Jean Vanier et la vie communautaire
Jean Vanier est une des
personnalités les plus connues dans le monde. C’est aussi un des disciples de
Jésus les plus fameux. Je suis sûr que Jean Vanier ne cherche pas à être connu;
mais il réussit à répandre autour de lui, la bonne odeur du Christ, selon l’expression utilisée par saint Paul en 2 Co 2, 15.
Jean Vanier est né le 10
septembre 1928, à Genève, en Suisse. Il est le fils de l’ancien gouverneur général du
Canada, monsieur Georges Vanier. Jean Vanier effectue la plus grande partie de
ses études en Angleterre. Il devient officier de marine. Après sa carrière dans
la marine, il obtient en 1950, un doctorat en philosophie à l’Institut catholique de Paris. En 1963,
il visite un asile psychiatrique et fait la connaissance de Raphaël et Philippe,
tous deux lourdement handicapés mentalement. Jean Vanier décide de vivre avec
eux. Ce sera le début de L’Arche. L'Arche est une communauté de vie et de foi où vivent ensemble des personnes ayant un handicap intellectuel et d’autres personnes qui partagent leur vie au quotidien.. Il existe
en ce moment, plus d’une centaine de communautés de L’Arche à travers le monde. Jean Vanier est pour ainsi dire un
expert de la vie communautaire. Peu de gens, selon moi, ont réussi aussi bien que lui, à mettre en lumière les beaux et les mauvais côtés de la vie en commun. Le fruit des réflexions de Jean Vanier sur la vie communautaire,
se retrouvent dans deux livres qui portent le même titre : La communauté, lieu du pardon et de la fête. La première édition du livre, est parue en
1979. Dix ans plus tard, Jean Vanier a revu son livre et l’a augmenté du tiers,
ayant fait de nouvelles découvertes concernant la vie en commun.
Voici pour vous, deux pages
extraordinaires tirées de la première édition du livre :
Chapitre I
Un cœur, une âme, un esprit
À notre
époque où les villes sont dépersonnalisées et dépersonnalisantes, beaucoup
recherchent la communauté, surtout quand ils se sentent seuls, fatigués,
faibles et tristes. Pour certains être seul est insupportable; c’est un
avant-goût de la mort. La communauté paraît alors merveilleuse comme lieu d’accueil et de
partage.
Mais,
sous d’autres angles, la communauté est
un lieu terrible. C’est le lieu de la révélation de nos limites et de nos
égoïsmes. Quand je commence à vivre tout le temps avec d’autres personnes, je
découvre ma pauvreté et mes faiblesses, mes incapacités à m’entendre avec
certains, mes blocages, mon affectivité ou ma sexualité perturbées, mes désirs
qui semblent insatiables, mes frustrations, mes jalousies, mes haines et mes
envies de détruire. Tant que j’étais seul, je pouvais croire que j’aimais tout
le monde; étant maintenant avec d’autres, je réalise combien je suis incapable
d’aimer, combien je refuse la vie aux autres. Et si je suis incapable d’aimer,
que reste-t-il de bon en moi? Il n’y a plus que ténèbres, désespoir et
angoisse. L’amour est une illusion. Je suis condamné à la solitude et à la
mort.
La vie
communautaire est la révélation bien pénible des limites, des faiblesses et des
ténèbres de mon être; elle est la révélation souvent inattendue des monstres
cachés en moi. Or cette révélation est difficile à assumer. Très vite on
cherche à écarter ces monstres, ou à les recacher, à prétendre qu’ils
n’existent pas; ou on fuit la vie communautaire et la relation avec les autres;
ou encore on les accuse, eux et les monstres qui sont en eux.
Mais si
on accepte que ces monstres soient là, on peut les laisser sortir et apprendre
à les dompter. C’est la croissance vers la libération.
Si nous
sommes accueillis avec nos limites, avec nos capacités aussi, la communauté
devient peu à peu le lieu de la libération; découvrant qu’on est accepté et
aimé par les autres, on s’accepte et s’aime mieux. La communauté est alors le
lieu où on peut-être soi-même – sans peur ni contrainte. Ainsi la vie
communautaire s’approfondit dans la confiance mutuelle entre tous les membres.
C’est
alors que ce lieu terrible devient lieu de vie et de croissance. Il n’y a rien
de plus beau qu’une communauté où l’on commence à s’aimer réellement et à avoir
confiance les uns dans les autres. « Qu’il
est bon, qu’il est doux pour des frères de vivre ensemble; … » (Ps
133). …
La vie
communautaire est le lieu où on découvre la blessure profonde de son être et où
on apprend à l’assumer. On peut alors commencer à renaître. Oui, nous sommes
nés à partir de cette blessure. (Jean Vanier, La communauté lieu du pardon et de la fête,
Éditions Fleurus, Paris, 1979, pp. 5 et 6) Dans la deuxième édition du livre,
celle de 1989, Jean Vanier aborde ces questions aux pages 33 et 34.
Et voici d’autres passages
intéressants du livre de Jean Vanier, que j’ai trouvés sur le site internet
suivant : La communauté, lieu du pardon et de la fête pagesfeuilletees.free.fr/chroniques/Vanier.htm.
Ces extraits
sont tous tirés de la première édition du livre de Jean Vanier, celle de 1979.
Chapitre 1. Un
cœur, une âme, un esprit.
Tant que je n’accepte pas d’être un mélange de lumière et
de ténèbres, de qualités et de défauts, d’amour et de haine, d’altruisme et
d’égocentrisme, de maturité et d’immaturité, je continue à dresser des
barrières en moi et à l’extérieur de moi. Pour s’accepter soi-même, il faut
avoir découvert que Dieu nous aime et nous pardonne. Alors il devient possible
d’accepter les autres et de pardonner, et la confiance mutuelle pourra grandir.
Souvent dans la vie communautaire on attend trop des
personnes, et on les empêche de se reconnaître et de s’accepter telles qu’elles
sont. Elles sont alors obligées de se cacher derrière un masque. Mais elles ont
le droit d’être moches. Il y a en chacun de nous une partie qui est déjà
lumineuse, convertie. Et puis il y a cette partie qui est encore ténèbres. Il
ne faut pas chercher la communauté idéale. Il s’agit d’aimer ceux que Dieu a
mis à nos côtés aujourd’hui. Ils sont signes de la présence de Dieu pour nous.
L’idéal n’existe pas. Si on cherche toujours son équilibre, je dirais même si
on cherche trop sa propre paix, on n’y arrivera jamais car la paix est un fruit
de l’amour et donc du service des autres.
Plus une communauté s’approfondit, plus ses membres deviennent fragiles et sensibles. ... Aimer, c'est devenir faible et vulnérable; c'est lever les
barrières, et briser ses carapaces par rapport aux autres. Le ciment de l’unité,
c’est l’interdépendance.
Pour construire la communauté, chacun doit utiliser son
don (qui est différent pour chacun). La jalousie est un des fléaux qui
détruisent la communauté. Elle vient de ce qu’on ignore son propre don ou qu’on
n’y croit pas assez. Si on était assez convaincu de son propre don, on ne
jalouserait pas celui des autres qui paraît toujours plus beau. Ce ne sont pas
seulement les membres faibles qui ont besoin des forts, mais même les forts ne
sauraient vivre sans les faibles. Nous sommes faits pour être nourriture les
uns pour les autres, mais surtout pour vivre cette relation unique avec notre
Père en son fils Jésus.
Chapitre
2. Entre dans l’alliance.
On entre dans une communauté pour être heureux. On y
reste pour rendre les autres heureux. Au début la vie en communauté paraît
merveilleuse. Ensuite on ne voit plus que les défauts des autres. Le troisième
temps est celui du réalisme et de l’engagement vrai, celui de l’alliance. Les
membres de la communauté ne sont ni des saints ni des diables, mais des
personnes, chacune étant un mélange de bien et de mal, mais aussi chacune en
train de grandir.
Chapitre 8. Le
quotidien.
Un des signes qu’une communauté est vivante se lit dans
la qualité de l’environnement matériel : la propreté, l’aménagement, la
façon dont les fleurs sont placées, les repas et tant d’autres réalités qui
reflètent la qualité de cœur des personnes. À certains, ce travail matériel
peut paraître fastidieux. Ils aiment mieux avoir du temps pour parler et avoir
des relations. Ils n’ont pas encore réalisé que les mille petites choses qui
doivent être faites chaque jour, ce cycle qui consiste à salir et nettoyer, ont
été données par Dieu pour permettre aux hommes de communier à travers la
matière. Faire la cuisine et laver le plancher peuvent devenir une manière de
manifester aux
autres son amour. Si on
regarde le travail matériel le plus humble de cette façon, tout devient don et
moyen de communion, tout devient fête car c’est une fête de pouvoir donner.
Chapitre 9. La
fête.
Au cœur de la communauté il y a le pardon et la fête. Ce
sont les deux faces d’une même réalité, celle de l’amour. Plus un peuple est
pauvre, plus il aime fêter.
La fête est le moment le plus humain et aussi le plus
divin de la vie communautaire. Bien souvent aujourd’hui nous avons la joie sans
Dieu ou Dieu sans la joie. C’est la conséquence d’années de jansénisme où Dieu
apparaissait comme le Tout-Puissant sévère. La fête, au contraire, c’est la
joie avec Dieu. Dans l’Église nous avons une fête quotidienne : la messe.
Les repas, les fêtes doivent être signe de joie et de
fête. Les communautés tristes sont stériles, elles sont des mouroirs. Certes,
nous n’avons pas sur la terre la joie en plénitude, mais nos fêtes sont de
petits signes de la fête éternelle, de ces noces auxquelles nous sommes tous
invités.
Conclusion.
Nous avons beaucoup parlé de la communauté. Mais quand
tout a été dit, il reste que chacun, dans le fond de son être, doit apprendre
tous les jours à assumer sa propre solitude.
Ce n’est que lorsqu’on a découvert
que l’échec, les dépressions, nos péchés même peuvent devenir offrande, qu’on
retrouve une certaine paix.
Ce n’est que lorsque je reste debout avec toutes mes
pauvretés et mes souffrances et que je cherche plus à soutenir les autres qu’à
me replier sur moi-même, que je peux vivre pleinement la vie communautaire ou
la vie du mariage.
Dans la vie communautaire, on est là les uns pour les
autres, pour grandir ensemble et ouvrir nos plaies à l’infini afin qu’à travers elles se manifeste la présence de Jésus.
Un véritable homme saint des temps modernes ...
RépondreSupprimer... car pour moi sainteté équivaut à être à l'écoute des besoins et au service de son prochain... et non pas nécessairement être cloîtré-e au couvent... bien qu'il y en ait des saint-e-s dans les couvents...