Pier Giorgio Frassati: révolutionnaire
« Heureusement qu’il existe
une grande Justice dans l’au-delà, car s’il n’existait pas de Dieu Bon et Juste, notre vie serait inutile » (Pier Giorgio Frassati)
Nous sommes aujourd’hui le 15
juillet 2016, au lendemain de la fête des Français qui s’est terminée hier à
Nice, vers 23h30, par le terrible acte terroriste qui a fait jusqu’à maintenant
84 morts et de nombreux blessés.
Contrairement à ce qu’on pense
généralement, le 14 juillet est fête nationale en France, non pas pour commémorer le 14
juillet 1789, date à laquelle le peuple prit La
Bastille de façon violente et sanglante , mais plutôt le 14 juillet 1790 où fut annoncer
la fondation d’une Fédération nationale
regroupant
des représentants des fédérations locales constituée depuis un an en France.
Les Français fêtent non pas un événement sanglant, mais un désir de fédération,
d’unité nationale (1). Il n’en demeure pas
moins que cette fête a comme véritable origine le début de la Révolution française,
le 14 juillet 1789. Mais je loue ce désir de ne pas fêter un événement
sanglant.
Hier,
eut lieu un acte révolutionnaire très sanglant. Quelle tristesse! Quelle honte!
Je crois en la Révolution ,
mais en la Révolution
de l’Amour. Il faut que soit « révolu » le temps de la haine, de la
destruction et du mépris de la vie humaine.
Tout
chrétien doit être « révolutionnaire »
à la manière de Jésus: contester l’ordre établi, quand il va contre les droits
humains fondamentaux. Pier Giorgio Frassati, qui est devenu mon saint préféré,
a été un révolutionnaire à son époque. Il a voulu et fait la révolution de
l’Amour, révolution fondée sur l’idéal chrétien. Pier Giorgio était très
politisé. Il a lutté contre la montée du fascisme qui fit rage en son temps, ce
qui lui valut quelques séjours au poste de police. Mais Pier Giorgio menait une
lutte pacifique, même s’il chassa un jour à coups de poing des fascistes qui
s’étaient introduits en sa demeure par effraction et qui terrorisaient les
domestiques. Ce côté révolutionnaire pacifiste de Pier Giorgio me plaît et me fascine.
À l’âge
de 21 ans, il entra dans le tiers ordre
Dominicain et prit le nom de Frère Jérôme, en l’honneur de Jérôme Savonarole. Les Dominicains essaient de l’en
dissuader car Savonarole n’était pas un saint ou un Bienheureux de l’Ordre des
Dominicains; il était Dominicain, mais non canonisé ni béatifié. Mais Pier
Giorgio insista pour le prendre comme patron et modèle. Pier Giorgio admirait
Savonarole pour « le courage, rare
en son temps, avec lequel il combattit l’immoralité de toutes les classes de la
société. Il était attiré par Savonarole à cause de sa lutte pour la pureté de
la foi, contre tout ce qui est médiocre, injuste, extérieur, superficiel et
impur. L’intrépidité avec la quelle Savonarole avait défendu ses propres idéaux
et la force avec laquelle il avait combattu la tyrannie représentée par les
Médici, lui plaisait. … Quand on le saluait en l’appelant « Frère Jérôme,
il souriait et souvent répondait: « Que je puisse l’imiter dans la
lutte et dans la vertu » (2) Pier Giorgio
admirait aussi Savonarole pour sa lutte en faveur de la démocratie. Ce frère Dominicain
mort sur la bûcher à cause de ses convictions, était le modèle parfait et comme fait sur mesure
pour le jeune Frassati.
Il se voulut l'héritier du message de Savonarole pour un nouvel ordre laïc, dans lequel se résume la prédication évangélique de cet apôtre qu'il admira dans sa figure morale et sociale, dans sa force de lutteur et de martyr. Le père François Robotti, prieur du couvent au moment de sa prise d'habit, écrivait : "Il m'a demandé de prendre le nom de frère Jérôme, car il voyait dans l'ardent Savonarole un modèle d'austère pureté, de recherche chrétienne de la démocratie et d'ardent apostolat religieux et social. Bien que vivant dans le monde, il voulait imiter ces qualités, spécialement en participant avec ardeur à la vie des associations catholiques de la jeunesse (F.U.C.I.) qui, sous d'autres formes, furent tant aimées du grand réformateur florentin". (3)
Il se voulut l'héritier du message de Savonarole pour un nouvel ordre laïc, dans lequel se résume la prédication évangélique de cet apôtre qu'il admira dans sa figure morale et sociale, dans sa force de lutteur et de martyr. Le père François Robotti, prieur du couvent au moment de sa prise d'habit, écrivait : "Il m'a demandé de prendre le nom de frère Jérôme, car il voyait dans l'ardent Savonarole un modèle d'austère pureté, de recherche chrétienne de la démocratie et d'ardent apostolat religieux et social. Bien que vivant dans le monde, il voulait imiter ces qualités, spécialement en participant avec ardeur à la vie des associations catholiques de la jeunesse (F.U.C.I.) qui, sous d'autres formes, furent tant aimées du grand réformateur florentin". (3)
Engagement
politique:
En période de troubles en Italie, Pier
Giorgio se livre de plus à une forme d'activisme politique, et cela malgré les
dangers liés au contexte politique. Il se forge une pensée démocrate
chrétienne, et milite pour le nouveau parti démocrate chrétien, le PPI, collant
des affiches lors de la campagne pour les élections de 1919, et écrivant dans
le journal du parti "Momento". Il affiche
publiquement son appartenance au groupe politique des Jeunesses catholiques.
En septembre 1921, Pier Giorgio, qui vient d'avoir 20 ans, participe au
premier congrès de la
Jeunesse catholique italienne, à Rome. Le congrès a
l'autorisation de célébrer la messe dans le Colisée le 4 septembre, mais lors
de l'arrivée des fidèles au matin, l'autorisation est reportée et les congressistes
sont accueillis par la police. Alors qu'ils essaient de déposer une gerbe
devant la tombe du Soldat inconnu, la manifestation est interdite par les
autorités. La police exige que tous les drapeaux soient retirés, mais Pier
Giorgio défend celui du Cercle Cesare Balbo. Il finit par être arrêté avec ses
camarades et emprisonné. Au cours d'un interrogatoire musclé, les policiers
apprennent qu'il est le fils de l'ambassadeur d'Italie à Berlin, lui présentent
leurs excuses et veulent le remettre en liberté mais Pier Giorgio refuse de
sortir de prison sans ses camarades, et tous les détenus sont relâchés.
En 1921, Pier Giorgio s'est inscrit au Parti populaire italien de don
Sturzo qui se réclame des idées de la Démocratie chrétienne.
Au cours du mois d'octobre 1921, Pier Giorgio rend visite à sa famille
à Berlin. Il en profite pour passer plusieurs semaines à Fribourg-en-Brisgau où
il étudie, auprès du professeur Karl Rahner, la langue et la culture
allemandes. C'est au cours de cette période, et au cours de discussions avec
Karl Rahner, qu'il renonce au sacerdoce: "Je
veux pouvoir aider, par tous les moyens possibles, les gens de mon pays, et j'y
parviendrai mieux en conservant mon état laïc plutôt qu'en devenant prêtre,
parce que chez nous, les prêtres n'ont pas, comme en Allemagne, de contacts
avec le peuple. Un ingénieur des mines peut, en donnant le bon exemple, avoir
une action plus efficace."
Le 28 mai 1922, Pier Giorgio, après avoir étudié la spiritualité
pendant plus de quatre ans, devient membre laïc du Tiers Ordre dominicain. Il explique ainsi son choix : "Dans l'état laïc,
j'aurai plus facilement des contacts quotidiens avec le peuple, je pourrai plus
facilement assister mes frères." L'année
suivante, il fait profession perpétuelle comme laïc dominicain sous le nom de
Frère Jérôme en l'honneur de Jérôme Savonarole, qu'il admire pour sa volonté de
réforme démocratique et de lutte pour la chasteté. Il continue son engagement
auprès des pauvres, dans lequel il voit "briller
autour de ces êtres misérables et défavorisés une lumière que nous n'avons
pas."
L'arrivée du parti de Benito Mussolini au pouvoir le 28 octobre 1922
est pour Pier Giorgio source d'une grande tristesse, mais aussi d'un sentiment
de révolte dans la mesure où le Parti populaire italien ("les
Populaires"), présidé par Alcide De Gasperi, s'allie aux fascistes dès le
mois de septembre 1922. L 'union
est de courte durée : le PPI est dissout en 1926 et Alcide De Gasperi,
devenu un opposant sérieux, condamné à 4 ans de prison. De Berlin, que sa
famille s'apprête à quitter, Pier Giorgio écrit à ses amis :"J'ai
donné un coup d'œil au discours de Mussolini et tout mon sang bouillait dans
mes veines. Je suis vraiment déçu par l'attitude des Populaires ! Où est
la foi de nos hommes ?[…] Il fait bon vivre ici où l'on est tranquille,
loin du pays tombé entre les mains d'une bande de fripouilles."
En janvier 1923, Pier Giorgio se montre très préoccupé par la crise
internationale que provoque l'occupation de la Ruhr par les troupes françaises. Il écrit une
lettre à la Jeunesse
catholique de la Ruhr
le 13 janvier 1923 ; publiée dans le journal "Deutsche", elle
tend à soutenir la population : "En
ces moments tragiques et douloureux où un pied étranger foule le sol de votre
patrie et vos foyers, nous vous envoyons, nous étudiants catholiques,
l'expression de notre amour fraternel […] La paix véritable naît de l'amour
chrétien pour le prochain et non pas tant de la justice. Or, ces gouvernements
préparent pour toute l'humanité un avenir fait de nouvelles guerres. La société
moderne s'enlise dans les passions humaines et s'éloigne de tout idéal d'amour
et de paix. Nous devons, vous et nous qui sommes catholiques, faire souffler
l'esprit de bonté qui naît seulement de la Foi dans le Christ."
En octobre 1923, le journal auquel il participe, "Momento", soutient désormais le Duce et sort
le drapeau du cercle "Momento" en son honneur lors de sa venue à
Turin. Pier Giorgio écrit alors une lettre de démission du Cercle Cesare Balbo
auquel appartient le journal : "Je
suis vraiment révolté d'apprendre que ce drapeau, que j'ai tant de fois porté
dans les cortèges religieux, tu l'aies exposé au balcon pour rendre hommage à
cet homme qui détruit les œuvres pies, ne met aucun frein aux fascistes, laisse
assassiner les ministres de Dieu comme Don Minzoni, permet que l'on commette
d'autres vilenies et cherche à couvrir ces méfaits en rétablissant le crucifix
dans les écoles […] Je prends toute la responsabilité
de mon acte ; j'ai enlevé le drapeau et je t'adresse irrévocable démission
[…] " (4)
Comme on peut le voir par ces textes, Pier Giorgio était très « politisé ». On le connaît surtout
pour son implication envers les pauvres, mais son implication civile était
beaucoup plus large que cela. Il avait une vision très large et très chrétienne
des choses.
Les amis de Pier Giorgio connaissaient mieux que quiconque son « esprit révolutionnaire ». Pier Giorgio se
faisait appeler « le citoyen
Robespierre » et signait ainsi plusieurs de ses lettres. Ce nom qu’il
se donnait, ne peut que frapper notre intelligence et notre imagination.
Robespierre fut un des agents les plus controversés de la Révolution française. Parfois le jeune Frassati
signait ses lettres de façon encore plus espiègle: « Terroristement te salue Robespierre »: parce qu’il
appartenait à la Société
des Types Louches, Département des Agités, Section Terreur », groupe
avancé d’étudiants – « voyoux » (le mot "lestofanti" est très difficile à traduire) - unis par la passion envers la
montagne, les études universitaires, la religion, les rites étudiants et
les farces. » (5)
Le pape François aime beaucoup Pier Giorgio Frassati. Il a parlé de lui
plus d’une fois. Il y a un an environ, le pape s’est adressé à des jeunes, à Turin, la ville
natale de Pier Giorgio. Le pape a invité les jeunes « à aller à
contre-courant, c’est-à-dire à être courageux et créatifs ». Et
il a cité Pier Giorgio en exemple:
« Et je dirais un mot: faire à contre-courant. Faire à contre-courant. Pour
vous, jeunes qui vivez cette situation économique, même culturelle, hédoniste,
consumiste, avec des valeurs comme des « bulles de savon », avec ces valeurs,
on ne va pas de l’avant. Faire des choses constructives, même petites, mais qui
nous rassemblent, nous unissent entre nous, avec nos idéaux, tel est le
meilleur antidote contre ce manque de confiance dans la vie, contre cette
culture qui t’offre uniquement le plaisir, avoir une vie facile, avoir de
l’argent et ne pas penser à autre chose.
Être à contre-courant,
c’est-à-dire être courageux et créatifs, être créatifs. L’été dernier j’ai
reçu, un après-midi — c’était au mois d’août... Rome était morte — ; j’avais
parlé au téléphone avec un groupe de jeunes filles et garçons qui faisaient du
camping dans diverses villes d’Italie, et ils sont venus me voir — je leur ai
dit de venir —, mais les pauvres, ils étaient tous sales, fatigués... Mais
joyeux ! Parce qu’ils avaient fait quelque chose « à contre-courant » !
Très souvent, les publicités
veulent nous convaincre que cela est beau, que cela est bon, et ils nous font
croire que ce sont des « diamants », mais en réalité, ils nous vendent du verre
! Et nous devons aller contre cela, ne plus être ingénus. Ne pas acheter de
saletés qu’on nous fait passer pour des diamants.
Et pour finir, je voudrais répéter la
phrase de Pier Giorgio Frassati : si vous voulez faire quelque chose de bon
dans la vie, vivez, ne vivotez pas. Vivez ! » (6)
J’ai pris connaissance de ces
paroles du pape en regardant sur l’internet une émission de télévision sur Pier
Giorgio Frassati. À cette émission, était présent Roberto Falciola, le
vice-postulateur pour la canonisation de Pier Giorgio. Quelqu’un lui a
demandé: « Qu’est-ce que cela signifie pour vous être
créatifs ». Il a répondu en parlant d’une photo
très connue qui montre Pier Giorgio qui quitte son habit de riche, se met en bras de chemise et aide des pauvres à déménager. Voilà, selon Roberto Falciola, une forme de
créativité: que les riches aident concrètement les plus pauvres.
À la fin de cette émission
télévisée, Roberto Falciola a raconté un fait qui m’a impressionné:
« Le soir
même des funérailles de Pier Giorgio, le cardinal de Turin Giuseppe Gamba (archevêque de Turin du 1924 à 1929), qui
connaissait Pier Giorgio, a pris une feuille de papier et une plume et a écrit
à un prêtre salésien qui s’appelait Antonio Cojazzi, qui connaissait Pier
Giorgio depuis qu’il était enfant, pour lui recommander de se mettre tout de
suite au travail pour recueillir des témoignages sur la vie de Pier Giorgio,
parce qu’il était convaincu que ce jeune homme serait une lumière capable
d’éclairer le chemin de tant de jeunes. » (7)
Je veux terminer ce blogue en
citant de nouveau le pape François. À l’approche de Noël, en 2013, le pape François
a rencontré les étudiants universitaires de Rome et à la fin de son discours,
il a de nouveau cité Pier Giorgio en exemple:
« Que l’engagement à marcher
dans la foi et à vous comporter de manière cohérente avec l’Évangile, vous
accompagne en ce temps de l’Avent, pour vivre de façon authentique la
commémoration de la
Naissance du Seigneur. Le beau témoignage de Pier Giorgio
Frassati peut vous être utile, lui qui disait: « Vivre sans une foi, sans
un patrimoine à défendre, sans soutenir une lutte continuelle pour la vérité,
ce n’est pas vivre, mais vivoter. Nous ne devons jamais vivoter, mais vivre. » (Lettre a I. Bonini, 27.II.1925) (8)
(2) Beato Pier Giorgio
Frassati terziario domenicano. Ricordi, ...
https://books.google.ca/books?isbn=8870944301
www.dominicains.ca/Histoire/Figures/frassati.htm
(4) Vie du Bienheureux Pier Giorgio Frassati / 1 de 2. - revue En Route
www.revueenroute.jeminforme.org/pier_giorgio_frassati_1.php
(5) Alberto Sinigaglia, Presentazione alla III edizione
di Una vita mai spenta, dans : Luciana Frassati, Mio fratello Pier Giorgio Una vita mai spenta, Aragno, 2010, p.
163.
(6) Visite
pastorale du pape François à Turin, Rencontre avec les jeunes [Français]
(7)
Il diario di Papa Francesco - Puntata del 7 luglio 2016 - YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=0HeydSBtJjk
7 juil. 2016 - Ajouté par Tv2000it
La puntata de “Il Diario di Papa Francesco” del 7 luglio 2016 condotta da Gennaro Ferrara con Marco ...
(8) Célébration des premières vêpres de l’Avent avec les
étudiants universitaires de Rome, le premier dimanche de l’Avent, Basilique du
Vatican, samedi le 30 novembre 2013:
30 novembre 2013
https://w2.vatican.va/.../francesco/.../2013/.../papa-francesco_2013...
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