"Deux par deux" (Mc 6, 7)
11 JUILLET 2021
dimanche, 15ème Semaine du Temps Ordinaire — Année B
ÉVANGILE
« Il commença à les envoyer » (Mc 6,7-13)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là,
Jésus appela les Douze ;
alors il commença à les envoyer en mission deux par deux.
Il leur donnait autorité sur les esprits impurs,
et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route,
mais seulement un bâton ;
pas de pain, pas de sac,
pas de pièces de monnaie dans leur ceinture.
« Mettez des sandales,
ne prenez pas de tunique de rechange. »
Il leur disait encore :
« Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison,
restez-y jusqu’à votre départ.
Si, dans une localité,
on refuse de vous accueillir et de vous écouter,
partez et secouez la poussière de vos pieds :
ce sera pour eux un témoignage. »
Ils partirent,
et proclamèrent qu’il fallait se convertir.
Ils expulsaient beaucoup de démons,
faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades,
et les guérissaient.
– Acclamons la Parole de Dieu.
L'évangile d'aujourd'hui nous présente le premier envoi des apôtres en mission dans l'évangile selon saint Marc. La première caractéristique de l'envoi en mission qui est mentionnée dans ce texte, est celle-ci: "IL LES ENVOYA DEUX PAR DEUX". Ce n'est sûrement pas pour rien que ce soit la première caractéristique qui est mentionnée.
En pensant à cela, il m'est venu une lumière sur le déclin de la vie chrétienne au Québec et, d'une façon, plus générale en Amérique. On se demande souvent pourquoi le christianisme est en déclin chez nous. Il y a sûrement plusieurs raisons à cela. Mais une des raisons qui m'a sauté aux yeux en réfléchissant sur l'évangile d'aujourd'hui, est celle-ci: un des plus grands obstacles à la religion catholique, c'est l'individualisme. Or l'individualisme à outrance est une des caractéristiques principales de l'Occident. Ce n'est pas pour rien que l'évangile est beaucoup plus vivant en Afrique et en Amérique du Sud, par exemple. Le peuple Africain est un peuple communautaire. Il y a des exceptions en Amérique. Le peuple Haïtien est communautaire. Regardez dans nos églises; plusieurs personnes qui les fréquentent, viennent d'Haïti ou d'Afrique. Et ce n'est pas sans raison. Le peuple Haïtien et le peuple Africain sont des peuples qui ont l'esprit communautaire à commencer par l'esprit familial. Ils sont souvent pauvres, mais ils n'ont pas peur de mettre au monde des enfants car ils savent que la vie de famille est une des plus grandes joies qu'il y ait sur cette terre.
Ici, si on prend l'expérience des gens de soixante-dix ans et plus, quelle expérience ont-ils de la vie ecclésiale, de la vie de l'Église ? Les gens de cette génération ont l'habitude de voir leur curé faire tout. La participation active des laïcs à la vie de l'église, est très récente chez nous. Elle date d'une cinquantaine d'années.
Prenons un exemple très actuel. Cet après-midi, dans une de nos deux églises, l'église des Saints Simon-et-Jude, je vais baptiser un enfant. Je serai tout seul pour représenter la communauté chrétienne. La célébration du baptême commence par l'accueil. Nous sommes invités à commencer la célébration à l'arrière de l'église, à l'entrée de l'église. Pour signifier l'entrée dans l'Église avec un grand É, on se tient à l'entrée de l'église avec un petit "é". L'Église avec un grand É, c'est le peuple de Dieu. Cette première étape de la célébration du baptême s'appelle l'accueil. Le prêtre dit à la famille et à leurs parents et amis cette phrase: "Cher ... (nom de l'enfant), la communauté chrétienne des Saints-Simon-et-Jude est heureuse de t'accueillir." Et je suis seul pour représenter la communauté. Quelle incongruité! On me dit que je devrais célébrer les baptêmes durant la messe dominicale. C'est vrai, mais je ne peux quand même pas célébrer tous les baptêmes qui sont à venir, aux messes dominicales. Je craindrais d'abuser de la patience de nos paroissiens.
J'ai dit à nos chers paroissiens que la prière que nous récitons à chaque messe, immédiatement après la communion (cliquer sur: Prière pour revitaliser la paroisse), ne doit pas être de simples paroles. On doit y croire et cela doit changer quelque chose dans notre manière d'agir. Nous demandons à l'Esprit Saint de faire vivre à notre paroisse une nouvelle Pentecôte; rien de moins. Or il faut que ça commence quelque part. Dieu n'est pas dupe. Il sait si nous désirons ou non ce que nous demandons. J'ai aussi dit aux paroissiens que le dimanche, comme tous les autres jours, dure 24 heures. Plusieurs personnes considèrent qu'elles ont sanctifié le dimanche une fois qu'elle sont allées à la messe. Or la messe ne dure qu'une heure. Jésus, le jour du sabbat, allait à la synagogue, mais il profitait du jour du Seigneur pour faire le plus de bien possible. Ils faisaient beaucoup de miracles le jour du sabbat, même si cela lui attirait de graves ennuis. C'était sa façon habituelle de sanctifier le jour du Seigneur. J'ai dit aux paroissiens que venir aux baptêmes pour montrer leur joie d'accueillir un nouveau membre dans la communauté, est une des plus belles actions qu'ils puissent poser le dimanche (le dimanche étant le "jour du Seigneur" depuis la Résurrection de Jésus).
La personne qui m'a enseigné au mieux à ne pas agir seul comme chrétien, est Henri Nouwen, un de mes auteurs préférés. Nouwen, prêtre catholique né aux Pays-Bas en 1932 et décédé en 1996, est un savant. Il a passé la majeure partie de sa vie à enseigner dans les plus grandes universités américaines. Il a enseigné diverses matières et a écrit de nombreux livres. Quelques années avant sa mort, il a vécu une conversion étonnante. Il existe diverses types de conversion. La conversion dont je parle, je la qualifierais d'ontologique. Nouwen a été changé dans son être profond, dans sa vision de la vie chrétienne et dans l'actualisation de sa vie chrétienne. Il est allé vivre à Daybreak, en banlieue de Toronto, à l'Arche de Jean Vanier. Il vivait tous les jours en compagnie de personnes lourdement handicapées intellectuellement. Ces personnes ne savaient pas que Nouwen était connu internationalement et elles ne pourraient jamais lire un de ses livres. Mais ces personnes handicapées lui ont beaucoup appris à être chrétien. Je vous invite à visionner la vidéo ci-dessous, intitulée : "What Adam Taught Me" ("Ce qu'Adam m'a appris"). Adam était une des personnes les plus handicapées qu'il y avait à Daybreak.
C'est la maison d'édition Novalis qui a fait connaître Nouwen au Québec, en publiant le magnifique petit livre intitulé "Au nom de Jésus "(1). Dans ce petit livre, Nouwen raconte comment il en est venu à aller vivre à Daybreak. Il nous montre surtout comment le fait de voyager toujours en compagnie d'une personne handicapée a produit des merveilles dans son apostolat. Lorsque Nouwen était invité à donner des conférences il y allait toujours avec une personne handicapée. On devine qu'il faisait cela, à l'origine, pour obéir au commandement de Jésus d'aller porter l'évangile deux par deux. Nouwen avoue qu'au début, il n'attendait vraiment rien de positif de la part de son compagnon de route. Ce fut le cas le jour où on l'invita à Washington, D.C., pour donner une conférence sur le leadership chrétien à l'aube du XXIème siècle. Pour cela, Nouwen a amené Bill avec lui, une personne handicapée de Daybreak. Bill était tout fier de cela et il ne cessait de dire à Henri: "Nous faisons cela ensemble". Henri acquiesçait mais sans vraiment y croire. Or, de fait, la présence de Bill à la conférence a changé complètement l'atmosphère. Par ses remarques durant la conférence, il a détendu l'atmosphère, il a fait rire les gens et ceux-ci se sentaient comme en famille, dans leur salon.
À la fin de la conférence, Bill a demandé à Henri s'il pouvait dire quelque chose aux gens. Henri a accepté tout en craignant ce qu'il pourrait dire. Bill dit aux participants:
"La dernière fois, quand Henri est allé à Boston, il a amené John Smeltzer avec lui. Cette fois-ci, il a voulu que ce soit moi qui vienne avec lui à Washington. et je suis très heureux d'être ici avec vous. Merci beaucoup." Et c'était tout, et tout le monde s'est levé et l'a applaudi chaleureusement."
Le lendemain matin, au déjeuner dans l'hôtel, Bill se promenait de table en table avec son café à la main pour saluer les gens. Henri l'a perdu de vue pendant une heure.
Voici, ci-dessous, deux vidéos très intéressantes. Dans la première, à 49:08, Nouwen présente à quelqu'un quatre personnes handicapées qui ont beaucoup voyagé avec lui. À 49:32, Nouwen demande à l'un d'entre eux s'il se souvient du jour où tous les deux ont rencontré le premier ministre du Canada, Brian Mulroney.
Nouwen: "Tu lui a dit: "Qu'est-ce que tu fais ?" ("What do you do?") Et il t'a répondu: "Je suis le premier ministre du Canada" Et tu lui a demandé : "Pourquoi ? " ("Why")
À bien y penser, cette question de la personne handicapée dont j'ignore malheureusement le nom, est probablement la question la plus importante qu'une personne ait posée à monsieur Mulroney durant son mandat de premier ministre : "Pourquoi êtes-vous premier ministre?". Est-ce pour la gloire ? Est-ce pour le pouvoir ? Est-ce vraiment pour servir ?
Il y a quelques années de cela, les autorités de notre diocèse ont invité des États-Unis l'abbé Michael White et son paroissien Tom Corcoran pour nous dire comment ils avaient redonné vie à leur paroisse. Leur livre intitulé Rebuilt, est désormais un livre de référence pour quiconque veut évangéliser de nos jours. J'ai participé à cette conférence; et dès le début de son exposé, l'abbé Michael White nous a dit que la question qu'il faut se poser, ce n'est pas "Comment?", mais "Pourquoi?". Pourquoi faisons-nous telle ou telle chose? Voilà la question essentielle. Pourquoi faisons-nous des soupers-bénéfice qui demandent beaucoup d'organisation ? Pour faire un peu d'argent ? Mais est-ce que c'est cela qui va redonner vie à la paroisse ? Est-ce qu'on ne devrait pas mettre nos énergies ailleurs ?
Bill semblait avoir compris cela du premier coup.
Note: La narratrice de la vidéo ci-dessous est la célèbre actrice Susan Sarandon. Quelle bonne idée de l'avoir choisie pour participer à la production de cette vidéo! Je suis sûr qu'elle a été profondément touchée par la vie et la mort d'Henri Nouwen.
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