dimanche 28 février 2016

La révélation du nom de Dieu

La révélation du nom de Dieu

En ce troisième dimanche du Carême, la première lecture de la messe nous présente la rencontre de Moïse avec le Dieu vivant. Voici un extrait de cette lecture: 

« Le Seigneur dit: « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel, vers le lieu où vivent le Cananéen, le Hittite, l’Amorite, le Perizzite, le Hivvite et le Jébuséen. …   Moïse répondit à Dieu: « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai: “Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.” Ils vont me demander quel est son nom; que leur répondrai-je ? » Dieu dit à Moïse: « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël: “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : JE-SUIS”. » (Exode, chapitre 3)

« Ce récit magnifique est capital pour la foi d’Israël et donc aussi pour la nôtre: c’est la première fois que l’humanité découvrait qu’elle était aimée de Dieu; au point qu’il voit, qu’il entend, qu’il connaît nos souffrances. Seul, le peuple élu pouvait accéder à cette découverte, parce que personne au monde n’y a pensé tout seul, il a fallu la Révélation. C’est sur ce socle, cette conviction désormais inébranlable que s’est construite la foi d’Israël, et donc, encore une fois, la nôtre.

Je ferai deux remarques : tout d’abord, Dieu se révèle en même temps comme le Tout-Autre et comme le Tout-proche; Il est le Tout-Autre, celui qu’on ne peut approcher qu’avec crainte et respect ET en même temps, il est le Tout Proche, celui qui voit la misère de son peuple et lui suscite un libérateur. » (Marie-Noëlle Thabut, commentaires sur les lectures du dimanche)

En ce troisième dimanche du CarêmeCe commentaire de madame Thabut est intéressant car il met devant nos yeux une des difficultés de notre foi: nous sommes en relation avec trois Personnes divines qui sont à la fois la sainteté même, la transcendance même, mais qui sont en même temps les Personnes les plus près de nous, puisqu’Elles habitent en nous. Dans l’épisode de la révélation de Dieu à Moïse, ce dernier est invité à ne pas s’approcher du buisson ardent et à enlever ses sandales, car le lieu qu’il foule est « saint ». D’autre part, Dieu se révèle comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, un Dieu personnel, qui aime communiquer avec ses enfants et qui surtout désire les aider.

La mentalité des chrétiens que nous sommes en 2016, a été forgée par deux civilisations qui ont des points de vue différents: la civilisation du peuple de la Bible et la civilisation grecque. Pour faire court, et ne pas tomber dans les distinctions, disons que la pensée grecque nous aide à comprendre davantage la sainteté de Dieu, la transcendance de Dieu. En d'autres mots, la pensée grecque nous aide à comprendre « l’être de Dieu ». La pensée hébraïque nous aide à voir un Dieu agissant.  

« À cause de son influence décisive sur ce qu'on appelle la civilisation occidentale, on se limitera ici au Dieu de la révélation judéo-chrétienne. Dans l'Ancien Testament, le Dieu d'Israël n'est pas d'abord le Dieu cosmique, auteur de la nature, mais un Dieu agissant, qui intervient dans l'histoire de son peuple pour qu'elle soit histoire du salut, c'est-à-dire à la fois manifestation et accomplissement de son dessein de salut. Dieu est le « trois fois saint », mais il ne révèle son mystère inaccessible qu'à l'occasion de son action pour l'homme: il est le Dieu tourné vers-nous, le Dieu proche. Ce mouvement de communication qui s'origine en Dieu même ne trouvera son aboutissement plénier et définitif que dans le Nouveau Testament où Dieu se révèle en Jésus-Christ comme amour et comme père. » (1)

Jusqu’à tout récemment, j’avais interprété le nom de Dieu « Je suis », à la manière de la pensée grecque. Pour moi, la révélation faite à Moïse mettait en évidence l’être de Dieu, en ce sens que Dieu est l’être par excellence; Celui qui ne dépend d’aucun autre pour être; « Je suis Celui qui est ». Alors que toute créature dépend de Dieu pour exister. Mais désormais, je comprends le nom de Dieu révélé à Moïse, dans le sens hébraïque. Comme le montre très bien le cardinal Kasper dans son livre sur la Miséricorde, le vrai sens du nom divin « Je suis », veut dire « Je suis là pour t’aider, pour te venir en aide ». « Je suis Celui qui est là pour toi ». Voilà, il me semble, le vrai sens biblique du nom de Dieu révélé à Moïse.

« Dans la pensée hébraïque l'Être n'est pas une entité passive, mais dynamique, et signifie " être là concrètement de manière active et efficiente ". Par conséquent la révélation du Nom de Dieu contient une promesse: Je suis " Celui qui est là. Je suis auprès de vous, avec vous dans votre détresse et je vous accompagne sur le chemin. J'entends vos cris et vos plaintes et je vous exauce. »  (2)

Cela a une grande incidence dans nos vies. Si je vis, je ne vis pas pour moi-même. Je suis là pour les autres. Je suis un être de communication. Je vais réaliser mon être en donnant mon aide à autrui.

(1) [PDF]

DIEU - L affirmation de Dieu Prise de vue - Philo

philo.breucker.org/Geffre.Claude_Dieu_Encycl.Univ..pdf


(2) Walter Kasper, La Miséricorde divine. Notion fondamentale de l'Évangile, p. 55.
  

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