En ce 11 septembre 2011, les gens de tous les coins du monde font mémoire d’un bien triste événement : il y a dix ans, avaient lieu les terribles attentats qui ont bouleversé le monde entier et qui ont changé à jamais le cours de l’histoire et la vie en société. Et voici que la Parole de Dieu de ce 24ème dimanche du temps ordinaire nous parle très fortement et très clairement de la nécessité de pardonner les offenses. Je suis toujours émerveillé de constater que la vie civile et la vie de foi sont intrinsèquement liées et de voir que très souvent la Parole de Dieu du jour jette une lumière extraordinaire et éclatante sur des événements civils qui se déroulent ce même jour.
Si j’avais à décrire la religion chrétienne en un seul mot, je serais porté à dire que c’est la religion du pardon. Bien sûr, la religion chrétienne est la religion de l’amour; mais la façon très particulière dont notre Dieu vit l’amour se nomme : la miséricorde. Le Dieu des chrétiens est avant tout le Dieu miséricordieux. Comme la première lecture, le psaume et l’évangile de la messe d’aujourd’hui sont beaux ! Tous ces textes font l’éloge de la miséricorde de Dieu. Je vous invite à aller sur internet et à écrire les mots suivants sur un moteur de recherche de votre choix : 24ème dimanche du temps ordinaire, année A. Vous y trouverez aisément les lectures bibliques de la messe d’aujourd’hui.
Il m’arrive d’entendre dans les médias ou ailleurs des personnes qui disent ceci : « Jamais je ne pardonnerai à telle personne ce qu’elle m’a fait. » ou encore : « Cette personne que je connais et qui vit encore, je l’ai complètement exclue de ma vie; elle n’existe plus pour moi tellement est grand le mal qu’elle m’a fait. » Lorsque j’entends de tels propos, j’éprouve une très grande tristesse. Ces phrases figurent parmi les plus tristes que je puisse entendre. Je me dis alors : « Ces personnes ne sont peut-être pas chrétiennes »; ou, si elles sont chrétiennes, il y a un aspect tellement important du christianisme qu’elles méconnaissent ou qu’elles ont mis de côté : la nécessité de pardonner. Aujourd’hui, en répondant à la question de Simon-Pierre qui lui demande combien de fois il doit pardonner à son frère ou sa sœur qui l’a offensé, Jésus répond : « Jusqu’à soixante-dix fois sept fois », ce qui veut dire à l’infini. Et Jésus, pour bien faire comprendre cette exigeante réponse, invente une autre de ces paraboles qui s’imprègnent dans notre mémoire dès la première fois que nous l’avons entendue : la parabole du débiteur impitoyable en Mathieu 18, 23-35. Jésus termine cette parabole en disant : « C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur. » Non seulement je me dois de pardonner les offenses qu’on me fait, aussi grandes soient-elles, mais je ne dois pas pardonner à moitié; je dois pardonner de tout mon cœur. (1)
Voilà la bonne nouvelle de l’évangile; voilà la bonne nouvelle de Jésus Christ. Il est certain qu’à première vue, cette bonne nouvelle ne semble pas très bonne. Qui de nous n’éprouve pas de difficulté à pardonner ? Certains torts subis par des gens sont tout simplement abominables et peuvent aisément sembler impardonnables. Mais la bonne nouvelle de Jésus Christ peut se résumer en une phrase : « Pour les hommes c’est impossible, mais pas pour Dieu, car tout est possible à Dieu. » (Mc 10, 27) De plus en plus, je considère notre religion comme la religion de l’impossible. Avec Dieu, je puis tout. C’est ce que la Vierge Marie a surtout retenu de sa conversation avec l’archange Gabriel : « Car rien n’est impossible à Dieu. » (Lc 1, 37) C’est cette phrase de l’ange qui a convaincu la Vierge Marie de répondre un « oui total » à la demande et à l’invitation que lui adressait notre Père du ciel par l’intermédiaire de son angélique envoyé. Et c’est cette phrase que Marie a médité dans son cœur tout au long de son existence terrestre et qui a guidé ses choix et ses décisions. Seul je suis souvent incapable de faire ce que Dieu me demande. Or, je ne suis jamais seul. Dieu m’invite constamment à croire qu’Il est avec moi; bien plus : qu’Il est en moi et puisqu’Il est en moi, avec Lui, tout est possible. En saint Marc, Jésus nous dit : « Tout est possible à celui qui croit. » (Mc 9,23)
Jésus nous demande de pardonner. Il peut nous le demander car lui, Il l’a fait : Il nous a pardonné et Il nous pardonne continuellement. La merveille en Jésus, c’est que pour lui, il n’y a aucune dichotomie entre le dire et le faire. Il n’y même pas de distinction entre le dire et le faire. Comme nous sommes loin de suivre cet exemple divin, n’est-ce pas? Il est vraiment le Fils de Celui dont nous parlent les premiers versets de la Bible, Celui dont il est dit : « Il dit … et ce fut fait; Il dit … et cela arriva. »
Les plus grands exemples de pardon, Jésus nous les a donnés alors qu’Il était sur la croix. Jésus sur la croix, nous a laissé sept paroles. Les deux premières paroles qu’Il a prononcées sur la croix sont des paroles de pardon. Je suis toujours émerveillé de constater qu’il y a un consensus sur les paroles de Jésus en croix. L’ordre dans lequel les sept paroles de Jésus ont été dites semble admis par tous. Je ne sais vraiment pas comment on est arrivé à un tel consensus, mais de fait, consensus il semble bien y avoir. Or, la première parole de Jésus en croix fut : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23, 34) Il faut le faire : demander à notre Père du ciel de pardonner ce crime abominable qu’est le déicide. Jésus implore le pardon de Dieu alors qu’Il est crucifié par nous et pour nous. Et comme le dit un auteur que nous lisons dans le bréviaire à chaque année et dont j’ignore pour le moment le nom, Jésus, sur la croix, non seulement demande pardon pour nous, mais en plus, Il nous excuse : « Pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » S’ils savaient ce qu’ils font, ils ne le feraient jamais. Jésus va jusqu’à nous excuser pour implorer le pardon de Dieu.
La deuxième parole de Jésus en croix est aussi une parole de pardon : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » (Lc 23, 43) Celui qu’on appelle désormais le bon larron, semble avoir été particulièrement touché par l’attitude de Jésus en croix et par la première des sept paroles qu’il a prononcées à l’heure de sa mort, dans les plus atroces douleurs. Ce bandit fut à ce point touché et éclairé par la grâce qu’il a reconnu en Jésus le Messie. Se tournant vers Jésus, il lui dit : « Jésus, souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton Royaume. » (Lc 23, 42) Par cette parole, qu’est-ce que le bon larron disait sans l’exprimer très clairement ? Il disait : « Toi qui es roi, toi qui es le roi des rois, aie pitié de moi quand tu viendras inaugurer ton règne de justice et de paix. » Et Jésus, sur le champ, lui fit miséricorde. La miséricorde de Dieu s’exerce instantanément; elle se vit en un clin d’œil. À peine le pécheur demande-t-il pardon qu’il est sur le champ pardonné. N’est-il pas normal que les deux premières paroles de Jésus en croix nous soient rapportées par saint Luc, l’évangéliste de la miséricorde ?
En terminant, j’aimerais dire un mot sur le Notre Père. La première partie du Notre Père porte sur Dieu, sur les devoirs à rendre à Dieu et sur le désir que le Règne de Dieu arrive. La deuxième partie du Notre Père regarde notre existence à nous les hommes; elle porte sur ce qu’il nous est nécessaire pour vivre et sur la façon de nous comporter. La première demande de cette deuxième partie porte sur le pain. Il est évident que Jésus ne parle pas alors seulement du pain dont nous avons besoin pour nourrir la vie de notre corps, mais aussi du Vrai Pain venu du ciel, le pain qui est son Corps et son Sang. L’eucharistie étant la source et le sommet de la vie chrétienne, il est normal que la première demande de la deuxième partie du Notre Père porte sur elle. Mais immédiatement après vient la demande du pardon : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. » Voilà un autre signe évident de l’importance que Jésus accorde au pardon des offenses.
(1) De tous les commentaires que j’ai lus durant ma vie sur les paraboles de Jésus, pas un n’égale selon moi la façon dont notre pape actuel les explique. Benoît XVI a un don particulier pour nous faire goûter les paraboles. Dans son livre intitulé Jésus de Nazareth, Benoît XVI consacre son 7ème chapitre au message des paraboles. Dans ce chapitre, il commente de façon particulièrement éclairante quelques unes des paraboles de Jésus. Nous pouvons alors mieux comprendre la toute première phrase de ce chapitre 7 : « Les paraboles constituent sans aucun doute le cœur de la prédication de Jésus. » (Jésus de Nazareth, p. 207)
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