La loi de la gradualité
Ce blogue pourra sembler aride à
certains d’entre vous. Il est cependant très important pour moi. Il constitue
une réponse supplémentaire à une question qui m’habite fortement depuis deux
ans et à laquelle Dieu se plaît depuis quelque temps à me donner des réponses (voir
le blogue du 17 janvier 2017) (1).
Cette question est la suivante: doit-on aujourd’hui donner des sacrements à des
personnes baptisées qui ne connaissent pas du tout la foi catholique ou si peu et pour
qui le baptême qu’elles ont reçu, ne signifie pas grand-chose?
Le Seigneur a permis qu’habité
par une si importante question, je jette les yeux ces jours-ci sur la façon
dont le pape François parle de la « loi de la gradualité ». C’est
le pape Jean-Paul II qui a en premier parlé de la « loi de la
gradualité », qui est bonne, par opposition à la « gradualité
de la loi », qui est une une notion erronée (cf. Familiaris
Consortio, no. 34). La loi divine, c’est la loi divine et dans cette loi,
il n’y a pas de gradualité. Le meurtre sera toujours mal, l’adultère, toujours
un mal, le vol, toujours un mal, les relations sexuelles hors mariage, toujours
un mal. En ce sens la loi n’est pas graduelle, ne connaît pas de « gradualité ».
Mais la personne humaine connaît, elle, une loi qui est la loi de la
gradualité. L’être humain ne comprend pas tout d’un coup et de façon immédiate
toutes les exigences de la loi de Dieu. Et on doit respecter le cheminement de
chacun, cheminement qui est parfois très lent. Jésus a dit : « Ne
jugez pas et vous ne serez pas jugés » (Lc 6, 37) et « Je ne
suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs » ( Mt 9, 13).
Je vais maintenant citer des
passages de l’exhortation apostolique du pape François, intitulée « La
joie de l’amour » (« Amoris laetitia »). Comme vous
le constaterez dans un instant, si vous n’êtes pas habitués de lire les
documents officiels de l’Église, ceux-ci sont denses et nécessitent une plus
grande attention que la lecture de journaux ou de romans; mais cette lecture
ardue est parfois le prix à payer pour se former comme chrétien et pour devenir
un véritable disciple-missionnaire. La vérité catholique nous vient en
particulier du pape mais rares sont les personnes qui prennent le temps de lire
ce que le vicaire du Christ nous dit dans ses documents officiels. On veut bien
lire les homélies du pape car elles nous sont plus abordables; mais la doctrine de l’Église
se trouve surtout dans les documents officiels issus du Magistère.
Quand vous lirez des mots ou des
phrases écrites en caractères « gras », sachez que c’est moi
qui les ai mis ainsi pour exprimer l’importance qu’ils ont à mes yeux.
PAPE FRANÇOIS :
« LA JOIE DE
L’AMOUR »
295. Dans ce sens, saint Jean-Paul II proposait ce qu’on
appelle la ‘‘loi de gradualité’’, conscient que l’être humain « connaît,
aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d'une croissance ».[323] Ce n’est pas une ‘‘gradualité de la loi’’, mais une gradualité
dans l’accomplissement prudent des actes libres de la part de sujets qui ne
sont dans des conditions ni de comprendre, ni de valoriser ni d’observer
pleinement les exigences objectives de la loi. En effet, la loi est aussi un
don de Dieu qui indique le chemin, un don pour tous sans exception qu’on peut
vivre par la force de la grâce, même si chaque être humain « va peu à peu
de l'avant grâce à l'intégration progressive des dons de Dieu et des exigences
de son amour définitif et absolu dans toute la vie personnelle et sociale de
l'homme ».[324]
Le
discernement des situations dites ‘‘irrégulières’’[325]
296.
Le Synode s’est référé à diverses situations de fragilité ou d’imperfection. À
ce sujet, je voudrais rappeler ici quelque chose dont j’ai voulu faire
clairement part à toute l’Église pour que nous ne nous trompions pas de
chemin : « Deux logiques parcourent toute l’histoire de l’Église:
exclure et réintégrer […]. La route de l’Église, depuis le Concile de Jérusalem,
est toujours celle de Jésus: celle de la miséricorde et de l’intégration […].
La route de l’Église est celle de ne condamner personne éternellement ; de répandre
la miséricorde de Dieu sur toutes les personnes qui la demandent d’un cœur
sincère […Car] la charité véritable est toujours imméritée, inconditionnelle
et gratuite ! »[326] Donc,
« il faut éviter des jugements qui ne tiendraient pas compte de la
complexité des diverses situations ; il est également nécessaire
d’être attentif à la façon dont les personnes vivent et souffrent à cause de
leur condition ».[327]
297. Il s’agit d’intégrer
tout le monde, on doit aider chacun à trouver sa propre manière de faire partie
de la communauté ecclésiale, pour qu’il se sente objet d’une miséricorde
‘‘imméritée, inconditionnelle et gratuite’’. Personne ne peut être condamné
pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile ! Je ne me
réfère pas seulement aux divorcés engagés dans une nouvelle union, mais à tous,
en quelque situation qu’ils se trouvent.
301. Pour comprendre de manière appropriée pourquoi un
discernement spécial est possible et nécessaire dans certaines situations dites
‘‘irrégulières’’, il y a une question qui doit toujours être prise en compte,
de manière qu’on ne pense jamais qu’on veut diminuer les exigences de
l’Évangile. L’Église a une solide réflexion sur les conditionnements et les
circonstances atténuantes. Par conséquent, il n’est plus possible de dire que
tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite ‘‘irrégulière’’
vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante.
Les limites n’ont pas à voir uniquement avec une éventuelle méconnaissance de
la norme. Un sujet, même connaissant bien la norme, peut avoir une grande
difficulté à saisir les « valeurs comprises dans la norme »
302. En ce qui concerne ces conditionnements, le Catéchisme de l’Église catholique s’exprime
clairement : « L’imputabilité et la responsabilité d’une action
peuvent être diminuées voire supprimées par l’ignorance, l’inadvertance, la violence,
la crainte, les habitudes, les affections immodérées et d’autres facteurs
psychiques ou sociaux ».[343] Dans un autre paragraphe, il se réfère de nouveau aux
circonstances qui atténuent la responsabilité morale, et mentionne, dans
une gamme variée, « l’immaturité affective, […] la force des habitudes
contractées, […] l’état d’angoisse ou [d’]autres facteurs psychiques ou sociaux ».[344] C’est pourquoi, un jugement négatif sur une situation objective
n’implique pas un jugement sur l’imputabilité ou la culpabilité de la personne
impliquée.
305. Par conséquent, un Pasteur ne peut se sentir
satisfait en appliquant seulement les lois morales à ceux qui vivent des
situations ‘‘irrégulières’’, comme si elles étaient des pierres qui sont
lancées à la vie des personnes. C’est le cas des cœurs fermés, qui se
cachent ordinairement derrière les enseignements de l’Église « pour
s’asseoir sur la cathèdre de Moïse et juger, quelquefois avec supériorité et
superficialité, les cas difficiles et les familles blessées ».[349] Dans cette même ligne, s’est exprimée la Commission Théologique
Internationale : « La loi naturelle ne saurait donc être présentée
comme un ensemble déjà constitué de règles qui s’imposent a priori au sujet
moral, mais elle est une source d’inspiration objective pour sa démarche,
éminemment personnelle, de prise de décision ».[350] À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est
possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas
subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre
dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir
dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de
l’Église.[351] Le discernement doit aider à trouver les chemins possibles de
réponse à Dieu et de croissance au milieu des limitations. En croyant que
tout est blanc ou noir, nous fermons parfois le chemin de la grâce et de la
croissance, et nous décourageons des cheminements de sanctifications qui
rendent gloire à Dieu. Rappelons-nous qu’« un petit pas, au milieu
de grandes limites humaines, peut être plus apprécié de Dieu que la vie
extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter
d’importantes difficultés ».[352] La pastorale concrète des ministres et des communautés ne peut
cesser de prendre en compte cette réalité.
(1) Dieu ma joie: Pour construire, il faut se déconstruire
dieumajoie.blogspot.com/2018/01/pour-construire-il-faut-se-deconstruire_17.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire