Évangéliser par la joie (1)
Ces jours-ci, comme vous le constater, j’ai fait certaines recherches sur les prédications pontificales du Père Cantalamessa. Je viens de découvrir la toute dernière de ces prédications et vous comprendrez facilement pourquoi elle m’a sauté aux yeux … et au cœur. Le titre de cette prédication est : Évangéliser par la joie. Elle a été prononcée le vendredi 21 décembre 2012; c’était la quatrième et dernière prédication de l’Avent du Père Cantalamessa au pape et à la curie romaine. Voici les extraits que j’ai choisis pour vous :
« Après avoir réfléchi à la grâce de l’année de foi et à l’anniversaire du concile Vatican II, nous consacrons cette dernière méditation de l’Avent au troisième grand thème de cette « année de grâce du Seigneur » : l’évangélisation. Le pape a invité l’Église à profiter de cette année spéciale pour redécouvrir « la joie de la rencontre avec le Christ », la joie d’être chrétiens. Je me ferai l’écho de cet appel en parlant de la joie comme moyen pour évangéliser, et le ferai en restant le plus possible lié au temps liturgique en cours, de manière à ce que cela serve aussi de préparation au Saint Noël.
Dans les « évangiles de l’enfance », Luc, « sous la conduite de l’Esprit Saint », a su non seulement nous présenter des faits et des personnages, mais il a en plus réussi à recréer l’atmosphère et l’état d’esprit qui régnaient au moment des faits. La joie est l’un des éléments les plus évidents de ce monde spirituel. La piété chrétienne ne s’est pas trompée, quand elle a appelé, dans le Rosaire, « mystères joyeux », mystères de la joie, les évènements de l’enfance de Jésus. … Il ne s’agit pas de bribes de joie par-ci par-là, mais bien d’un accès de joie, d’une joie calme et profonde qui parcourt les « évangiles de l’enfance », du début jusqu’à la fin, se manifestant de mille manières différentes: avec élan, comme Marie qui se lève pour se rendre chez Elisabeth, et les bergers pour aller voir l’Enfant Jésus, ou par des gestes humbles et typiques de la joie qui accompagne une visite, des vœux, des salutations, des félicitations, des dons. Mais il y a surtout cette joie qui se manifeste dans la stupeur et la reconnaissance émue, qui est celle que l’on perçoit chez les protagonistes : « Dieu a visité son peuple! [...] Il s’est rappelé de sa sainte alliance ! »
D’où vient la joie ? La source ultime de la joie c’est Dieu, la Trinité. Mais nous sommes dans le temps et Dieu est dans l’éternité ; comment la joie peut-elle s’écouler entre deux plans aussi distants? En effet, si nous interrogeons mieux la Bible , nous découvrons que la source immédiate de son jaillissement est dans le temps : c’est Dieu qui agit dans l’histoire. Dieu qui agit! Là où « tombe » une action divine, se produit comme une vibration et une vague de joie qui se propage ensuite de génération en génération. … À chaque fois que Dieu agit, un miracle remplit de stupeur le ciel et la terre : « Criez de joie, cieux, car le Seigneur a agi », s’exclame le prophète (Is 44, 23; 49, 13). La joie qui jaillit du cœur de Marie et de celui des autres témoins, aux débuts du salut, se fonde entièrement sur cette raison: Dieu a secouru Israël! Dieu a agi ! Il a fait des merveilles !
Comment cette joie pour l’action de Dieu peut-elle gagner l’Église d’aujourd’hui et la contaminer ? Elle le fait, tout d’abord, en faisant mémoire des œuvres merveilleuses de Dieu à son égard. L’Église est invitée à faire siennes les paroles de la Vierge : « Le Puissant fit pour moi des merveilles ». En réalité, que de merveilles le Seigneur a fait pour l’Église, durant ces vingt siècles! Nous avons, en un certain sens, plus de raisons objectives à nous réjouir que n’en avaient Zacharie, Siméon, les bergers, et plus généralement, toute l’Église naissante. Que de grâces, que de saints, quelle sagesse de doctrine et quelle richesse d’institutions, que de salut accompli en elle et à travers elle! Quelle parole du Christ n’a pas trouvé son parfait accomplissement en elle?
Si l’Église d’aujourd’hui veut retrouver, au milieu de toutes les préoccupations et de toutes les épreuves qui l’oppressent, les voies du courage et de la joie, elle doit bien ouvrir les yeux sur ce que Dieu est en train d’accomplir aujourd’hui même en elle. Le doigt de Dieu, qui est l’Esprit Saint, est encore en train d’écrire dans l’Église, dans les âmes, et il est en train d’écrire de si merveilleuses histoires de sainteté qu’un jour – quand aura fini dans le néant tout ce qui est négatif et péché – on regardera peut-être cette époque que nous vivons avec stupeur et sainte envie. Est-ce fermer les yeux devant tous les maux qui affligent l’Église et devant les trahisons de tant de ses ministres ? Non, mais puisque le monde et ses médias ne font que mettre en évidence ces choses de l’Église, il est bon de lever une fois les yeux et de voir aussi son côté lumineux, sa sainteté.
À chaque époque – dans la nôtre aussi – l’Esprit dit à l’Église, comme au temps du Deutéro-Isaïe: « Je t’ai fait entendre dès maintenant des choses nouvelles, secrètes et inconnues de toi. C’est maintenant qu’elles sont créées, et non depuis longtemps » (Is 48, 6-7). Ce souffle puissant de l’Esprit qui ranime le peuple de Dieu et suscite au milieu de nous des charismes en tout genre, ordinaire et extraordinaire, n’est-il pas « une chose nouvelle et secrète »? Ne le sont-ils pas: cet amour pour la parole de Dieu? Cette participation active des laïcs à la vie de l’Église et à l’évangélisation? Cet engagement constant du magistère et de tant d’organisations pour les pauvres et les personnes en détresse, et ce désir de recomposer l’unité brisée du Corps du Christ? Quand l’Église a-t-elle eu dans son histoire une série de souverains pontifes aussi érudits et saints que ceux qu’elle a depuis un siècle et demi? Quand a-t-elle eu autant de martyrs de la foi?
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