vendredi 2 février 2018

La loi de la gradualité

La loi de la gradualité
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Ce blogue pourra sembler aride à certains d’entre vous. Il est cependant très important pour moi. Il constitue une réponse supplémentaire à une question qui m’habite fortement depuis deux ans et à laquelle Dieu se plaît depuis quelque temps à me donner des réponses (voir le blogue du 17 janvier 2017) (1). Cette question est la suivante: doit-on aujourd’hui donner des sacrements à des personnes baptisées qui ne connaissent pas du tout la foi catholique ou si peu et pour qui le baptême qu’elles ont reçu, ne signifie pas grand-chose?

Le Seigneur a permis qu’habité par une si importante question, je jette les yeux ces jours-ci sur la façon dont le pape François parle de la « loi de la gradualité ». C’est le pape Jean-Paul II qui a en premier parlé de la « loi de la gradualité », qui est bonne, par opposition à la « gradualité de la loi », qui est une une notion erronée (cf. Familiaris Consortio, no. 34). La loi divine, c’est la loi divine et dans cette loi, il n’y a pas de gradualité. Le meurtre sera toujours mal, l’adultère, toujours un mal, le vol, toujours un mal, les relations sexuelles hors mariage, toujours un mal. En ce sens la loi n’est pas graduelle, ne connaît pas de « gradualité ». Mais la personne humaine connaît, elle, une loi qui est la loi de la gradualité. L’être humain ne comprend pas tout d’un coup et de façon immédiate toutes les exigences de la loi de Dieu. Et on doit respecter le cheminement de chacun, cheminement qui est parfois très lent. Jésus a dit : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés » (Lc 6, 37) et « Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs » ( Mt 9, 13).

Je vais maintenant citer des passages de l’exhortation apostolique du pape François, intitulée « La joie de l’amour » (« Amoris laetitia »). Comme vous le constaterez dans un instant, si vous n’êtes pas habitués de lire les documents officiels de l’Église, ceux-ci sont denses et nécessitent une plus grande attention que la lecture de journaux ou de romans; mais cette lecture ardue est parfois le prix à payer pour se former comme chrétien et pour devenir un véritable disciple-missionnaire. La vérité catholique nous vient en particulier du pape mais rares sont les personnes qui prennent le temps de lire ce que le vicaire du Christ nous dit dans ses documents officiels. On veut bien lire les homélies du pape car elles nous sont plus abordables; mais la doctrine de l’Église se trouve surtout dans les documents officiels issus du Magistère.

Quand vous lirez des mots ou des phrases écrites en caractères « gras », sachez que c’est moi qui les ai mis ainsi pour exprimer l’importance qu’ils ont à mes yeux.

PAPE FRANÇOIS : « LA JOIE DE L’AMOUR »

295. Dans ce sens, saint Jean-Paul II proposait ce qu’on appelle la ‘‘loi de gradualité’’, conscient que l’être humain « connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d'une croissance ».[323] Ce n’est pas une ‘‘gradualité de la loi’’, mais une gradualité dans l’accomplissement prudent des actes libres de la part de sujets qui ne sont dans des conditions ni de comprendre, ni de valoriser ni d’observer pleinement les exigences objectives de la loi. En effet, la loi est aussi un don de Dieu qui indique le chemin, un don pour tous sans exception qu’on peut vivre par la force de la grâce, même si chaque être humain « va peu à peu de l'avant grâce à l'intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour définitif et absolu dans toute la vie personnelle et sociale de l'homme ».[324]
Le discernement des situations dites ‘‘irrégulières’’[325]      
296. Le Synode s’est référé à diverses situations de fragilité ou d’imperfection. À ce sujet, je voudrais rappeler ici quelque chose dont j’ai voulu faire clairement part à toute l’Église pour que nous ne nous trompions pas de chemin : « Deux logiques parcourent toute l’histoire de l’Église: exclure et réintégrer […]. La route de l’Église, depuis le Concile de Jérusalem, est toujours celle de Jésus: celle de la miséricorde et de l’intégration […]. La route de l’Église est celle de ne condamner personne éternellement ; de répandre la miséricorde de Dieu sur toutes les personnes qui la demandent d’un cœur sincère […Car] la charité véritable est toujours imméritée, inconditionnelle et gratuite ! »[326] Donc, « il faut éviter des jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations ; il est également nécessaire d’être attentif à la façon dont les personnes vivent et souffrent à cause de leur condition ».[327]
297. Il s’agit d’intégrer tout le monde, on doit aider chacun à trouver sa propre manière de faire partie de la communauté ecclésiale, pour qu’il se sente objet d’une miséricorde ‘‘imméritée, inconditionnelle et gratuite’’. Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile ! Je ne me réfère pas seulement aux divorcés engagés dans une nouvelle union, mais à tous, en quelque situation qu’ils se trouvent.
301. Pour comprendre de manière appropriée pourquoi un discernement spécial est possible et nécessaire dans certaines situations dites ‘‘irrégulières’’, il y a une question qui doit toujours être prise en compte, de manière qu’on ne pense jamais qu’on veut diminuer les exigences de l’Évangile. L’Église a une solide réflexion sur les conditionnements et les circonstances atténuantes. Par conséquent, il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite ‘‘irrégulière’’ vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. Les limites n’ont pas à voir uniquement avec une éventuelle méconnaissance de la norme. Un sujet, même connaissant bien la norme, peut avoir une grande difficulté à saisir les « valeurs comprises dans la norme »

 302. En ce qui concerne ces conditionnements, le Catéchisme de l’Église catholique s’exprime clairement : « L’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées voire supprimées par l’ignorance, l’inadvertance, la violence, la crainte, les habitudes, les affections immodérées et d’autres facteurs psychiques ou sociaux ».[343] Dans un autre paragraphe, il se réfère de nouveau aux circonstances qui  atténuent la responsabilité morale, et mentionne, dans une gamme variée, « l’immaturité affective, […] la force des habitudes contractées, […] l’état d’angoisse ou [d’]autres facteurs psychiques ou sociaux ».[344] C’est pourquoi, un jugement négatif sur une situation objective n’implique pas un jugement sur l’imputabilité ou la culpabilité de la personne impliquée. 


305. Par conséquent, un Pasteur ne peut se sentir satisfait en appliquant seulement les lois morales à ceux qui vivent des situations ‘‘irrégulières’’, comme si elles étaient des pierres qui sont lancées à la vie des personnes. C’est le cas des cœurs fermés, qui se cachent ordinairement derrière les enseignements de l’Église « pour s’asseoir sur la cathèdre de Moïse et juger, quelquefois avec supériorité et superficialité, les cas difficiles et les familles blessées ».[349] Dans cette même ligne, s’est exprimée la Commission Théologique Internationale : « La loi naturelle ne saurait donc être présentée comme un ensemble déjà constitué de règles qui s’imposent a priori au sujet moral, mais elle est une source d’inspiration objective pour sa démarche, éminemment personnelle, de prise de décision ».[350] À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église.[351] Le discernement doit aider à trouver les chemins possibles de réponse à Dieu et de croissance au milieu des limitations. En croyant que tout est blanc ou noir, nous fermons parfois le chemin de la grâce et de la croissance, et nous décourageons des cheminements de sanctifications qui rendent gloire à Dieu. Rappelons-nous qu’« un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d’importantes difficultés ».[352] La pastorale concrète des ministres et des communautés ne peut cesser de prendre en compte cette réalité.


(1) Dieu ma joie: Pour construire, il faut se déconstruire

dieumajoie.blogspot.com/2018/01/pour-construire-il-faut-se-deconstruire_17.html






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