mardi 8 décembre 2015

"Kairé Kékaritoméné ! »

  "Kairé Kékaritoméné ! » 
(Lc 1, 28) 
 
L'Annonciation de Fra Angelico

Nous célébrons aujourd’hui la Solennité de l’Immaculée Conception et le début du grand Jubilé de la Miséricorde.

Le dogme de l’Immaculée Conception a comme fondement biblique, les deux premiers mots que l’ange Gabriel adressa à Marie : « Kairé, kékaritoménè » (Lc 1, 28).

« Aujourd'hui nous célébrons l'une des plus belles fêtes de la Bienheureuse Vierge Marie, et l'une des plus populaires, l'Immaculée Conception. Non seulement Marie n'a commis aucun péché, mais elle a même été préservée de l'héritage commun à tout le genre humain, la faute originelle. Et cela en raison de la mission à laquelle Dieu l'a destinée depuis toujours, être la Mère du Rédempteur. Tout cela est contenu dans la vérité de foi de l'"Immaculée Conception". Le fondement biblique de ce dogme se trouve dans les paroles que l'Ange adressa à la jeune fille de Nazareth : "Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi" (Lc 1, 28). "Comblée de grâce" - dans l'original grec kecharitoméne - est le plus beau nom de Marie, le nom que Dieu lui-même lui a donné, pour indiquer qu'elle est depuis toujours et pour toujours l'aimée, l'élue, celle qui a été choisie pour accueillir le don le plus précieux, Jésus, "l'amour incarné de Dieu » (Benoît XVI, Angelus du 8 décembre 2006).

Le plus beau commentaire que j’aie entendu des deux premiers mots de l’ange Gabriel à Marie, est de madame Georgette Blaquière. J’ai déjà mis ce commentaire sur mon blogue, mais je le juge si extraordinaire et si important, que je le présente à nouveau aujourd'hui. 

« En l’honneur de madame Blaquière, je veux aujourd’hui vous partager l’événement de sa vie qui m’a le plus marqué. C’est madame Blaquière qui relate ce que je vais vous dire sur des cassettes audio sur la Vierge Marie. Ces cassettes audio me furent données il y a de cela une vingtaine d’années. Il s’agit en quelque sorte de la version audio du livre de madame Blaquière, intitulé: L’Évangile de Marie. L’idée maîtresse qui sera mentionnée ici, se trouve aussi de façon succincte dans son livre intitulé « L’Évangile de Marie », alors que madame Blaquière commente les premiers mots de l’archange Gabriel à Marie. Mais les détails de l’événement que je vais relater ne se trouvent, selon moi, que sur les cassettes audio dont je viens de parler. Si quelqu’un parmi vous savait où je pourrais me procurer à nouveau ces cassettes audio de madame Blaquière, je lui serais très reconnaissant de m’indiquer l’endroit. Car le témoignage que livre cette grande dame française sur la cassette, est, selon moi, d’une importance extraordinaire.

Au début du mouvement charismatique, madame Blaquière avait été invitée par une amie à participer à un congrès charismatique en France. Madame Blaquière a d’abord refusé l’invitation car elle avait entendu parler du mouvement charismatique, de ce « parler en langues », etc, et elle n’était pas du tout intéressée à connaître ce mouvement. Or, devant l’insistance de cette amie, elle accepta l’invitation. Une fois dans le stade où avait lieu le congrès charismatique les gens se sont mis à chanter en langues. Georgette Blaquière fut à la fois étonnée et éblouie par la beauté de ce chant. C’est alors que la personne à côté d’elle, une pure étrangère, s’est mise elle aussi à chanter en langues. Et elle s’est mise à chanter en grec. Madame Blaquière a été professeure de grec. La dame à ses côtés s’est mise à chanter les deux premiers mots de l’archange Gabriel à Marie: « Kairé kékaritoména ». Sans le savoir, la pauvre dame a fait une erreur de grec car le mot en grec n’est pas « kékaritoména » mais plutôt : « kékaritoméné ». Cette erreur de grec n’allait pas passer inaperçue aux oreilles de Geogette Blaquière. Dans un premier temps, le professeur de grec s’est offusqué de cette erreur. Ensuite, madame Blaquière s’est mise à réfléchir sur le sens du mot « kékaritoménê » et, alors qu’elle réfléchissait à ce mot, Dieu lui a fait une grâce insigne pour sa vie personnelle. Le mot « kékaritoménê » est un verbe en grec, à un temps qu’on appelle « l’aoriste ». Ce temps n’existe pas en français pour les verbes. L’aoriste est utilisé en grec pour désigner une action qui a commencé dans le passé, qui continue dans le présent, et qui ne finira jamais, qui se perpétuera dans le futur. L’ange Gabriel disait donc à Marie: « Réjouis-toi(« kairé ») toi qui as reçu toute la faveur de Dieu, toi qui la reçois en ce moment et toi à qui elle ne sera jamais enlevée » (« kékaritoménê »). C’est pourquoi j’aime le chant: « Réjouis-toi, Marie, toute aimée de Dieu » car une fois que l’on comprend ce qu’est l’aoriste, on interprète les mots de ce chant dans le sens suivant: l’amour de Dieu pour Marie a toujours existé et existera toujours. Et, ce qui est merveilleux, c’est qu’il en est ainsi aussi pour nous : nous avons toujours été aimés de Dieu, et nous le serons toujours.  

C’est alors que Dieu a fait une immense faveur à madame Blaquière. Cette chère Georgette ne développe pas plus que cela sur la cassette audio, mais elle laisse très clairement entendre qu’elle se sentait mal depuis un certain temps parce qu’elle croyait que Dieu lui avait retiré un de ses dons. On devine que madame Blaquière avait été infidèle, en quelque sorte, à un don reçu et qu’elle croyait que Dieu le lui avait retiré. Or ce jour-là, dans un stade de France, Georgette Blaquière a compris dans ses tripes, dans sa chair et dans toute sa personne, ce que saint Paul nous dit dans sa lettre aux Romains: « Les dons de Dieu sont sans repentance » (Rom 11, 29). Depuis ce temps, madame Blaquière crie haut et fort cette vérité : quand Dieu donne, il ne reprend pas ses dons. Si nous sommes infidèles, Dieu nous redonnera son don d’une autre manière, mais Il ne nous l’enlèvera pas. Cette vérité peut avoir de multiples applications dans nos vies. Je vous laisse le soin de faire ces applications par vous-mêmes et de vous émerveiller de cette grande vérité: « les dons de Dieu sont sans repentance ». Une des choses qui m’impressionnent le plus dans cette histoire, c’est que Dieu se soit servi d’une erreur humaine, d’une erreur de grec, pour faire comprendre de l’intérieur, à une de ses enfants, ces mots merveilleux de saint Paul. Comment ne pas y voir le signe que même nos erreurs peuvent nous être utiles et que saint Paul a eu aussi raison de dire que « tout (absolument tout) concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8, 28). Madame Blaquière, à la fin du chant en langues, a demandé à sa voisine si elle connaissait le grec. La dame à ses côtés lui a répondu: « Pas du tout ».

Le plus bel exemple que l'on peut donner du fait que Dieu ne reprend jamais ses dons lorsque nous sommes infidèles, c'est ce qui s'est passé après le péché de nos premiers parents. ceux que la première lecture de la messe d'aujourd'hui appelle Adam et Ève. L'Église nous enseinge que les premiers êtres humains ont été créés dans un état de justice originelle. On ne peut même pas imaginer la beauté de cette justice originelle. Or à cause de leur péché, Adam et Ève ont perdu cette justice originelle. Dieu n'a pas voulu laisser l'être humain dans cet état de déchéance. Immédiatement après le premier péché, Dieu promet un Sauveur, un Rédempteur, qui par sa Mort et sa Résurrection, mettra l'être humain dans un état de justice beaucoup plus élevé que la justice originelle.  

Voici un extrait du livre de Mme Blaquière intitulé: L'Évangile de Marie : Le plus bel 


« Kékaritoménê" devrait pouvoir se traduire par " toi à qui une plénitude de grâce a été donnée, qui s'épanouit en toi aujourd'hui et qui ne te sera jamais enlevée ". Au travers de ce mot, recevons le message que les dons de Dieu sont sans retour. Notre vie spirituelle est bloquée souvent parce que nous disons: Dieu m'avait donné telle grâce, je n'y ai pas répondu et Dieu a certainement repris. Dieu m'avait donné par exemple, une vocation au sacerdoce ou une vocation religieuse quand j'avais vingt ans; je n'ai pas accepté cet appel ou je n'ai pas pu y durer, et aujourd'hui je me dis plus ou moins consciemment: " Je n'ai pas été fidèle et Dieu m'a repris sa grâce. Je serai pour toujours un raté sprirituel ". Cela vaut autant pour le mariage. Au coeur de nos pauvres échecs humains, Dieu garde l'alliance et reste fidèle car " Il ne peut se renier lui-même " (2 Ti 2,13). Oui, Dieu ne reprend jamais ses dons. Jamais ! Dieu simplement, poursuit sa quête d'amour, quels que soient nos chemins. Ce qu'Il nous a donné alors, Il continue de nous le proposer aujourd'hui par un autre chemin. Quant au chemin, Il a une imagination extraordinaire, faisons-Lui confiance! ... » (Georgette Blaquière, L'Évangile de Marie, éditions du Lion de Juda, 1986, pp. 23-24) »  (1)  



Lien avec le Jubilé de la Miséricorde:

 

Il est assez aisé de faire un lien entre ce qui a été dit ci-dessus et le Jubilé de la Miséricorde. Le pape François, dans la magnifique bulle d’indiction du jubilé, intitulée Misericordiae Vultus, au numéro 7, nous dit que les mots « Éternel est son amour » devraient être quotidiennement dans notre coeur et sur nos lèvres:


« Éternel est son amour »: c’est le refrain qui revient à chaque verset du Psaume 135 dans le récit de l’histoire de la révélation de Dieu. En raison de la miséricorde, tous les événements de l’Ancien Testament sont riches d’une grande valeur salvifique. La miséricorde fait de l’histoire de Dieu avec Israël une histoire du salut. Répéter sans cesse: « Éternel est son amour » comme fait le Psaume, semble vouloir briser le cercle de l’espace et du temps pour tout inscrire dans le mystère éternel de l’amour. C’est comme si l’on voulait dire que non seulement dans l’histoire, mais aussi dans l’éternité, l’homme sera toujours sous le regard miséricordieux du Père. Ce n’est pas par hasard que le peuple d’Israël a voulu intégrer ce Psaume, le “grand hallel” comme on l’appelle, dans les fêtes liturgiques les plus importantes.

Avant la Passion, Jésus a prié avec ce Psaume de la miséricorde. C’est ce qu’atteste l’évangéliste Matthieu quand il dit qu’« après avoir chanté les Psaumes » (26, 30), Jésus et ses disciples sortirent en direction du Mont des Oliviers. Lorsqu’il instituait l’Eucharistie, mémorial pour toujours de sa Pâque, il établissait symboliquement cet acte suprême de la Révélation dans la lumière de la miséricorde. Sur ce même horizon de la miséricorde, Jésus vivait sa passion et sa mort, conscient du grand mystère d’amour qui s’accomplissait sur la croix. Savoir que Jésus lui-même a prié avec ce Psaume le rend encore plus important pour nous chrétiens, et nous appelle à en faire le refrain de notre prière quotidienne de louange: « Éternel est son amour ». (Pape François, Misericordiae Vultus, no.7)

Dire que Dieu nous aime d’un amour éternel, c’est la même chose que de dire « kékaritoménè »; c’est Dieu qui veut dire à chacun et chacune de nous: « Je t’ai toujours aimé, je t’aime, et je t’aimerai toujours. »


(1) Tiré de: Dieu ma joie: Décès de madame Georgette Blaquière

dieumajoie.blogspot.com/.../deces-de-madame-georgette-blaquiere.html

 


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