jeudi 28 février 2013

Mère Teresa calomniée

Mère Teresa calomniée

Chers amis, nous vivons des moments extraordinaires comme catholiques depuis quelque temps. Aujourd’hui même, en ce 28 février 2013, une page d’histoire s’écrit; elle s’écrit pour la postérité, mais elle s’écrit surtout pour nos cœurs et dans nos cœurs : le pape Benoît XVI se retire comme vicaire de Jésus Christ, notre Seigneur. Quel geste extraordinaire de liberté, de confiance et d’amour envers Jésus et Son Église! Partout dans le monde, on parle ces jours-ci, de l’Église catholique. Il ne faut donc pas se surprendre si celui que j’ai appelé « l’Adversaire » au début de ce carême, montre les dents et se déchaîne. Oh oui, il y en a un aujourd’hui qui n’est pas content du tout et qui le montre. Pour cela, il se sert de ses amis qui ont la plume facile. Ayant aussi la plume facile, j’entre volontiers dans cette lutte pour la vie ou pour la mort.

Depuis que le pape a annoncé son retrait comme pape, certains ont insinué que ce geste était causé par des révélations ou informations cachées aux yeux du commun des mortels, informations qui mettraient le pape dans un tel embarras, qu’il s’est senti obligé de démissionner. Pour moi, une telle interprétation du geste magnanime du pape est une pure fantaisie et est à des années lumières de la vérité. Le pape que nous avons eu depuis huit ans et qui nous quitte aujourd’hui, est un homme tellement libre! S’il avait été un peu plus jeune et un peu plus en forme, il serait pape demain le premier mars. Aucune difficulté ne l’aurait fait quitter la barque de Pierre, s’il était davantage en forme.

Et voici que l’Adversaire se déchaîne ces jours-ci, sur une autre icône de Jésus Christ : sainte Mère Teresa. Il faut vraiment qu’il soit furieux, cet ange des ténèbres! Et pour ce faire, il se sert malheureusement de journalistes et de chercheurs Montréalais. J’habite Montréal, celle que j’appelle souvent la Babylone québécoise. J’y habite par vocation, par appel de Dieu, mais pour un chrétien, et encore plus pour un catholique, ce n’est pas une partie de plaisir que d’habiter dans cette ville où les médias ne cessent d’attaquer nos croyances et notre religion. Mais il fait bon mener le combat pour la vérité. Il fait bon d’agir ainsi, et c’est surtout si important pour notre chère province de Québec, cette terre tellement bénie de Dieu depuis ses origines chrétiennes. Il y a quelque chose de paradoxal dans notre vie de chrétiens : il nous faut aimer ceux que nous combattons, mais il nous faut aussi aimer le combat. Vous trouverez ci-dessous, à la fin de ce texte, deux liens internet. Le premier lien traite d'un article qui sera bientôt publié dans la revue scientifique "Studies in Religion", et qui aura pour but de présenter un regard négatif sur la personnalité et les oeuvres de Mère Teresa. Le second lien, reproduit un texte beaucoup plus crédible, écrit lui aussi par un Montréalais, mais un Montréalais qui a travaillé durant plusieurs mois aux côtés de la sainte de Calcutta.

Parmi les critiques des chercheurs Montréalais, on retrouve ceci: Mère Teresa et ses Soeurs auraient soigné des pauvres dans des conditions hygiéniques lamentables et dangereuses. À cela, le second texte répond de façon assez admirable. Pour ma part, je ne serais pas surpris que dans certaines circonstances, les Soeurs Missionnaires de la Charité, n'aient pas pu faire autrement. Mais cela constitue l'exception qui confirme la règle. Il s'agit de l'arbre qui cache la forêt. À vouloir coller son nez et ses yeux sur l'arbre, on finit par ne pas voir la forêt, par perdre de vue " the big picture ", la situation dans son ensemble. Le bien immense opéré par les Soeurs de Mère Teresa, ne saurait être terni par des erreurs de parcours, surtout si ces erreurs étaient involontaires. De même en est-il des mauvaises façons d'administrer les sommes d'argent reçues. Je fais partie d'une très petite Congrégation religieuse dans le monde, et je constate que nous n'avons pas toujours bien administré les sommes d'argent reçues de nos bienfaiteurs. Cela est humain et malheureusement inévitable. Mais insinuer que telle est la façon habituelle et normale d'administrer des biens, est très pernicieux à mes yeux. C'est ce que j'appelle du dénigrement malhonnête. Et que des personnes qui ne partagent pas la foi catholique s'en prennent à Mère Teresa parce qu'elle a lutté toute sa vie contre l'avortement, cela ne surprend guère. On ne peut bien juger des règles de morale du catholicisme, que de l'intérieur. L'Église a toujours soutenu que l'avortement est un " crime abominable ", tellement abominable qu'elle y a attaché une peine d'excommunication. Pour voir cela, il faut avoir en quelque sorte "les yeux de Dieu"; on ne peut demander aux personnes qui désirent une société purement laïque, d'avoir un tel regard.
Le jour où on a donné le Prix Nobel de la paix à Mère Teresa, le 10 décembre 1979, elle a dit ceci à tous ceux et celles qui on bien voulu l’entendre :

 « Et je ressens quelque chose que je voudrais partager avec vous. Le plus grand destructeur de la paix, aujourd'hui, est le crime commis contre l'innocent enfant à naître. Si une mère peut tuer son propre enfant, dans son propre sein, qu'est-ce qui nous empêche, à vous et à moi, de nous entretuer les uns les autres ? »
 
La sainteté de Mère Teresa est prouvée à l’évidence pas ses œuvres: des millions et des millions de pauvres secourus et aimés par des milliers et des milliers de Sœurs Missionnaires de la Charité, la Congrégation religieuse fondée par Mère Teresa. Jésus a dit clairement que l’on juge un arbre à ses fruits. Mais je vais vous dire ce qui m’épate le plus dans la vie de cette nouvelle Thérèse des temps modernes: ce qui prouve à mes yeux, hors de tout doute, que Mère Teresa est une des plus grandes saintes de l’histoire de l’Église, c’est le drame qu’elle a vécu au-dedans d’elle-même pendant plus de quarante ans, et surtout la façon dont elle a vécu cette dure épreuve. C’est ce que nous savons, grâce à un livre publié récemment en français et intitulé : « Mère Teresa, « Viens, sois ma lumière », Les écrits intimes de la sainte de Calcutta », publié à Paris, aux Éditions Lethielleux (l’original en anglais, intitulé « Come, Be My Light », est paru en 2007). Grâce à des lettres intimes, que Mère Teresa aurait désiré que l’on brûle avant sa mort, nous connaissons l’immense drame intérieur que la sainte de Calcutta a vécu pendant environ cinquante ans. Elle a connu ce que de grands mystiques de l’histoire de l’Église ont connu : la nuit obscure des sens, la nuit de la foi; la nuit terrible de la foi. Voici un des extraits de ses lettres :

« Il y tant de contradiction dans mon âme, un profond désir de Dieu, si profond qu’il fait mal; une souffrance permanente, et avec cela, le sentiment de ne pas être voulue par Dieu, rejetée, vide, sans foi, sans amour, sans zèle … Le ciel n’a aucun sens pour moi : il m’apparaît comme un lieu vide! »

Et Mère Teresa a écrit au Père Joseph Neuner, s.j., le 6 mars 1962 : « Si jamais je deviens sainte, je serai certainement une sainte des « ténèbres ». Je serai continuellement absente du Ciel pour allumer la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres sur terre. »

Et pourtant, malgré tout cela, Mère Teresa souriait tout le temps et désirait que ses Sœurs sourient à leur tour. J’ai vu de mes yeux Mère Teresa en 1978; elle était à un mètre de moi et je l’ai entendue dire devant moi : « Si une jeune fille ne sourit pas, il vaut mieux qu’elle entre dans une autre Congrégation religieuse que la mienne. » Cette chère sainte a aussi dit un jour : « La joie est le meilleur moyen de prêcher l’Évangile. ». Vous savez à quel point la joie est un thème qui me tient à cœur. Dans le passé, j’ai prêché des retraites à des religieuses et à des religieux. J’avais un thème unique; le titre de ma retraite était le suivant : « Soyez les témoins de ma joie ». J’ai prêché une retraite aux Sœurs Missionnaires de la Charité au Liban. Quelle ne fut pas ma surprise en arrivant chez elles, de voir les mots suivants écrits en grosses lettres au dessus de la porte d’entrée : « House Of Joy » (« Maison de la joie »). Mère Teresa a manifesté à chaque jour sa joie d’être chrétienne, alors qu’elle n’éprouvait en son cœur que tristesse et amertume. Cela nous montre une fois de plus que la joie, tout comme l’amour, n’est pas d’abord un sentiment, mais plutôt une décision. Et cela nous montre à l'évidence que Teresa de Calcutta est une sainte extraordinaire.





vendredi 22 février 2013

Noël Colombier

Noël Colombier

Chaque pays a ses troubadours de la Bonne Nouvelle. Au Québec, nous avons Robert Lebel; en France, ils ont Noël Colombier. Je sais qu'il y en a bien d'autres, mais ce sont ces deux noms qui me viennent en ce moment à l'esprit.

En ce 22 février, fête de la Chaire de Pierre, Je vous propose d'écouter le chant de Noël Colombier, intitulé: " Qui es-tu Jésus? ". Ce chant se termine par la profession de foi de l'apôtre Pierre, que nous avons entendue dans l'évangile d'aujourd'hui.

Si le coeur vous en dit, vous pourrez aussi écouter un autre chant de Noël Colombier, intitulé: " Oh,  ce regard, je ne l'oublierai jamais ! " Si vous êtes des habitués de ce blogue, vous savez à quel point le regard de Jésus, le regard qu'Il pose sur chacun de nous,  me fascine. Peu de chants, selon moi, ont aussi bien décrit ce regard que celui reproduit ci-dessous. Je suis convaincu que toutes les personnes qui ont eu la grâce de croiser ou de contempler ce regard, ne l'ont jamais oublié.

Noël Colombier Qui es tu Jésus - Vidéo Dailymotion

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samedi 16 février 2013

Quarante jours mis à l'épreuve par le démon

Quarante jours mis à l’épreuve par le démon

À chaque année, nous commençons les dimanches du Carême par le récit des tentations de Jésus au désert : Jésus tenté par le diable, par le démon. Cette année, nous lisons l’évangile de saint Luc. L’évangile de ce premier dimanche du Carême commence ainsi :

« Après son baptême, Jésus, rempli de l’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain; il fut conduit par l’Esprit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut mis à l’épreuve par le démon. » (Lc 4, 1-2)

Le temps le plus fort de l’année pour les chrétiens, commence sous le signe de la lutte, du combat. L’antienne du bréviaire qui ouvre nos journées dit ceci : « Les yeux fixés sur Jésus Christ, entrons dans le combat de Dieu. ». Voilà ce que nous sommes invités à faire durant le carême : fixer les yeux sur Jésus pour apprendre de Lui à lutter. Saint Luc nous dit que cette lutte, elle est voulue par Dieu. C’est l’Esprit Saint reçu par Jésus le jour de son baptême, qui conduit notre Sauveur au désert pour  qu’Il soit tenté par le diable, nous dira clairement saint Mathieu (Mt 4, 1). Avouez comme moi, qu’il n’est pas à la mode de parler du diable. Mais depuis quand, dites-moi, le chrétien est-il appelé a s’ajuster à la mode du temps? Dieu et son Église veulent que tous les enfants de Dieu entendent parler aujourd’hui de leur ennemi numéro un. Car lorsqu’on engage un combat, il faut d’abord, minimalement, connaître son adversaire. Or notre adversaire numéro un, chers amis, ce ne sont pas les journalistes athées qui se plaisent à nous décrier et à se moquer de nous; ce ne sont pas les vendeurs de drogue qui avilissent notre jeunesse; ce ne sont pas les mafieux qui tuent à volonté et détournent d’immenses sommes d’argent. Non, notre adversaire numéro un est celui qui inspire tous  ces gens, et qui, malheureusement, essaie d’inspirer chacun et chacune de nous. Et qui plus est, cet ennemi est invisible et tout près de nous.

Notre adversaire numéro un, c’est le « diabolos », mot grec qui signifie « le diviseur ». L’évangile de Luc a été écrit en grec. Le mot grec que Luc a utilisé aujourd’hui est « diabolos » qu’on a traduit par « tentateur » dans le texte liturgique de ce dimanche. Ce n’est pas mauvais. En tout cas, c’est mieux que « diable », selon moi. Car diable, dans la culture actuelle, nous renvoie à un être cornu muni d’une fourche. Le « diabolos » n’a pas de corne et n’a pas de fourche. Toutefois, à côté de lui, nous ne sommes pas de taille; à côté de lui, nous ne faisons pas le poids. S’il n’y avait que lui et nous à être engagés dans le combat, la lutte serait de très courte durée et très inégale. Nous ne pouvons vaincre cet ange des ténèbres que si nous nous tenons en compagnie de notre Sauveur bien-aimé, Jésus Christ. Si nous gardons les yeux  et le cœur fixés sur Jésus Christ, nous n’avons rien à craindre de l’Adversaire. Voilà le nom que je préfère donner, pour ma part, au « diabolos » : « l’Adversaire ». L’Adversaire avec un grand « A », car tous nos autres adversaires ne sont rien en comparaison de lui.

J’aime beaucoup le nom que Jésus donne au « diabolos » dans les évangiles. Jésus l’appelle : « le père du mensonge »:

" Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. Il était homicide dès le commencement et n'était pas établi dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, parce qu'il est menteur et père du mensonge." (Jn 8, 44)

Voilà vraiment ce qu’il est : le menteur numéro un. Dès les premières pages de la Bible, l’Adversaire est présenté comme le spécialiste du mensonge. Alors que Dieu avait permis de manger de tous les arbres du jardin, sauf un, l’Adversaire s’approche de la femme et lui dit : « Alors, Dieu vous a dit de ne manger d’aucun arbre du jardin » (Gn 3,1) C’est ainsi qu’une Bible qui fait autorité dans le milieu anglophone, traduit la phrase de l’Adversaire. Et je crois que cette traduction est la bonne. La femme répond alors que non; ils peuvent manger de tous les arbres, sauf un. Et elle ajoute que d'après les dires de Dieu, si elle et Adam mangent de cet arbre, ils mourront. Et l’Adversaire de répondre : « Pas du tout » (Gn 3, 4) Deux phrases dites par l’Adversaire, et ce sont deux mensonges. Les trois petits mots « pas du tout » sont d’une concision et d’une finesse psychologique extraordinaires. Combien de fois j’ai entendu l’Adversaire me souffler à l’oreille ces trois courts mots avec une gentillesse hypocrite, comme s’il voulait mon bien! Et combien de fois, je suis tombé dans le panneau, dans le piège! Le récit du premier péché est un des textes de la Bible les plus beaux selon moi, et les plus forts. La personne qui a écrit ce récit plusieurs siècles avant la venue de Jésus, devait être très intelligente, et elle en savait plus sur la condition humaine, que la majorité de nos romanciers actuels, fussent-ils les meilleurs et les auteurs de " best sellers ".

Chers amis, si nous voulons vivre un bon Carême et remporter le bon combat de la foi, gardons les yeux fixés sur Jésus Christ, notre bien aimé Sauveur.

Bon Carême; bonne lutte !

Le film " Alleluia " présenté à nouveau

Le film " Alleluia " présenté à nouveau

Chers amis, voici une très bonne nouvelle: le très beau film documentaire " Alleluia " sera présenté à nouveau à Montréal, vendredi prochain le 22 février à 19h, à la Grande Bibliothèque. Ce film, d'une durée de 55 minutes avait été présenté à Montréal en novembre dernier et à Québec en décembre. J'ai assisté à la première du film en novembre et j'ai été ébloui par la qualité et la vérité de ce film documentaire présentant quatre jeunes québécois en cheminement vocationnel ches les Dominicains. J'ai alors écrit un texte sur mon blogue, intitulé: " Un vent de fraîcheur ". Pour lire ce texte, veuillez cliquer sur les mots suivants: Un vent de fraîcheur.

Je vous encourage fortement à aller voir ce film. Vous en sortirez grandis, éblouis et enthousiasmés. Vous m'en donnerez des nouvelles. Voir les détails ci-dessous.

Sur les étages / Alléluia

Séance 3008 - Vendredi 22 février 2013 - 19h00 à 20h46 Grande Bibliothèque - Auditorium

AlléluiaVoir le detail

Jean-Simon Chartier / 00h54m29s / coul / 2012 / V.O. : française
Ce film est en compétition pour les prix suivants : Prix du public Télé-Québec et Prix Pierre et Yolande Perrault



 Perrault

vendredi 15 février 2013

Peut-on causer de la peine à Dieu?

Peut-on causer de la peine à Dieu?

Voilà toute une question, n’est-ce pas? Il y a deux jours, nous avons vécu en paroisse, le premier pardon (c’est ainsi que nous nommons dans les environs la première fois que les enfants de nos parcours de vie chrétienne, s’approchent du sacrement de la réconciliation). La catéchète a posé cette question aux enfants : « Peut-on faire de la peine à Dieu? » C’est moi qui avais suggéré à la catéchète de poser cette question. La réponse donnée par un enfant fut : « Oui ». On dit souvent que la vérité sort de la bouche des enfants; je crois pour ma part, que cette réponse est conforme à la réalité et que de fait, nous pouvons attrister Dieu, causer de la peine à Dieu. Mais je sais très bien que cette prise de position de ma part peut causer problème théologiquement. Si Dieu est dans la gloire et, comme on le dit souvent, dans une joie indicible et infinie, comment peut-il souffrir de quoi que ce soit? Et nous entendons souvent les gens dire : « À quoi cela servirait-il aux saints et aux saintes qui sont actuellement dans la gloire du ciel (et parmi eux il y a sûrement de nos parents et amis) de pouvoir encore souffrir? Ce serait un non-sens; ou bien ils sont dans la béatitude éternelle, ou bien ils ne le sont pas. » J’avoue que c’est tout un problème; tellement un problème, que les gens ne semblent pas vouloir en parler. C’est presque un sujet tabou. Cela fait longtemps que je me bats avec ce problème, pour ainsi dire, et que je cherche des gens qui peuvent m’éclairer sur le sujet. Je sais que le Père François Varillon, jésuite, soutient que Dieu le Père souffre, qu’il y a de la souffrance en Dieu. Je pense que l’abbé Maurice Zundel, avant lui, aurait soutenu la même thèse.  Je viens de voir sur l’internet, que l’abbé Pierre Descouvemont a écrit un livre récemment sur ce sujet, intitulé : « Dieu souffre-t-il? » Bravo cher abbé Descouvemont d’avoir eu le courage d’écrire un lire sur ce sujet! J’espère lire ce livre prochainement.

Lorsque j’étais jeune, Julien Clerc chantait: " Ça fait pleurer le bon Dieu ". Dans cette chanson, Julien Clerc se demande pourquoi les enfants pleurent souvent, et ce qui les fait pleurer. Il cite alors les paysans qui disent aux enfants de ne pas pleurer car cela fait pleurer le bon Dieu de les voir si tristes. Vers la fin de la chanson, il dit: " Depuis bien sûr j’ai appris que l’bon Dieu ne pleurait pas … du moins pas aussi souvent, pas aussi souvent qu'on croit " (1).  Les paroles de cette chanson traduisent le fait qu’on imagine assez mal Dieu le Père en train de souffrir de quelque peine que ce soit. Et pourtant j’ai personnellement la conviction qu’on peut attrister Dieu. Puisqu’un blogue a pour but, normalement, de permettre une interaction entre les lecteurs et le blogueur, je vous invite chaleureusement à participer à la discussion.

Pour moi, résoudre une telle question est presque essentiel à une vie spirituelle intense. C’est ma conviction, pour le moment en tout cas. Ne dit-on pas que le péché, dans son essence, est une offense faite à Dieu? Voilà pourquoi il ne faut absolument pas enlever le mot « péché » du vocabulaire chrétien. Je peux difficilement imaginer que quelqu’un puisse être « offensé » en ne ressentant absolument rien. Pour moi, la solution de ce problème se trouve dans la réflexion de l’abbé Maurice Zundel, ce prêtre extraordinaire, cet extraordinaire visionnaire. Maurice Zundel a été mis à l’écart de son ministère pour un certain temps, par jalousie (selon moi) de ses confrères prêtres, et, aussi, probablement, pour ses opinions théologiques jugées un peu trop dérangeantes. Le pape Paul VI a contribué grandement à réhabiliter l’abbé Zundel, en l’invitant â prêcher sa retraite du Carême au Vatican. Or, Maurice Zundel nous dit que Dieu est essentiellement une Personne. Voici un texte admirable de Zundel à ce sujet :

« On a presque toujours enseigné la religion du dehors, comme une chose qui s’apprend par cœur, comme 2 et 2 font 4. Et on a ainsi rendu impossible le dialogue avec Dieu, parce que Dieu est apparu simplement comme une chose à connaître et non pas comme une Personne dans l’intimité de laquelle on entre.

On ne peut pas imaginer la catastrophe de cette manière de traiter les choses divines. J’en ai entendu de ces raisonnements sur la causalité divine !

Dieu est la Cause Première – voilà ce type de raisonnement effroyable – Dieu est la Cause Première, c’est-à-dire que Dieu est l’Auteur de tout, absolument tout. Et, parce qu’il est la Cause Première, Il ne peut rien recevoir de personne, car s’Il pouvait recevoir quelque chose de quelqu’un, c’est qu’il lui manquerait quelque chose. Il ne serait pas complet. Il ne serait pas la Cause Première. Donc, la Joie de Dieu vient de Dieu seul. Sa Joie est parfaite. Elle est tellement parfaite que rien ne peut la troubler, car si quelque chose pouvait la troubler, il ne serait pas la Cause Première. Par conséquent, la damnation des damnés ne Lui fait absolument rien, car si elle pouvait atteindre Sa Joie, Il ne serait pas la Cause Première. Par conséquent la joie des élus ne Lui fait absolument rien, car si la joie des élus pouvait ajouter un atome à son Bonheur, Il ne serait pas la Cause Première. Par conséquent, non seulement Il ne reçoit rien de personne, non seulement l’univers entier reçoit tout de Lui, mais tout ce qu’Il fait, Il le fait pour Lui-même, Il le fait pour sa Gloire, non pas pour nous, mais pour Sa Gloire, car s’Il le faisait en définitive pour nous, c’est nous qui deviendrions la Fin de Dieu. Il n’aurait pas Sa fin en lui-même, Il ne serait pas la Cause première.

Voilà des raisonnements que l’on entend dans les auditoires de théologie à Rome, de la part de gens les plus savants.     Et c’est cela que l’on colporte dans les catéchismes, finalement, c’est cela que l’on dit dans des sermons et on demande ensuite aux gens d’aimer Dieu, de se décarcasser pour Dieu, de donner leur vie pour Dieu, alors qu’à Dieu ça ne fait rien du tout, puisqu’Il est la Cause Première et qu’Il ne peut rien recevoir de personne.

C’est qu’on a oublié, justement, que Dieu est au suprême degré une Personne, que Dieu est au suprême degré une Intimité, que Dieu est au suprême degré un Amour, que Dieu est au suprême degré un Cœur et que, pour Le reconnaître, il faut d’abord entrer ave Lui dans ce dialogue d’amour qui permet seul d’entrer dans l’intimité d’une personne. » (Maurice Zundel, Je parlerai à ton cœur, Éditions Anne Sigier, 1990, pp. 70-80)

Et pourquoi Jésus est-il venu sur terre? N’est-ce pas avant tout pour nous dire quelle sorte de Père nous avons dans le ciel? Et qu’est-ce que Jésus nous révèle de notre Père des cieux, surtout dans les trois paraboles de la miséricorde que l’on retrouve en saint Luc, au chapitre 15?

(1) Veuillez noter que dans la vidéo, ci-dessous, on perd l'image pendant quelques secondes (de la 20ème à la 32ème seconde) mais l'image revient après un certain temps. 


Julien Clerc "ça fait pleurer le Bon Dieu" - Vidéo Ina.fr

www.ina.fr/video/I0426414927 Feb 2013 - 3 min
Sur le plateau de l'émission, Julien CLERC chante "ça fait pleurer le Bon Dieu" une chanson ...

jeudi 14 février 2013

Évangéliser par la joie (2)

Évangéliser par la joie (2)
Voici la suite de la prédication du Père Cantalamessa :

" Quittons maintenant l’aspect ecclésial, et passons au plan existentiel et personnel. Il y a quelques années, lors d’une campagne de l’aile militante de l’athéisme, un slogan publicitaire, placé sur les transports publics de Londres, disait ceci: « Dieu probablement n’existe pas. Donc arrête de te tourmenter et profite de la vie »: « There’s probably no God. Now stop worrying and enjoy your life ». L’élément le plus insidieux de ce slogan n’est pas la prémisse « Dieu n’existe pas » (qui est toute à démontrer), mais la conclusion: « Profite de la vie! » Le message sous-entend que la foi en Dieu empêche de profiter de la vie, qu’elle est une ennemie de la joie. Que sans elle il y aurait plus de bonheur dans le monde! Il faut donner une réponse à cette insinuation qui éloigne de la foi, surtout les jeunes.

A propos de joie, Jésus a accompli une révolution dont il est difficile d’exagérer la portée et qui peut être d’un grand secours pour évangéliser. Il existe une expérience humaine universelle: dans cette vie, le plaisir et la souffrance se succèdent, à un rythme dont la régularité même renvoie au mouvement des eaux de la mer, quand la vague se soulève puis redescend laissant derrière elle un vide qui aspire en arrière le naufragé. « Un je ne sais quoi d’amer – a écrit le poète païen Lucrèce – jaillit du plus profond de chaque plaisir et nous angoisse au cœur des délices ». L’usage de la drogue, l’abus du sexe, la violence homicide, donnent sur le moment l’ivresse du plaisir, mais conduisent à la dissolution morale de la personne, voire souvent à sa dissolution physique.

Le Christ a renversé ce rapport entre le plaisir et la souffrance. « Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré l’humiliation de la croix » (Hé. 12,2). Ce n’est plus un plaisir qui se termine en souffrance, mais une souffrance qui conduit à la vie et à la joie. Il ne s’agit pas seulement d’une succession différente des deux choses ; c’est la joie, de cette façon, qui a le dernier mot, et non pas la souffrance, et cette joie est éternelle. «Ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; sur lui la mort n’a plus aucun pouvoir.» (Rom 6,9). La croix se termine avec le Vendredi saint, la béatitude et la gloire du Dimanche de la Résurrection se prolongent dans l’éternité.

Ce nouveau rapport entre la souffrance et le plaisir se reflète jusque dans la manière de rythmer le temps de la Bible. Pour l’homme, la journée commence le matin et se termine avec la nuit ; pour la Bible, elle commence la nuit et se termine le jour: « Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le premier jour », dit le récit de la création (Gn 1, 5). Pour la liturgie aussi, la solennité commence par les vêpres de la veille. Qu’est-ce que cela signifie? Que sans Dieu, la vie est un jour qui se termine avec la nuit ; avec Dieu, c’est une nuit (parfois une « nuit obscure »), mais qui aboutit au jour, et un jour sans crépuscule.

Néanmoins, nous devons prévenir une facile objection: la joie n’est-elle donc réservée qu’après la mort ? Cette vie n’est-elle donc, pour les chrétiens, qu’une «vallée de larmes»? Au contraire, nul ne saurait faire une plus grande expérience de cette vraie joie, que les vrais croyants. On raconte qu’un jour, un saint a crié à Dieu: « Assez, mon Dieu, avec la joie! Mon cœur ne peut en contenir davantage ». Les croyants, exhorte l’apôtre, sont « spe gaudentes », « heureux dans l’espérance » (Rm 12, 12), ce qui ne signifie pas seulement qu’ « ils espèrent être heureux » (sous-entendu dans l’au-delà), mais qu’ils sont aussi « heureux d’espérer », heureux maintenant, grâce à l’espérance.

La joie chrétienne est intérieure ; elle ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur, comme certains lacs alpins qui s’alimentent, non pas d’un fleuve qui vient s’y jeter de l’extérieur, mais d’une source jaillissant de ses profondeurs. Elle naît de l’action mystérieuse et actuelle de Dieu dans le cœur de l’homme en grâce. Elle nous met dans les conditions d’en avoir en abondance malgré les épreuves (cf. 2 Co 7, 4). Elle est « fruit de l’Esprit » (Gal 5, 22; Rm 14, 17), source de paix pour les cœurs, source de plénitude de sens dans la vie. Elle rend capable d’aimer et de se laisser aimer, mais surtout d’espérer, car il ne peut y avoir de joie sans l’espérance.

Si nous aimons tous la joie c’est parce que, on ne sait par quel mystère, nous l’avons connue; si nous ne l’avions en effet pas connue – si nous n’étions pas faits pour celle-ci –, nous ne l’aimerions pas. Cette nostalgie de la joie est la partie du cœur humain naturellement ouverte à recevoir « la bonne nouvelle ». Quand le monde frappe aux portes de l’Église – et même quand il le fait avec colère et violence – c’est parce qu’il recherche la joie. Les jeunes, surtout, sont à sa recherche. Le monde qui les entoure est triste. La tristesse, pour ainsi dire, nous prend à la gorge, à Noël plus qu’à tout autre moment de l’année. Une tristesse qui ne vient pas de ce que l’on manquerait de biens matériels puisqu’elle est bien plus évidente dans les pays riches que dans les pays pauvres.

Voici ce qu’Isaïe dit dans son livre en s’adressant au peuple de Dieu: « Ils ont dit, vos frères qui vous haïssent et vous rejettent à cause de mon nom : Que le Seigneur manifeste sa gloire, et que nous soyons témoins de votre joie! » (Is 66, 5). Ce même défi est lancé, silencieusement, au peuple de Dieu, encore aujourd’hui. Une Église mélancolique et craintive ne serait donc pas à la hauteur de sa tâche ; elle ne pourrait pas répondre aux attentes de l’humanité, surtout à celles des jeunes. La joie est l’unique signe que les non croyants aussi sont en mesure de saisir. Plus que les raisonnements et les reproches. Le plus beau témoignage qu’une épouse puisse donner à son époux, c’est de montrer un visage joyeux, car il exprime qu’il a été capable de remplir sa vie, de la rendre heureuse. C’est ce même beau témoignage que l’Église peut rendre à son Epoux divin.

Dans les relations internes à l’Église on a un besoin vital de ces témoins de la joie. Saint Paul disait de lui et des autres apôtres: « Il ne s’agit pas d’exercer un pouvoir sur votre foi, mais de collaborer à votre joie » (2 Co 1, 24). Quelle merveilleuse définition de la tâche qui revient aux pasteurs dans l’Église! Des collaborateurs de la joie : des hommes qui insufflent confiance aux brebis du troupeau de Jésus-Christ, de vaillants capitaines qui, d’un seul regard apaisé, redonnent courage aux soldats engagés dans leur bataille. Au milieu des épreuves et des calamités qui affligent l’Église, spécialement dans certaines régions du monde, les pasteurs peuvent répéter, aujourd’hui encore, ces paroles que Néhémie, adressa un jour, après l’exil, au peuple d’Israël accablé et en larmes: « Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! [...], car la joie du Seigneur est votre rempart ! » (Ne 8, 9-10).

Que la joie du Seigneur, Saint-Père, Vénérables Pères, frères et sœurs, soient vraiment notre rempart, le rempart de l’Église! "  


Évangéliser par la joie (1)

Évangéliser par la joie (1)

Ces jours-ci, comme vous le constater, j’ai fait certaines recherches sur les prédications pontificales du Père Cantalamessa. Je viens de découvrir la toute dernière de ces prédications et vous comprendrez facilement pourquoi elle m’a sauté aux yeux … et au cœur. Le titre de cette prédication est : Évangéliser par la joie. Elle a été prononcée le vendredi 21 décembre 2012; c’était la quatrième et dernière prédication de l’Avent du Père Cantalamessa au pape et à la curie romaine. Voici les extraits que j’ai choisis pour vous :

« Après avoir réfléchi à la grâce de l’année de foi et à l’anniversaire du concile Vatican II, nous consacrons cette dernière méditation de l’Avent au troisième grand thème de cette « année de grâce du Seigneur » : l’évangélisation. Le pape a invité l’Église à profiter de cette année spéciale pour redécouvrir « la joie de la rencontre avec le Christ », la joie d’être chrétiens. Je me ferai l’écho de cet appel en parlant de la joie comme moyen pour évangéliser, et le ferai en restant le plus possible lié au temps liturgique en cours, de manière à ce que cela serve aussi de préparation au Saint Noël.

Dans les « évangiles de l’enfance », Luc, « sous la conduite de l’Esprit Saint », a su non seulement nous présenter des faits et des personnages, mais il a en plus réussi à recréer l’atmosphère et l’état d’esprit qui régnaient au moment des faits. La joie est l’un des éléments les plus évidents de ce monde spirituel. La piété chrétienne ne s’est pas trompée, quand elle a appelé, dans le Rosaire, « mystères joyeux », mystères de la joie, les évènements de l’enfance de Jésus.    Il ne s’agit pas de bribes de joie par-ci par-là, mais bien d’un accès de joie, d’une joie calme et profonde qui parcourt les « évangiles de l’enfance », du début jusqu’à la fin, se manifestant de mille manières différentes: avec élan, comme Marie qui se lève pour se rendre chez Elisabeth, et les bergers pour aller voir l’Enfant Jésus, ou par des gestes humbles et typiques de la joie qui accompagne une visite, des vœux, des salutations, des félicitations, des dons. Mais il y a surtout cette joie qui se manifeste dans la stupeur et la reconnaissance émue, qui est celle que l’on perçoit chez les protagonistes : « Dieu a visité son peuple! [...] Il s’est rappelé de sa sainte alliance ! »

D’où vient la joie ? La source ultime de la joie c’est Dieu, la Trinité. Mais nous sommes dans le temps et Dieu est dans l’éternité ; comment la joie peut-elle s’écouler entre deux plans aussi distants? En effet, si nous interrogeons mieux la Bible, nous découvrons que la source immédiate de son jaillissement est dans le temps : c’est Dieu qui agit dans l’histoire. Dieu qui agit! Là où « tombe » une action divine, se produit comme une vibration et une vague de joie qui se propage ensuite de génération en génération. … À chaque fois que Dieu agit, un miracle remplit de stupeur le ciel et la terre : « Criez de joie, cieux, car le Seigneur a agi », s’exclame le prophète (Is 44, 23; 49, 13). La joie qui jaillit du cœur de Marie et de celui des autres témoins, aux débuts du salut, se fonde entièrement sur cette raison: Dieu a secouru Israël! Dieu a agi ! Il a fait des merveilles !

Comment cette joie pour l’action de Dieu peut-elle gagner l’Église d’aujourd’hui et la contaminer ? Elle le fait, tout d’abord, en faisant mémoire des œuvres merveilleuses de Dieu à son égard. L’Église est invitée à faire siennes les paroles de la Vierge: « Le Puissant fit pour moi des merveilles ». En réalité, que de merveilles le Seigneur a fait pour l’Église, durant ces vingt siècles! Nous avons, en un certain sens, plus de raisons objectives à nous réjouir que n’en avaient Zacharie, Siméon, les bergers, et plus généralement, toute l’Église naissante. Que de grâces, que de saints, quelle sagesse de doctrine et quelle richesse d’institutions, que de salut accompli en elle et à travers elle! Quelle parole du Christ n’a pas trouvé son parfait accomplissement en elle?  

Si l’Église d’aujourd’hui veut retrouver, au milieu de toutes les préoccupations et de toutes les épreuves qui l’oppressent, les voies du courage et de la joie, elle doit bien ouvrir les yeux sur ce que Dieu est en train d’accomplir aujourd’hui même en elle. Le doigt de Dieu, qui est l’Esprit Saint, est encore en train d’écrire dans l’Église, dans les âmes, et il est en train d’écrire de si merveilleuses histoires de sainteté qu’un jour – quand aura fini dans le néant tout ce qui est négatif et péché – on regardera peut-être cette époque que nous vivons avec stupeur et sainte envie. Est-ce fermer les yeux devant tous les maux qui affligent l’Église et devant les trahisons de tant de ses ministres ? Non, mais puisque le monde et ses médias ne font que mettre en évidence ces choses de l’Église, il est bon de lever une fois les yeux et de voir aussi son côté lumineux, sa sainteté.

À chaque époque – dans la nôtre aussi – l’Esprit dit à l’Église, comme au temps du Deutéro-Isaïe: « Je t’ai fait entendre dès maintenant des choses nouvelles, secrètes et inconnues de toi. C’est maintenant qu’elles sont créées, et non depuis longtemps » (Is 48, 6-7). Ce souffle puissant de l’Esprit qui ranime le peuple de Dieu et suscite au milieu de nous des charismes en tout genre, ordinaire et extraordinaire, n’est-il pas « une chose nouvelle et secrète »? Ne le sont-ils pas: cet amour pour la parole de Dieu? Cette participation active des laïcs à la vie de l’Église et à l’évangélisation? Cet engagement constant du magistère et de tant d’organisations pour les pauvres et les personnes en détresse, et ce désir de recomposer l’unité brisée du Corps du Christ? Quand l’Église a-t-elle eu dans son histoire une série de souverains pontifes aussi érudits et saints que ceux qu’elle a depuis un siècle et demi? Quand a-t-elle eu autant de martyrs de la foi?

" Seigneur Jésus, fais de moi ton suaire "

« Seigneur Jésus, fais de moi ton suaire »

Chers amis, vous avez tous et toutes, selon moi, entendu parler du Saint Suaire de Turin. Personnellement, je crois que ce suaire est une relique que Jésus notre Seigneur a voulu nous laisser dans son immense amour, pour aider une fois de plus notre foi. Je suis au courant de ce qui s’est dit ces dernières années à propos de cet objet si mystérieux, et en particulier des fameuses expériences au carbone 14 auxquelles il a été soumis. Une des pages les plus belles qui aient été écrites, à mon avis, sur le suaire de Turin, se trouve dans la troisième prédication du Carême 2006 du Père Raniero Cantalamessa. En ce Carême 2013 extraordinaire que nous vivons, je suis très heureux de vous faire connaître ce texte, à supposer que vous ne l’ayez jamais lu :  

« La Passion du Christ est le sujet le plus traité dans l’art occidental. Il suffit de penser aux innombrables représentations, en peinture et en sculpture, du Jésus de Gethsémani, de l’Ecce homo, de la crucifixion, des célèbres dépositions de croix, dites « pietà » et, dans le monde germanophone, « Vesperbild ». Dans notre monde sécularisé, l’art est resté presque l’une des seules formes d’évangélisation qui pénètre également dans des milieux fermés à toute autre forme d’annonce. J’ai connu une Japonaise qui s’est convertie et a reçu le baptême en étudiant l’art à Florence.

Aucune représentation artistique de la Passion n’a toutefois exercé et n’exerce encore une fascination comparable à celle du Saint-Suaire. Peu importe, selon nous, de savoir si le Saint-Suaire est « authentique » ou non, si l’image s’est formée naturellement ou de manière artificielle, s’il ne s’agit que d’une icône ou également d’une relique. Il est certain qu’il s’agit de la représentation la plus solennelle et la plus sublime de la mort que l’œil humain ait jamais contemplée. Si un Dieu peut mourir, ceci est le moyen le moins inadéquat de nous représenter sa mort.

Les paupières et la bouche fermées, les traits composés du visage : plus qu’à un mort, il fait penser à un homme plongé dans une méditation profonde et silencieuse. Il fait penser à la traduction en images de l’antique antienne du Samedi Saint : Caro mea requiescet in spe, « ma chair repose en paix ». L’antique homélie sur le Samedi Saint que l’on lit dans l’Office des lectures acquiert elle aussi une force particulière si on la lit devant le Saint-Suaire. « Qu’est-ce qui s’est produit ? Aujourd’hui sur la terre règne un grand silence, un grand silence et la solitude. Un grand silence car le Roi dort… » [1].

La théologie nous dit qu’à la mort du Christ son âme s’est séparée de son corps, comme dans le cas de tout homme qui meurt, mais sa divinité est restée unie aussi bien à son âme qu’à son corps. Le Saint-Suaire est la plus parfaite représentation de ce mystère christologique. Ce corps est séparé de l’âme mais pas de la divinité. Quelque chose de divin se reflète sur le visage martyrisé mais empreint de majesté du Christ du Saint-Suaire. 

Pour s’en rendre compte il suffit de comparer le Saint-Suaire avec d’autres représentations du Christ mort réalisées par des artistes humains, comme par exemple le Christ mort de Mantegna et plus encore celui de Holbein le Jeune, au Musée de Bâle, qui représente le corps du Christ dans toute la rigidité de la mort et le début de la décomposition des membres. Devant cette image – disait Dostoïevsky qui l’avait longuement contemplée lors d’un voyage – on peut facilement perdre la foi [2] ; devant le Saint-Suaire, au contraire, on peut trouver la foi, ou la retrouver si on l’a perdue.

Le visage du Christ du Saint-Suaire est comme une limite, une paroi qui sépare deux mondes : le monde des hommes, rempli d’agitation, de violence et de péché, et le monde de Dieu, inaccessible au mal. C’est comme un rivage sur lequel viennent se briser toutes les vagues. Comme si, en Jésus Christ, Dieu disait à la force du mal ce qu’il dit à l’océan dans le livre de Job: " Tu n'iras pas plus loin ...  ici se brisera l'orgueil de tes flots " (Jb 38, 11)

Devant le Saint-Suaire nous pouvons prier ainsi : « Seigneur, fais de moi ton Saint-Suaire. Lorsque tu viens d’être déposé de la croix, et que tu viens en moi dans le sacrement de ton corps et de ton sang, fais que je t’enveloppe de ma foi et de mon amour comme dans un suaire, afin que tes traits s’impriment dans mon âme et laissent aussi en elle une trace indélébile. Seigneur, fais du chiffon rêche et grossier de mon humanité ton suaire ! » (Troisième prédication du Carême 2006)

Dans cette même prédication, le Père Cantalamessa parle aussi de la Passion de Jésus. Il souligne le fait que les souffrances morales de Jésus ont été plus fortes et intenses que ses souffrances physiques. Cela, il n’est pas le seul prédicateur ou le seul auteur à l'avoir dit. Mais pour nous donner une idée de l’immense solitude ressentie par Jésus durant sa Passion, le Père Cantalamessa utilise une image cosmique inoubliable :

« Mais la passion de l’âme du Christ fut bien plus profonde et bien plus douloureuse que la passion de son corps. Elle a eu différentes causes. La première est la solitude. Les Evangiles insistent beaucoup sur l’abandon progressif de Jésus dans sa Passion : par la foule, par les disciples et enfin par son Père lui-même. « Vous me laisserez seul » (Jn 16, 32) ; « Alors les disciples l’abandonnèrent tous et prirent la fuite » (Mt 26, 56 ; Mc 14, 50).

La solitude du Christ est impressionnante, surtout dans l’épisode de Gethsémani, lorsqu’il cherche à plusieurs reprises et en vain quelqu’un qui reste à ses côtés. Pour exprimer l’angoisse de ce moment, Marc et Matthieu utilisent le verbe ademonein. En grec, on sait que la lettre « a » au début d’un mot indique une absence, une privation ; demonein a la même racine que demos, peuple, et démocratie. L’idée sous-jacente est donc celle d’un homme coupé de la compagnie des hommes, en proie à une sorte de terreur solitaire, comme quelqu’un qui se trouve projeté au fin fond de l’univers où, s’il crie, sa voix se perd dans un vide sidéral. »