Aujourd’hui, je désire vous partager un des textes les plus beaux que j’aie lus durant ma vie. D’après ce que je peux comprendre, il s’agit d’un fait vécu. Je n’ai pas de difficulté à croire que ce texte décrive des faits réels, étant donné la justesse des descriptions et des émotions ressenties. Mais qui sait ?
(Post scriptum écrit le 6 juin 2015: J’ai maintenant la preuve que ce fait est
véridique. Le jeune missionnaire se nomme Vincent Carme. Je développe ce point sur un de mes blogues. Pour le lire , veuillez cliquer sur les mots suivants: Une belle grâce reçue).
Nous, à Madagascar, nous avons peut-être de grandes joies. Mais il y a aussi des moments de découragement, lorsqu’on a le paludisme sous ce climat tropical humide ou lorsqu’on a des coups durs et que rien ne va plus. Ce jour-là, j’étais justement en crise comme on dirait en Europe. Rien n’allait plus. J’étais découragé. Je croyais friser une dépression nerveuse.
Or, on s’était donné le mot entre jeunes missionnaires que lorsque ça n’irait pas, on ne resterait pas seuls, on irait voir le confrère le plus proche. C’est ainsi que je saute sur ma moto et me voilà parti pour une ville qui se trouve à environ 70 kilomètres de l’endroit où je travaille. Je voulais aller voir un ami qui était prêtre.
Je l’ai trouvé en train de passer en visite médicale les enfants des lépreux. Je ne devais pas avoir une belle figure en entrant chez lui, car il me dit : « Qu’est-ce qui ne va pas? Tu en fais une tête ! » Et il voulait renvoyer les enfants. Je lui dis : « Non, finis ton travail. Pendant ce temps, j’irai prier un peu à l’église. Après on reparlera. »
Arrivé à l’église de la léproserie, j’ai commencé une prière hargneuse, une prière de colère. J’accablais Jésus de reproches. « Pourquoi permets-tu cela ? Pourquoi ce découragement ? Pourquoi cette mauvaise santé ? Moi, qui ai tout donné … ». Ce n’était pas une prière. Ou, si vous voulez, c’était une prière contestante.
Soudain, la porte bougea. Je me retournai. C’était un lépreux. Il était aveugle. Dans ses orbites rouges on voyait deux boules blanches. C’était affreux à voir. Il n’avait plus ni mains ni pieds. Et pour se déplacer, il était obligé de se traîner sur ses genoux. Ceux-ci étaient probablement atteints aussi, car il les avait protégés avec deux bouts de chambre à air.
Et le voilà qui se traîne jusqu’à ma hauteur. Il était à côté de moi. Je sentais même son odeur, parce que les lépreux ont une odeur caractéristique. Et là, se croyant seul lui aussi, il se mit à prier, à haute voix. Et c’était une prière de louange. Une prière d’action de grâces. Une prière merveilleuse. Je ne sais plus tout ce qu’il a dit. Mais ce que j’ai retenu, c’est ceci : « Je te remercie mon Dieu pour tout ce que tu as fait pour moi durant ma vie. Je te remercie même pour cette maladie. Si je n’étais pas devenu lépreux, je serais resté dans ma brousse. J’aurais probablement été un homme riche puisque je possède des zébus et des rizières. Mais je ne t’aurais jamais connu. À cause de cette maladie, j’ai abouti ici, à la léproserie. Et c’est là que j’ai appris à te connaître. Et te connaître vaut plus que tout le reste. Aussi, je te remercie pour tout, même pour cette maladie. »
J’avais le souffle coupé. Ma prière hargneuse aussi était coupée. Je me suis mis à pleurer. Et à voix basse, j’ai conclu ma prière : « Pardonne-moi, mon Dieu. Plus jamais je ne murmurerai contre toi. »
Histoire vraie – 1960.
Dans l’évangile selon saint Jean, Jésus dit dans la prière communément appelée « sacerdotale » : « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. » (Jn 17, 3)
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