Qui est chrétien ?
Jean-Claude Guillebaud, dans son livre "La foi qui reste", nous raconte une petite histoire qui l’a beaucoup interpellé :
« Victor Malka, un confrère et ami qui anima longtemps l’émission « Écoute Israël » chaque dimanche sur France Culture, m’a raconté un jour une troublante histoire juive. Elle interroge aussi les chrétiens. Je la résume. Trois rabbins sont engagés dans un pilpoul (débat talmudique) sur l’éternelle question: qui est juif ? Le premier, de tendance orthodoxe, rappelle avec un peu d’irritation la règle claire et nette de la Torah : est juif celui qui a une mère juive. Tout le monde sait cela ! Le deuxième, plus libéral, explique que, prise à la lettre, la loi privilégie en effet la filiation par la mère mais il n’en reste pas moins que, dans l’esprit de cette règle, le rôle du père demeure prépondérant.
Et puis, comme c’est l’usage dans tout pilpoul, chacun commence à argumenter sans fin. C’est alors qu’intervient le troisième rabbin, jusque-là silencieux. Il s’en prend vertement aux deux premiers. Pour lui, ils n’ont décidément rien compris. Et il énonce son propre point de vue : Est juif celui qui a des enfants juifs. En conséquence, seul celui ou celle qui s’est montré capable de transmettre peut se considérer comme juif.
On imagine mon trouble quand j’ai entendu cette histoire. Selon le critère proposé, suis-je vraiment chrétien ? Ai-je assumé ce rôle du père qui transmet ? Ce genre de questionnement devient examen de conscience. La « médiocrité chrétienne » dont je parlais plus haut, c’est aussi celle de ma propre déficience, des mille et un petits arrangements dont ma vie chrétienne est semée. » (1)
(1) Jean-Claude Guillebaud, La foi qui reste, L’Iconoclaste, Paris, 2017, pp. 227-228.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire