Solennité des saints Pierre
et Paul
À gauche: Martyr de saint Pierre, détail d'une fresque de Masaccio,
chapelle Brancacci, Florence. À droite: icône des saints Pierre et Paul.
Décapitation de saint Paul par Enrique Simonet, 1887
Une
fois le Temps Pascal terminé, ce temps le plus beau de l’année, l’Église agit comme quelqu’un qui,
au terme d’une course effrénée, est dans l’impossibilité de s’arrêter tout d’un
coup, et doit continuer sur son élan. Après la joie immense
de Pâques, nous vivons la joie des Solennités.
Ce fut d’abord la Solennité de
la très Sainte Trinité; ensuite, ce fut la Solennité du Corps et du sang de
Jésus; puis, ce fut la Solennité
du Sacré-Cœur de Jésus; et aujourd’hui, nous vivons la Solennité des saints apôtres Pierre et Paul.
Pour montrer avec évidence que nous célébrons aujourd’hui une solennité, c’est
la liturgie en l’honneur des saints Pierre et Paul que nous adoptons, en ce
dimanche 29 juin. La liturgie des dimanches revêt une telle importance dans la
vie de l’Église, que cela prend une occasion grandiose, en quelque sorte,
pour qu'elle cède sa place. C'est ce qui se produit aujourd'hui : la solennité
du 29 juin, en l'honneur des saints apôtres Pierre et Paul, a préséance sur la
liturgie du 13ème dimanche du temps ordinaire.
Nous célébrons aujourd'hui l’amour qu’ont eu Pierre et Paul pour Jésus, jusqu’à la mort.
Tous les deux ont aimé Jésus jusqu’à la mort. C’est le martyr de Pierre et de
Paul, que l’Église célèbre en ce jour. Le prêtre sera donc vêtu de rouge, ce
qui est assez rare durant une liturgie dominicale. Une des seules fois (et peut-être même la seule fois) où un
dimanche, le prêtre est vêtu de rouge,
c’est le jour de la Pentecôte, jour
où les premiers disciples ont reçu l’Amour de Dieu en abondance dans leurs
cœurs : « L’amour de Dieu a été
répandu dans nos cœurs, par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rom
5, 5). Pour célébrer l’amour, rien de mieux que la couleur rouge, le rouge
étant la couleur de prédilection pour représenter l’amour.
Nous savons très
bien pourquoi saint Pierre et saint Paul ont tant aimé Jésus. Cet amour pour
leur Maître et leur ami, a d’abord été le fruit d’une expérience. Pierre et
Paul ont expérimenté d’une manière unique et bouleversante, le plus grand de
tous les attributs divins : la MISÉRICORDE. Pierre ne s’est jamais remis
d’avoir croisé les YEUX DE L’AMOUR, immédiatement après avoir renié trois fois
son meilleur ami (Lc 22, 61) et Paul n’ai jamais oublié ce qu’il a vécu sur le
chemin de Damas : alors qu’il était plein de fureur contre les chrétiens
et qu’il les faisait prisonniers, une voix lui demande : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu
? » (Ac 9, 4). Animés par l’immense pardon de Jésus et la non moins immense confiance
de leur Maître à leur égard, Paul et Pierre sillonneront les routes de
l’empire romain, en annonçant le Christ mort et ressuscité pour nos péchés.
Voilà la raison qui explique en sa racine, l’amour immense qu’ont eu Pierre
et Paul, envers Jésus.
Mais il existe
une autre raison, selon moi, qui explique l'amour incommensurable que Pierre et Paul
vouent à Jésus. Ces deux apôtres, qui sont les colonnes de l’Église, sont des
êtres « passionnés ». C’est la « passion » que l’on célèbre
aujourd’hui, dans les deux sens du mot passion. Le mot « passion »
vient du verbe latin « patire »,
qui signifie « souffrir »,
comme dans : Passion de Notre Seigneur
Jésus Christ. En ce sens, nous célébrons aujourd’hui le genre de mort
qu’ont subie Pierre et Paul par amour pour Jésus. Tous deux sont morts à Rome: l’un a été crucifié dans le cirque de Néron, l’autre a été décapité aux portes
de la ville. Mais nous célébrons aussi, en un sens, un trait de caractère qui était commun aux deux apôtres: le fait d'être des personnes passionnées, des individus qui sont incapables de demi-mesure; qui, lorsqu'ils aiment, se donnent entièrement.
La grâce que je demande pour moi et pour vous, si vous me le permettez, en cette Solennité des apôtres Pierre et Paul, c'est que Dieu nous accorde un amour passionné pour Jésus. Demandons bien humblement mais sincèrement, d'aimer passionnément Jésus. J'ai lu, il y deux ans le livre de Didier Decoin, intitulé: Il fait Dieu (voir: Dieu
ma joie: Didier Decoin: à contre-courant). Ce livre est tout simplement magnifique. Didier Decoin nous relate les circonstances de sa conversion, qui eut lieu dans la nuit du 8 au 9 septembre. À cause d'une certaine pudeur, que j'ai du mal à m'expliquer, monsieur Decoin a toujours tenu secrète l'année de sa conversion. Dans son livre, quand Didier Decoin parle à Dieu, il l'appelle « mon Amour »:
« Mais il n’est pas facile de te dire
« oui », mon Amour. … Ce « oui », mon Amour, me brûle le
cœur avant de me brûler les lèvres : quand le jour viendra, serai-je
capable de l’articuler? » (Didier Decoin, Il
fait Dieu, Fayard, 1997, pp. 50-51)
J’ai été étonné de voir cela,
et de lire cela. C’était la première fois, à ma connaissance, que je voyais un
homme (une personne masculine), appeler Dieu « son Amour ». Et je
suis pas mal certain que monsieur Decoin n’hésite pas à employer la même
expression, pour parler à Jésus. Ce matin, en me rappelant cela, j’ai été
chercher dans ma bibliothèque, le livre « Il fait Dieu », et j’y ai fait une belle découverte. Je
n’avais pas remarquer, lors de ma première lecture du livre, que c’était en
particulier l’âme de Didier Decoin, qui appelait Dieu « son
Amour » :
« La supériorité première
de Dieu sur les hommes encore prisonniers de la vie, c’est qu’Il sait ce qu’est
une âme, de quoi elle se compose, et à quoi (à quelle soif) correspondent ses sursauts. Si Dieu touche l’âme, s’Il la
frôle seulement, s’Il décide de se frayer un chemin par cette porte-là, inutile
de chercher à résister : tôt ou tard, Dieu aura noué alliance avec la
terrible petite fille que nous abritons. Toute frêle, toute neuve et toute nue
qu’elle soit (rien de plus impudique qu’une âme), elle gravira nos escaliers
intérieurs jusqu’à la lucarne dérobée du grenier. Elle soulèvera le cadre du
vasistas, tendra vers Dieu sa main aux doigts longs, laiteux : « Je Vous attendais, mon amour »,
dira-t-elle. Là où l’intelligence renonce, l’âme commence. » (Ibid, pp. 18 et 19).
Voilà qui est très intéressant,
et qui correspond exactement à mon expérience. Lorsque j’aime Dieu, lorsque
j’aime Jésus, il est bien vrai que c’est mon âme en moi, qui aime Dieu. Ce
n’est pas mon corps. C’est mon âme qui est attirée et éblouie par la Miséricorde
de Dieu, par sa bonté et sa générosité envers tous les êtres. Certaines personnes
n’aiment pas cette conception dualiste de l’être humain, qui nous vient du
monde grec, de la philosophie grecque : cette façon de décrire l’être humain
comme étant « corps et âme ».
Les personnes qui décrient cette façon de penser, vont même parfois jusqu’à
dire que cette façon de voir, est contraire à la pensée du peuple de Dieu, dans
la Bible, car pour les auteurs bibliques, l’être humain est un tout qu’on ne
doit pas « diviser », en quelque sorte, en « corps et
âme ». Pour ma part, j’aime beaucoup la façon dont pensent les Grecs.
Cette conception de l’être humain me permettra dorénavant d’affirmer en toute
quiétude, que Dieu est mon Amour; que Jésus est mon Amour. C’est la grâce
que je demande pour vous et pour moi (à
condition, bien sûr, que vous soyez d’accord avec moi, pour faire une telle
demande à Dieu).
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