jeudi 15 novembre 2012

Les Yeux

Les Yeux

 

Chers amis,

 

Dernièrement, j’ai abordé de diverses manières le thème des yeux. J’espère ne pas vous faire faire d’indigestion. Je me permets une nouvelle et dernière variation sur ce thème. C’est un thème important car tout passe par nos yeux; toutes nos émotions se reflètent dans nos yeux : l’amour, la colère, la tristesse, la joie, l’envie, l’étonnement, la peur, etc.

 

Dans mon testament spirituel intitulé « Les Yeux de l’Amour », j’ai dit que j’avais fait l’expérience du regard d’amour de Jésus posé sur moi. Certains semblent avoir pensé que j’ai eu une quelconque vision, ne serait-ce qu’intérieure. Pas du tout. J’ai simplement compris un jour et fait l’expérience que Dieu m’aime. C’est cette expérience somme toute très commune chez les chrétiens, que je décris dans mon testament spirituel. Selon moi, toute personne qui fait un jour l’expérience de l’amour de Dieu pour elle, fait l’expérience des Yeux de l’Amour. Car si un jour nous sentons et croyons que Dieu nous aime, c’est uniquement parce que Dieu nous a regardés avec amour. Saint Jean nous parle clairement de cet « amour premier de Dieu ». Le disciple bien aimé va même jusqu’à dire que si nous sommes capables d’amour, c’est parce que Dieu nous a aimés en premier (1 Jn 4, 19).

 

Dans mon testament spirituel, j’ai clairement affirmé que le passage des évangiles qui me touche le plus, est le regard que Jésus a posé sur Pierre immédiatement après son reniement. J’ai dit que ce regard avait valeur d’éternité. Je veux dire par là, entre autres choses, que ce regard, nous l’expérimenterons pour l’éternité une fois rendus au ciel. J’ai lu ces derniers jours le magnifique livre de Didier Decoin intitulé : Jésus le Dieu qui riait, une histoire joyeuse du Christ. Je recommande à tous la lecture de ce livre. L’imagination débordante de l’auteur et ses descriptions pleines de finesse et d’humour, font de ce livre un réel petit bijou. Vers la fin du livre, Decoin décrit la scène des pèlerins d’Emmaüs. Les deux voyageurs invitent l’étranger qui a fait route avec eux à demeurer avec eux et à entrer dans une auberge. Alors que le repas leur est servi, le voyageur prend le pain, le bénit et soudain les yeux des disciples reconnaissent leur Maître. La façon dont Didier Decoin décrit ce qui s’est passé ce jour-là,  a aussi valeur d’éternité. Voici cet extrait :

 

« Autour d’eux, le brouhaha continue. Les convives parlent haut, plaisantent et rient. Mais Cléophas et son ami ne les entendent pas. Ils ne les voient même pas. Leur regard est concentré sur la seule vision qui justifie qu’on ait des yeux pour voir : le Vivant, tout près d’eux, qui leur sourit.

   Ils voudraient que cela ne s’arrête jamais. Ne jamais ciller ne fût-ce qu’une fraction de seconde, ne jamais tourner la tête, ne jamais bouger, ne jamais quitter cette table ni cet instant, ne jamais sortir de cette auberge ni ne jamais dormir – oh! surtout  ne jamais dormir, ne pas fermer les yeux.

   Ils savent maintenant que l’éternité n’est pas seulement un désir de l’homme mais la vraie dimension pour laquelle il est créé.

   Et tout aussi soudainement qu’ils ont vu, ils ne voient plus. »

 

(Didier Decoin, Jésus le Dieu qui riait, une histoire joyeuse du Christ, Stock, 1999, pp. 299-300)

 

En terminant, je désire vous partager un poème que ma mère m’a appris alors que j’étais adolescent et que j’essuyais la vaisselle en sa compagnie. Ce poème s’intitule « Les Yeux » et a été écrit par un auteur français nommé Sully Prudhomme. Ce poème est très beau et très approprié au mois de novembre que nous vivons présentement. Il y est question d’éternité, de vie éternelle. Ce poème est encore plus beau, comme tous les poèmes d’ailleurs, lorsqu’il est lu ou proclamé à haute voix. J’ai récité ce poème en compagnie de ma mère à plusieurs reprises. Le jour des funérailles de ma chère maman, le 1er novembre 2005, j’ai terminé mon homélie en récitant de mémoire ce doux poème. Je suis sûr que ma mère, une fois de plus, le récitait avec moi, de là-haut.

 

 

Les Yeux,
(de René-François SULLY PRUDHOMME (1839-1907)

 
 
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore.

Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre ;
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d'ombre.

Oh ! qu'ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n'est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu'on nomme l'invisible ;

Et comme les astres penchants,
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent :

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l'autre côté des tombeaux
Les yeux qu'on ferme voient encore.

 

3 commentaires:

  1. Quel superbe poème! Je me le réserve et le place dans mes favoris! C'est magnifique.

    Comme la chanson que Lise m'avait partagée il y a un certain temps de Famille Myriam, "Ton regard, Jésus". Je l'écoute régulièrement et il me fait toujours le même effet, un baume sur le coeur et l'esprit.

    Merci, père Guy, de nous avoir partagé ce si beau poème!

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  2. Oh père Guy, je viens de découvrir un fort beau lien et je vous le partage sans tarder. C'est tellement fabuleux l'interprétation de cette chanson, de l'auteur montréalais Leonard Cohen!

    http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=T2NEU6Xf7lM

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  3. Cher Guy,

    Je viens de lire ton texte intitulé «Les yeux». C'est très beau. Merci d'attirer notre regard, encore une fois, sur les yeux de l'amour. N'hésite pas à le faire à nouveau. Tu fais bien de faire la promotion du merveilleux livre de Didier Decoin.

    bye.

    Michel

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