La grande
noirceur
Si vous habitez le Québec, vous avez
certainement entendu parler de la « grande
noirceur ». On décrit souvent ainsi la période historique qui a
précédé la non moins célèbre « révolution
tranquille ». La « révolution tranquille » que le
Québec a vécu surtout à partir du début des années 60 (1960), est considérée
par plusieurs de nos concitoyens, comme étant la période la plus libératrice du
XX ème siècle, en terre québécoise. En ce XXI ème siècle que nous vivons
présentement, il est plus facile de poser un regard critique sur l’évolution de
la société québécoise. Un des plus grands philosophes qu’ait connu le Québec,
se nomme : Charles de Koninck (1906 – 1965). À Québec, pour honorer sa
mémoire, on a donné son nom au pavillon des sciences humaines de l’Université
Laval. Charles de Koninck a essayé, à sa manière, d’éclairer les esprits au
début des années soixante, sur le grand bien qu’est la liberté religieuse. Mais,
faute d’avoir suivi son enseignement et ses recommandations, nous nous
retrouvons dans une société qui se prétend libre, mais qui ignore la grande noirceur
dans laquelle elle vit. Il y a quelque chose de pathétique à voir certaines
personnes louanger inconditionnellement les fruits de la révolution tranquille
et dénigrer ce qui a précédé. Jésus a dit un jour : « Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère?
Et la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas! » (Mt
7, 3)
J’ai composé cette longue introduction dans le
but de vous faire connaître le message ci-dessous que je viens de recevoir d’un
de mes meilleurs amis de la ville de Québec : Michel Fontaine. Michel a
été durant environ trente ans, professeur de philosophie au CEGEP (Collège d’Enseignement Général Et Professionnel)
de Ste-Foy, à Québec.
Bonjour
Guy
À
propos de liberté religieuse Charles de Koninck, en 1962, traçait une route que
la CEQ (Centrale de l’Enseignement du Québec) et le PQ (Parti Québécois) n'ont pas voulu suivre.
Je
pense que dans le contexte actuel, ces textes parlent beaucoup. On a beaucoup
régressé en 50 ans au Québec en matière de liberté religieuse. La grande
noirceur c'est aujourd'hui qu'on la trouve. Il y avait beaucoup plus de
lumières il y a 50 ans. Voici quelques textes de Charles de Koninck :
« C’est
aux parents qu’incombe le devoir, fondé dans le droit naturel, d’élever leurs
enfants. Les parents ont le devoir d’élever leurs enfants dans la croyance qui
leur paraît être la vérité.
Si les
parents sont agnostiques, s’ils pensent que les enseignements religieux donnés
dans les écoles sont nuisibles à l’idéal qu’ils conçoivent pour leurs enfants,
s’ils croient sincèrement que dans une école confessionnelle où l’on enseigne
des disciplines neutres, leurs enfants seront exposés à des influences qu’ils
jugent contraires au bien de leurs enfants, il me semble qu’ils n’ont pas
simplement le droit mais le devoir de faire tout ce qu’ils peuvent dans les
limites de la loi, pour obtenir à leurs enfants, aux frais de la société
civile, l’institution d’une école non confessionnelle. La liberté de religion
implique la liberté de n’adhérer à aucune religion donnée. C’est un droit que
doivent protéger à leur façon toutes les religions si elles veulent garder les
leurs. Voilà la question de principe.
(...)
C’est la société chrétienne qui restera pour moi l’idéal. Cependant, cette
société ne mériterait pas son nom si elle voulait de force imposer les
croyances de la majorité à tous ses membres. Ce serait nier la gratuité de la
foi, la gratuité de la grâce. La société chrétienne doit respecter le droit
naturel même de ceux qui ne croient pas au droit naturel.
Qu’on
me permette d’exprimer l’espoir que les agnostiques nous montrent à nous qui
tenons fermement à nos écoles confessionnelles le respect que nous leur
devons. » [Charles de
Koninck, Le Devoir, 2 avril 1962]
« La
liberté religieuse est méconnue par les États qui ne reconnaissent et
n’appuient que les écoles où la religion est ignorée. Dans un État
véritablement politique (par opposition à despotique) je ne dois pas être agnostique
pour reconnaître les droits des agnostiques, et l’état qui fait de même
n’épouse point du coup l’agnosticisme. Par contre, l’État cesserait d’être
politique et deviendrait despotique s’il n’appuyait que les écoles
confessionnelles.
C’était
bien dans ce sens — la sauvegarde de la liberté religieuse — que j’ai affirmé,
selon le texte publié par Le Devoir du 2 avril 1962 que “si les parents
sont agnostiques, s’ils pensent que les enseignements religieux donnés dans les
écoles sont nuisibles à l’idéal qu’ils conçoivent pour leurs enfants, s’ils
croient sincèrement que dans une école confessionnelle ou l’on enseigne des
disciplines neutres, leurs enfants seront exposés à des influences qu’ils
jugent contraires au bien de leurs enfants, il me semble qu’ils n’ont pas
simplement le droit mais le devoir de faire tout ce qu’ils peuvent dans les
limites de la loi, pour obtenir à leurs enfants, aux frais de la société
civile, l’institution d’une école non confessionnelle.”
C’est
pour la même raison que nous préférons, nous, chrétiens, que nos enfants ne
soient pas obligés de fréquenter des écoles non confessionnelles, surtout aux
niveaux primaire et secondaire. » [Charles de Koninck, Tout homme est mon prochain,
chap. VI, p. 71]
« J’ai
bel et bien qualifié de tyrannique un régime qui n’admettrait et n’appuierait
que des écoles non confessionnelles. Car justement ce régime dénierait la
priorité du droit des parents — croyants, cette fois-ci — en matière
d’éducation. Si, par ailleurs, nous voulions imposer les croyances de la
majorité à tous les membres de la cité, nous serions coupables du même
despotisme. Voilà ce qu’entraîne inéluctablement la liberté religieuse. Choisir
cette attitude (qui consisterait à vouloir imposer les
croyances de la majorité – ces mots sont
ajoutés par moi, Guy Simard, pour faciliter la compréhension du texte) et méconnaître que l’esprit moderne nous a mis en face de
ce bien positif (qu’est la « liberté religieuse »), équivaudrait au propos bien connu : “Quand nous
sommes en minorité, nous réclamons pour nous la liberté au nom de vos
principes ; quand nous sommes en majorité, nous vous la refusons au nom
des nôtres.” »
[Charles de Koninck, Tout homme est mon prochain, chap. VI, p. 77-78]
Michel
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