hui, Vous leur confirmez une fois de plus et aux yeux du
monde entier que Vous êtes à leurs côtés dans la fraternité et l’amitié universelles
entre les hommes. Vous avez surtout démontré une fois de plus que vous êtes le
pape des pauvres, des meurtris et de tous ceux qui sont dans la détresse.
Vous avez en effet choisi de visiter un pays détruit dans
ses fondements par plusieurs décennies de crises à répétition, un pays qui vit
des drames au quotidien. Vous avez décidé de venir témoigner votre compassion
et votre solidarité à un peuple tenaillé par la haine et l’esprit de vengeance,
déchiré par des conflits interminables mais qui, malgré tout, n’a pas
totalement perdu sa foi et est toujours debout par la force de l’espoir.
Au nom de cette foi, je veux commencer par implorer, à
travers vous, la miséricorde de Dieu tout puissant au seuil de cette visite que
tous les Centrafricains sans distinction attendaient dans la ferveur et
l’espérance. Votre présence nous apporte la lumière de la visitation divine qui
vient illuminer et transfigurer nos cœurs dans la repentance.
Des Centrafricains ont infligé des souffrances
inqualifiables à d’autres Centrafricains.
C’est pour cela qu’il revient aux filles et aux fils de
ce pays de reconnaître leurs fautes et demander pardon, un pardon sincère que
votre bénédiction transformera en un nouveau levain pour la reconstruction du
pays.
Au nom de toute la classe dirigeante de ce pays mais
aussi au nom de tous ceux qui ont contribué de quelque manière que ce soit à sa
descente aux enfers, je confesse tout le mal qui a été fait ici au cours de
l’histoire et demande pardon du fond de mon cœur.
Nous avons absolument besoin de ce pardon à l’occasion de
votre visite simplement parce que les dernières évolutions de la crise dans
notre pays sont apparues comme des abominations commises au nom de la religion
par des gens qui se disent des croyants. Or, comment être croyants et détruire
des lieux de culte, tuer son prochain, violer, détruire des biens d’autrui et
procéder à des violences de toutes sortes ?
Nous avons absolument besoin de ce pardon parce que nos
cœurs sont endurcis par les forces du Mal. L’amour sincère du prochain nous a
quittés et nous sommes désormais ancrés dans l’intolérance, la perte des
valeurs et le désordre qui en résulte.
Nous avons besoin de ce pardon pour reprendre le chemin
d’une nouvelle spiritualité plus vivante, accueillante et concrète parce que
fondée sur l’amour vrai qui contribue à la réalisation et à l’affirmation de
notre humanité. »
Et voici quelques extraits de la réponse du Saint-Père:
OUVERTURE DE LA PORTE SAINTE DE LA CATHÉDRALE DE BANGUI
Cathédrale de Bangui
(République centrafricaine)
1er dimanche de l’Avent 29 novembre 2015
1er dimanche de l’Avent 29 novembre 2015
Paroles
prononcées avant l’ouverture de la Porte Sainte
(Italien) Aujourd’hui Bangui devient la capitale
spirituelle du monde. L’Année Sainte de la Miséricorde commence en avance sur cette
terre.
(Espagnol) Une terre qui souffre depuis plusieurs années de
la guerre et de la haine, de l’incompréhension, du manque de paix. Mais sur
cette terre souffrante, il y a aussi tous les pays qui passent par la croix de
la guerre. (Italien) Bangui devient la capitale spirituelle de la prière par la
miséricorde du Père. Tous, demandons la paix, la miséricorde, la
réconciliation, le pardon, l’amour. Pour Bangui, pour toute la République de
Centrafrique, pour le monde entier, pour les pays qui souffrent de la guerre,
demandons la paix !
Et tous ensemble, demandons l’amour et la paix. Tous
ensemble ! (En Sango) Doyé
Siriri ! [tous répètent : Doyé Siriri !]
Et maintenant, avec cette prière nous commençons l’Année
Sainte: ici, dans cette capitale spirituelle du monde, aujourd’hui !
HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE
En ce premier dimanche de l’Avent, temps liturgique de
l’attente du Sauveur et symbole de l’espérance chrétienne, Dieu a conduit mes
pas, jusqu’à vous, sur cette terre, alors que l’Église universelle s’apprête à
inaugurer l’Année Jubilaire de la Miséricorde , que nous aujourd’hui, ici, avons
commencée. Et je suis particulièrement heureux que ma visite pastorale coïncide
avec l’ouverture dans votre pays de cette Année Jubilaire. Depuis cette
cathédrale, par le cœur et la pensée, je voudrais rejoindre avec affection tous
les prêtres, les personnes consacrées, les agents pastoraux de ce pays,
spirituellement unis à nous en ce moment. A travers vous, j’aimerais saluer
aussi tous les Centrafricains, les malades, les personnes âgées, les blessés de
la vie. Certains d’entre eux sont peut-être désespérés et n’ont même plus la
force d’agir, attendant simplement une aumône, l’aumône du pain, l’aumône de la
justice, l’aumône d’un geste d’attention et de bonté. Et tous, nous attendons
la grâce, l’aumône de la paix.
Mais comme les apôtres Pierre et Jean montant au temple,
qui n’avaient ni or ni argent à donner au paralytique dans le besoin, je viens
leur offrir la force et la puissance de Dieu qui guérissent l’homme, le
remettent debout et le rendent capable de commencer une nouvelle vie, en passant sur l’autre rive (cf. Lc 8, 22).
Jésus ne nous envoie pas tout seuls sur
l’autre rive, mais il nous invite plutôt à effectuer la traversée avec lui, en
répondant, chacun, à une vocation spécifique. Il nous faut donc être conscients
que ce passage sur l’autre rive ne peut se faire qu’avec lui, en nous libérant
des conceptions de la famille et du sang qui divisent, pour construire une
Eglise-Famille de Dieu, ouverte à tous, soucieuse de ceux qui sont le plus dans
le besoin. Cela suppose la proximité avec nos frères et sœurs, cela implique un
esprit de communion. Ce n’est pas d’abord une question de moyens
financiers ; il suffit juste de partager la vie du peuple de Dieu, en rendant
compte de l’espérance qui est en nous (cf. 1P 3, 15), en étant témoins de l’infinie
miséricorde de Dieu qui, comme le souligne le psaume responsorial de ce
dimanche, « est bon [et] montre aux
pécheurs le chemin » (Ps 24,
8). Jésus nous enseigne que le Père céleste « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (Mt 5, 45). Après avoir fait nous-mêmes
l’expérience du pardon, nous devons pardonner. Voici notre vocation
fondamentale: « Vous donc, vous serez
parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48)! L’une des exigences
fondamentales de cette vocation à la perfection, c’est l’amour des ennemis, qui
prémunit contre la tentation de la vengeance et contre la spirale des
représailles sans fin. Jésus a tenu à insister sur cet aspect particulier du
témoignage chrétien (Mt 5,
46-47). Les agents d’évangélisation doivent donc être d’abord et avant tout des
artisans du pardon, des spécialistes de la réconciliation, des experts de la
miséricorde. C’est ainsi que nous pouvons aider nos frères et sœurs à passer sur l’autre rive, en
leur révélant le secret de notre force, de notre espérance, de notre joie qui
ont leur source en Dieu, parce qu’elles sont fondées sur la certitude qu’il est
dans la barque avec nous. Comme il l’a fait avec les apôtres lors de
la multiplication des pains, c’est donc à nous que le Seigneur confie ses dons
afin que nous allions les distribuer partout, en proclamant sa parole qui
assure: « Voici venir des jours où
j’accomplirai la promesse de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et
à la maison de Juda » (Jr 33,
14) (cette citation est tirée de la première lecture de la messe du jour). (1)
En lisant ces textes, on comprend aisément
pourquoi le pape a devancé l’ouverture du Jubilé
de la Miséricorde
pour la terre africaine. On comprend aussi ce qu’il faudra admettre et
confesser pour que le pape vienne en ambassadeur de Dieu en terre québécoise. Le
nonce apostolique au Canada, Mgr Luigi Bonazzi, a été assez clair, à mes yeux,
sur ce qu’il faut pour que le pape se déplace dans un pays :
«Le Saint-Père prend aussi ses décisions en se laissant
interpeller par les appels qui lui arrivent. Il est important que le Canada lui
fasse arriver le vrai appel. Pour que le pape vienne au Canada, il faut faire
arriver au pape la note juste qui fait naître dans son cœur ‘oui, je vais me
rendre au Canada’. Le Saint-Père est
quelqu’un qui écoute des appels qui lui viennent du cœur du peuple. Alors, si
nous voulons la visite du Saint-Père au Canada, si on la désire, j’inviterais
la communauté catholique à prier davantage pour ça, et à demander au Seigneur
qu’il fasse arriver au Saint-Père les raisons pour lesquelles le Canada, parmi
les cinquante sollicitations sur son bureau, mérite d’être choisi». (2)
Pour ma part, je considère qu’une des meilleures façons
d’attirer le pape François au Québec, c’est d’admettre avec humilité et
franchise, que le Québec est une terre qui a été particulièrement bénie de Dieu;
mais que d’autre part, la gratitude du peuple de Dieu, n’a pas toujours été au
rendez-vous. En ce Jubilé de la Miséricorde , qui
commencera dans neuf jours, nous devrions prendre exemple des propos de madame Catherine Samba-Panza, et dire
clairement au Saint-Père que nous désirons sa venue pour signifier au
représentant de Jésus sur terre, que nous sommes désolés et contrits, comme
peuple, d’avoir aussi mal répondu à toutes les faveurs que Dieu nous a accordées, depuis l’arrivée des premiers colons et missionnaires en Nouvelle-France. Nous désirons nous
aussi, tout comme il en est au Centre-Afrique,
faire de ce voyage une occasion de renouveau. Nous désirons que le passage du
pape François sur notre sol, soit le signe d’un engagement: l’engagement à
répondre à l’Amour de Dieu par l’amour: un amour renouvelé envers Dieu et
envers le prochain.
Le pape ne se déplacera sûrement pas pour célébrer une fête purement civile.
(2)
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