« Zachée, descends
vite »
L’évangile de la
messe dominicale de ce dimanche, nous présente l’épisode si attachant de
Zachée, le publicain :
Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d'impôts, et c'était quelqu'un de riche.
Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il n'y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille.
Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l'interpella : « Zachée, descends vite : aujourd'hui il faut que j'aille demeurer dans ta maison. » Vite, il descendit, et reçut Jésus avec joie.
Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un pécheur. »
Mais Zachée, s'avançant, dit au Seigneur : « Voilà, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je vais lui rendre quatre fois plus. »
Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd'hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d'Abraham.
En effet, le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Lc 19, 1-10)
Zachée monte sur
un sycomore pour voir Jésus passer, parce que le collecteur d’impôt était de
petite taille. Ce fut la grâce de Zachée, d’être petit. Dans un monde où la
grandeur, même physique, est non seulement appréciée, mais adulée, la Bible ne
cesse de faire l’éloge de la petitesse. Thérèse de l’Enfant-Jésus, ma sainte
préférée, était grande et de forte stature. Elle mesurait un mètre
soixante-deux. Céline, la sœur de Thérèse, lui demanda un jour : « Si on vous avait fait choisir,
qu’auriez-vous préféré : être grande ou petite? » Thérèse
répondit : « J’aurais choisi d’être
petite, pour être petite en tout ». Un jour, on demanda à Thérèse sous quel nom on devrait la prier quand elle serait au ciel. Elle répondit humblement: "Vous m'appellerez " petite Thérèse "."
À peine Zachée s’élève pour voir
passer Dieu, qu’il reçoit l’ordre de s’abaisser : « Descends
vite », lui dit Jésus. On a tous tendance à croire que la sainteté
est une « dure montée ». Pourtant, la Bible ne cesse de nous dire
que la sainteté est une non moins « dure descente » :
« Le Fils de Dieu, 6
Lui qui, dès l’origine, était de condition divine, ne chercha pas à profiter de
l’égalité avec Dieu, 7 mais il s’est dépouillé lui-même, et il a
pris la condition du serviteur. Il se rendit semblable aux hommes en tous
points, et tout en lui montrait qu’il était bien un homme. 8 Il
s’abaissa lui-même en devenant obéissant, jusqu’à subir la mort, oui, la mort
sur la croix. 9 C’est pourquoi Dieu l’a élevé à la plus haute place
et il lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, 10 pour
qu’au nom de Jésus tout être s’agenouille dans les cieux, sur la terre et
jusque sous la terre, 11 et que chacun déclare: Jésus-Christ est
Seigneur à la gloire de Dieu le Père. » (Philippiens 2 : 6-11)
Un jour, Céline,
la sœur de Thérèse de l’Enfant-Jésus qui vivait dans le même couvent qu’elle,
lui confie son inquiétude face à la possibilité de devenir sainte un
jour : “ Quand je vous vois, j’ai une certaine tristesse, car je
découvre tout ce qui me reste encore à acquérir.” Thérèse lui répond: “Oh non, ne dites pas acquérir, dites plutôt “ à perdre ”. Et elle
ajoute : “ Quand accepterez-vous en paix l’épreuve de ne pas
vous plaire à vous-même? ”
Zachée, un jour,
est descendu du sycomore, mais il était loin de se douter que ce jour-là, il
allait vivre une descente encore beaucoup plus vertigineuse. Quelques heures
plus tard, ce même jour, au contact de Jésus, Zachée a librement accepté de
descendre dans les profondeurs de son cœur, dans les eaux troubles de son âme, pour
y visiter des endroits qu’il s’était efforcé toute sa vie de tenir cachés aux
yeux de Dieu, aux yeux des autres et à ses propres yeux. Le « standing social » auquel il
était arrivé, lui permettait en quelque sorte, d’oublier assez aisément sa
condition intérieure. Or ce jour-là, il descendit de son piédestal, pour
connaître la liberté des enfants de Dieu.
Vous savez, je
pense, que je suis religieux. J’ai donc prononcé un jour devant Dieu et devant
l’Église (peuple de Dieu), mes vœux de pauvreté, chasteté et obéissance.
Ces vœux, que nous appelons souvent les « conseils évangéliques », sont perçus par plusieurs personnes
comme étant un abaissement, tout un abaissement. Or, une personne m’a un jour
ouvert les yeux sur une vérité très méconnue. Tous les êtres humains sont, en
quelque sorte, appelés à vivre les
conseils évangéliques. La différence entre plusieurs d’entre vous, et moi,
c’est que, pour ma part, j’aurai vécu les conseils évangéliques sur une plus
longue durée. Mais toute personne qui atteint l’âge de la vieillesse et qui
approche de la mort, vivra les conseils évangéliques. Toute personne sera
appelée à vivre chaste, pauvre et obéissante : « En vérité, en vérité, je te le dis,
quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu
voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra
et te mènera où tu ne voudrais pas. » (Jn
21, 18)
Zachée, pour voir Jésus, s’est élevé « au-dessus de la mêlée ». Cela me
fait penser à un autre passage du livre intitulé Conseils et souvenirs, qui rapporte certaines conversations
entre Céline et Thérèse Martin, une fois devenues carmélites. Céline raconte
ceci : «Toute découragée, le cœur encore
gros d’un combat qui me semblait insurmontable, je vins lui dire: «Cette fois,
c’est impossible, je ne puis me mettre au-dessus!». «Cela ne m’étonne pas», me
répondit-elle. «Nous
sommes trop petites pour nous mettre au-dessus des difficultés, il faut que
nous passions par-dessous». Elle me rappela alors un trait de notre enfance que
voici: nous nous trouvions chez des voisins, à Alençon; un cheval nous barrait
l’entrée du jardin. Tandis que les autres personnes cherchaient un autre accès,
notre petite amie ne trouva rien de plus facile que de passer sous l’animal. Elle se glissa la
première, me tendit la main; je la suivis en entraînant Thérèse et sans courber
beaucoup notre petite taille, nous parvînmes au but. «Voilà ce que l’on gagne à être petit», conclut-elle. «Il n’y a point d’obstacle pour les
petits, ils se faufilent partout. Les grandes âmes peuvent passer sur les affaires, tourner les difficultés, arriver par le raisonnement ou la
vertu à se mettre au-dessus de tout, mais nous qui sommes toutes petites, nous
devons bien nous garder d’essayer cela. Passons dessous! Passer sous les affaires, c’est ne pas les envisager de trop près, ne pas
les raisonner» (la sainte
s’adressait alors à ses novices, auxquelles elle conseillait de ne pas perdre
leur temps à analyser inutilement les
difficultés).
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