Au
lendemain du temps pascal, il nous fait bon de célébrer notre Dieu : le
Père, le Fils et l’Esprit Saint. Aujourd’hui, dans l’Église, c’est solennité;
c’est la fête de notre Dieu; c’est la fête de la très Sainte Trinité. C’est
grâce à Jésus que nous savons cette vérité extraordinaire que notre Dieu est un
seul Dieu en trois Personnes. Jamais nous n’aurions pu savoir cela si Dieu en
personne ne nous l’avait révélé. Seul Dieu, selon moi, et Dieu en personne, dans
la Personne
de son Fils unique Jésus Christ, était habilité à nous dire cela, à nous
apprendre cela et surtout, à nous le faire croire.
La
doctrine sur la Trinité
n’est pas facile à comprendre et notre Dieu trois fois saint étant un mystère,
nous ne parviendrons jamais à le saisir complètement. Mais nous pouvons tout de
même comprendre, ou à tout le moins intuitionner quelque chose de son mystère
et nous en réjouir. C’est ce que je me propose de faire dans les lignes qui
suivent : vous proposer des réflexions sur notre Dieu qui, je l’espère,
vous aideront à l’aimer davantage et à mettre davantage toute votre confiance
en Lui.
Une
des choses les plus belles que j’aie entendues sur Dieu, a été dite par
Éric-Emmanuel Schmitt. Éric-Emmanuel Schmitt est l’auteur francophone le plus
lu sur la planète. Je suis sûr que plusieurs d’entre vous le connaissent.
J’aime toujours entendre parler M. Schmitt de sa conversion ou lire quelque
chose à ce sujet. Cet écrivain s’est converti à Dieu en février 1989, dans le
désert du Hoggar. Il est entré athée dans le désert et il en est ressorti
croyant. Je vous invite à lire son témoignage dans l’avant-propos de sa pièce
de théâtre intitulée : Mes Évangiles (1). Cette
pièce de théâtre est, en quelque sorte, un deuxième écrit sur un même thème car
l’auteur a voulu « réécrire pour la scène » son roman
intitulé : L’Évangile selon Pilate. Alors qu’il était
perdu dans le désert, Schmitt a vécu la plus belle nuit de sa vie, sa nuit
mystique comme il aime lui-même l’appeler. Voici comment Éric-Emmanuel Schmitt
a décrit cette nuit à un journaliste du journal La Croix :
« Quand la nuit et le froid sont tombés,
comme je n’avais rien, je me suis enterré dans le sable. Alors que j’aurais dû
avoir peur, cette nuit de solitude sous la voûte étoilée a été extraordinaire.
J’ai éprouvé le sentiment de l’Absolu et, avec la certitude qu’un Ordre, une
intelligence, veille sur nous, et que, dans cet ordre, j’ai été créé, voulu. Et
puis la même phrase occupait mes pensées : Tout est justifié. »
Cette
expérience de l’écrivain francophone le plus lu sur la planète est tout
simplement extraordinaire, spécialement pour notre époque, pour la sensibilité
de l’homme et la femme modernes. Car plus que jamais, selon moi, le grand
obstacle à la foi en un Dieu bon et aimant est le « mystère du mal ».
Selon ce que je comprends de l'expérience spirituelle qu'a vécue M.
Schmitt dans le désert en 1989, en découvrant que "tout est justifié",
toutes les objections contre un Dieu bon qui pourrait être complice du mal,
sont disparues en un instant de son coeur. La phrase « Tout est
justifié » est l’équivalent de dire que « Tout a un
sens ». Alors que de très nombreuses personnes peinent à trouver
un sens à la vie, un sens à ce qui leur arrive, M. Schmitt a reçu de Dieu ce
cadeau extraordinaire de savoir et de croire que tout a un sens. Et les mots
" dans cet ordre, j'ai été créé, voulu ", revêtent
une signification particulière lorsqu'on entend monsieur Eric-Emmanuel Schmitt
nous dire que c'est suite à cette expérience dans le désert qu'il est devenu
écrivain; que toute cette imagination créatrice que l'on retrouve dans ses
écrits a en quelque sorte "débloqué", vu le jour. C'est vraiment
comme si en cette nuit de 1989,
M . Schmitt avait été "créé à nouveau",
en quelque sorte.
La
fin de semaine dernière, je remplaçais mon confrère Sylvain pour la messe de
10h à l’église Ste-Marthe, à la
Rivière des Prairies. Lorsque je vais là, je rencontre un
homme assez extraordinaire du nom de Jean. Après la messe, Jean me dit qu’une
des choses les plus belles qu’il ait lues sur Dieu a été écrite par Julienne de
Norwich, une mystique anglaise du 14ème et 15ème siècles.
Si je me souviens bien, ce qui avait frappé Jean, ce sont des phrases qui
ressemblent à la révélation qu’a eue Éric Emmanuel Schmitt. Je lui ai demandé de
me faire parvenir ce texte. Je ne l’ai pas encore reçu. Mais ma confiance en
Jean est si grande et mon admiration envers cet homme est telle que j’ai voulu,
en cette fête de notre Dieu, aller voir ce que dit cette grande mystique. Dans
un des textes récents que j’ai mis sur mon blogue, en date du 14 mai 2012, j’ai
cité avec crainte et tremblement cette mystique qu’est Julienne de Norwich. Je
l’ai citée parce que c’était le Père Raniero Cantalamessa qui le faisait. Or,
en faisant ces jours-ci une recherche sur cette mystique, j’ai découvert que
notre pape Benoît XVI avait parlé assez longuement de Julienne de Norwich lors
de l’audience générale du mercredi 1er décembre 2010. Or le
pape fait justement allusion au fait que Julienne de Norwich est très importante
à cause des lumières qu’elle nous donne sur le « mystère du mal ».
Voici ce qu’a dit le pape durant cette audience:
« Je voudrais souligner un autre
point. Le Catéchisme de
l’Eglise catholique rapporte les paroles de Julienne
de Norwich quand il expose le point de vue de la foi catholique sur un thème
qui ne cesse de constituer une provocation pour tous les croyants (cf. nn.
303-314). Si Dieu est suprêmement bon et sage, pourquoi le mal et la souffrance
des innocents existent-ils? Même les saints, précisément les saints, se sont
posé cette question. Illuminés par la foi, ils nous donnent une réponse qui
ouvre notre cœur à la confiance et à l’espérance: dans les mystérieux desseins
de la Providence ,
Dieu sait également tirer du mal un bien plus grand, comme l’écrivit Julienne
de Norwich: «J’appris de la grâce de Dieu que je devais rester fermement dans
la foi, et que je devais donc solidement et parfaitement croire que tout aurait
bien fini...» (Le livre des révélations, chap. 32). Oui, chers
frères et sœurs, les promesses de Dieu sont toujours plus grandes que nos
attentes. Si nous remettons à Dieu, à son immense amour, les désirs les plus
purs et les plus profonds de notre cœur, nous ne serons jamais déçus. «Et tout
sera bien», «chaque chose sera pour le bien»: tel est le message final que
Julienne de Norwich nous transmet et que moi aussi je vous propose aujourd’hui.
Merci. » (Benoît XVI, 1/12/2010)
Voici
quelques extraits de l’œuvre de Julienne de Norwich intitulée : Les
Révélations de l’Amour Divin :
Troisième révélation :
compréhension spirituelle
« Rien n'est fait par hasard, tout est
ordonné et réglé par la prévoyante sagesse de Dieu; s'il nous en semble
autrement, c'est que nous sommes aveugles ou à courte vue. Pour l'homme,
certaines oeuvres sont bonnes, d'autres mauvaises. Pas pour Dieu; toutes sont
bonnes et parfaites, et entre ses oeuvres, la plus grande et la plus petite le
sont au même titre. Toutes choses furent, même avant leur accomplissement,
établies par lui dans l'ordre qu'elles conserveront pour toujours. Et rien,
absolument rien, ne s'en écartera, car c'est dans le plein exercice de sa bonté
infinie que Dieu a fait toutes choses; et la Trinité est toujours pleinement satisfaite de
toutes ses oeuvres. »
Treizième révélation : compréhension spirituelle
« Notre Seigneur me remit ensuite dans
l'esprit l'ardent désir de le posséder; et je vis que rien ne s'y opposait si
ce n'est le péché. Je me dis que si le péché n'avait pas existé, nous aurions
tous été purs et semblables à Dieu, tel qu'il créa nos premiers parents. Je
m'étais souvent demandé pourquoi la grande sagesse de Dieu qui prévoit tout
n'avait pas mis obstacle au premier péché; car, pensais-je, tout alors eût été bien.
Jésus m'y répondit : ''Il convient que le péché existe; mais, sois sans
inquiétude, tout ira bien, tout finira bien.'' Avec ce simple motpéché,
Notre Seigneur me mit dans l'esprit tout ce qui n'est pas bon en
général; toutes les souffrances et douleurs, corporelles ou spirituelles,
toutes les souffrances passées ou à venir, y compris la Passion. Mais je ne
vis pas le péché; je crois, en effet, qu'il n'a pas de substance, ni
aucune sorte d'être; on ne saurait le connaître autrement que par la
souffrance qu'il cause. On peut dire que la souffrance est quelque chose
pour un temps donné, car elle nous purifie, nous amène à nous connaître
nous-mêmes et à demander miséricorde. Notre bon Seigneur réconforte par ces
paroles : ''Il est vrai que le péché est cause de toutes ces souffrances;
mais tout ira bien, oui, tout ira bien, aie confiance, tout finira
bien.'' Ces paroles me furent adressées avec la plus parfaite
tendresse, sans me montrer aucune sorte de blâme. C'était donc bien mal à
moi et un grand manque de confiance filiale de me plaindre ou de m'étonner
de la conduite de Dieu, alors que Lui ne m'inflige aucun reproche pour mes
péchés. Je vis dans ces paroles un merveilleux mystère,
profondément caché en Dieu; mystère qu'il nous révélera un jour. Dans mon
anxiété pleine de tristesse, je disais à Notre Seigneur : ''Ah! Mon bon Jésus,
comment pourrait-il se faire que tout aille bien, étant donné le grand mal
que le péché fait à la créature?'' Notre Seigneur daigna me répondre
tout à fait doucement et avec un air des plus tendres : ''Puisque j'ai
réparé le plus grand mal, tenez pour certain que je réparerai aussi tout ceux
qui sont moindres.'' L'enseignement qui me fut donné ici, c'est que
nous devons mettre toute notre confiance en notre bien-aimé Sauveur et nous
réjouir en lui seul. »
«
Tout ira bien, tu le verras toi-même. »
Dans ces deux paroles, mon âme saisit
plusieurs enseignements. Jésus veut que nous sachions qu'il ne fait pas
seulement attention aux choses nobles et grandes, mais aussi aux petites, aux
actions les plus humbles. La moindre chose ne sera ni oubliée ni perdue. C'est
là ce que veut dire: Tout ira bien.
Dans la seconde parole, il s'agissait
des actions mauvaises à nos yeux et qui causent de si grands maux qu'il nous
paraît impossible qu'elles arrivent jamais à une bonne fin. Nous le constatons,
avec désolation et tristesse, sans pouvoir nous résigner à entrer dans les vues
de Dieu comme nous le devrions. Cela vient de ce que notre raison est aveuglée,
trop simple pour comprendre la suréminente Sagesse, la Puissance et la Bonté de la Trinité. Par ces
mots, Notre Seigneur voulait dire : ''Pour le moment, sois seulement fidèle et
confiante; un jour viendra où tu verras cela en toute vérité, au sein d'une
joie parfaite.''
Il y a une Oeuvre que la sainte Trinité
accomplira au dernier jour. Quand et comment sera-t-elle faite? Aucune créature
ne saurait le dire avant son accomplissement. Cette grande Oeuvre décidée par
Dieu de toute éternité, profondément cachée dans son sein, connue seulement de
lui, c'est celle où toutes choses seront par lui réparées. Car, de même que la Trinité a créé tout de
rien, ainsi fera-t-elle que tout ce qui n'est pas bien le devienne. La
plénitude de la joie consiste à voir Dieu en tout. Il permet
parfois que nous fassions quelques chutes, plus graves qu'auparavant à ce qu'il
nous semble. Si nous ne faisions aucune chute, nous ne saurions pas à quel
point nous sommes faibles par nous-mêmes; puis nous ne connaîtrions pas aussi
bien l'amour extraordinaire que notre Créateur a pour nous. Jamais, à aucun
moment, nous n'aurions eu moins de valeur à ses yeux. » (Julienne de
Norwich, Les Révélations de l’Amour Divin)
Une des phrases les plus lumineuses qui
aient été écrites sur le mystère du mal, nous vient de saint Augustin: « Car le Dieu Tout-puissant (...), puisqu’il est
souverainement bon, ne laisserait jamais un mal quelconque exister dans ses
œuvres s’il n’était assez puissant et bon pour faire sortir le bien du mal
lui-même. » (S. Augustin, enchir. 11, 3).
Je veux terminer ce texte en
l’honneur de la Trinité
par un message que m’a envoyé un de mes meilleurs amis de Québec nommé Michel.
Voici ce que m’a écrit Michel :
Le passage suivant d'un film de
Pagnol m'a fait penser au sacrement de la réconciliation:
Angèle,
entraînée par un mauvais garçon, s’est prostituée. Saturnin, l’employé de ses
parents, vient la chercher à Marseille. (C'est
Fernandel qui jouait le rôle de Saturnin.)
«
Écoute, ce qui t’arrive en ce moment, voilà comment je le comprends… C’est
comme si on me disait : « Notre Angèle est tombée dans un trou de fumier. »
Alors moi j’irais, et je te prendrais dans mes bras, et je te laverais bien. Et
je te passerais des bois d’allumettes sous les ongles, et je te tremperais les
cheveux dans l’eau de lavande pour qu’il ne te reste pas une paille, pas une
tache, pas une ombre, rien… Je te ferais propre comme l’eau, et tu serais aussi
belle qu’avant. Parce que, tu sais, l’amitié, ça rapproprie tout, tout, tout…
Et si un jour, par fantaisie, tu venais me dire : « Saturnin, tu te rappelles
le jour où je suis tombée dans le fumier? » moi, je te dirais « Quel fumier ? …
Où ?... Quand ? … Comment ? … » Moi, je t’ai vue si petite, que je te vois
propre comme tu es née. »
En
allant voir sur internet, j’ai appris que cette scène est tirée du film de
Marcel Pagnol, intitulé : Angèle, film français réalisé
en 1934 d’après le roman de Jean Giono intitulé: Un de Baumugnes.
Cela nous montre à quel point tout nous parle de Dieu, tout nous instruit sur
qui est Dieu : l’art, le roman, le cinéma, la peinture, la nature, etc.
JOYEUSE SOLENNITÉ DE LA TRÈS SAINTE TRINITÉ
!!!
(1) Eric-Emmanuel Schmitt, Mes Évangiles, Éditions
Albin Michel, 2004.
Ah père Guy, quel texte. Il faut le lire et le relire car il est très fort! Je n'ai jamais vraiment lu M. Schmitt, mais je l'ai souvent vu en entrevue (Émission Second Regard, Radio-Canada, du dimanche après-midi) et il m'a toujours fortement impressionnée. Je le lirai sûrement dans le futur. Quant à Julienne de Norwich, je ferai sûrement des recherches pour la connaître davantage.
RépondreSupprimerC'est étrange car j'ai partagé hier sur Facebook un lien concernant le meurtre sordide du jeune chinois qui habitait Montréal pour ses études, Lin Jun. Ce meurtre horrible a été commis par un malheureux déséquilibré (probablement très malade et habité par le mal) qui est recherché activement actuellement par pratiquement tous les pays du monde. Cela me fait mal de voir ce que ce jeune chinois a subi de tortures et je parlais du mal qui existe de par le monde. Je n'ai pas vraiment reçu de commentaires des adeptes de Facebook là-dessus. Si cela vous intéresse de lire mes commentaires, vous pouvez aller sur Facebook, voir Aurore-Colette Gladu. Merci de nous être revenu avec vos textes si inspirants. Je commençais à m'ennuyer de ne pas vous lire. À bientôt, j'espère.