20 janvier : CONVERSION DE RATISBONNE
Le 20 janvier est une date qui m'est chère. Depuis le jour où j'ai appris la conversion d'Alphonse Ratisbonne par l'Immaculée Mère de Dieu le 20 janvier 1842, j'essaie de me rappeler de ce fait à chaque année et j'essaie de le faire connaître à d'autres personnes. J'invite les gens qui ne connaissent pas ce fait, à lire le blogue dont la référence se trouve ci-dessous (1). Voici, en résumé, ce qui s'est passé ce jour-là. Le fait est décrit par un témoin qui était aux côtés d'Alphonse Ratisbonne en ce 20 janvier 1842 : le Baron Théodore de Bussière.
" Jeudi 20 janvier. — Ratisbonne n'a point fait un seul pas vers la vérité ; sa volonté est restée la même, son esprit est .toujours railleur, ses pensées toujours aux choses de la terre. Il entre, vers midi, au café de la place d'Espagne pour y lire les journaux. Il y trouve mon beau-frère Edmond Humann, s'entretient avec lui des nouvelles du jour avec un abandon et une légèreté qui exclueut l'idée de toute préoccupation grave. ...
Il est une heure. Je dois prendre quelques arrangements à l'église de Saint-André delle Fratte pour la funèbre cérémonie du lendemain. Mais voici Ratisbonne qui descend la via de' Condotti ; il viendra avec mdi, m'attendra quelques minutes et nous poursuivrons notre promenade. Nous entrons à l'église. Ratisbonne apercevant les préparatifs du service, me demande pour qui ils sont destinés. — Pour un ami que je viens de perdre, M. de Laferronnays que j'aimais extrêmement. Alors, il se met à se promener dans la nef; son regard froid et indifférent semble dire : « Cette église est bien » laide. » Je le laisse du côté de l'épître, à droite d'une petite enceinte disposée pour recevoir le cercueil, et j'entre dans l'intérieur du couvent.
Je n'ai que quelques mots à dire à l'un des moines : je voudrais faire préparer une tribune pour la famille du défunt ; mon absence dure à peine dix ou douze minutes.
En rentrant dans l'église ; je n'aperçois pas d'abord Ratisbonne; puis je le trouve bientôt agenouillé devant lachapelle de l'ange saint Michel. Je m'approche de lui, je le pousse trois ou quatre fois avant qu'il s'aperçoive de ma présence. Enfin il tourne vers moi un visage baigné de larmes, joint les mains, et me dit avec une expression difficile à rendre : « Oh! comme ce Monsieur (NDLR : il s'agit de M. de Laferronnays qui vient de mourir) a prié pour moi ! »
J'étais moi-même stupéfait d'étonnement ; je sentais ce qu'on éprouve en présence d'un miracle. Je relève Ratisbonne; je le guide, je le porte, pour ainsi dire, hors de l'église; je lui demande ce qu'il a, où il veut aller. « Conduisez-moi où vous » voudrez, s'écrie-t-il : après ce que j'ai vu, j'o» béis. » Je le presse de s'expliquer, il ne le peut pas : son émotion est trop forte. Il tire de son sein la médaille miraculeuse qu'il couvre de baisers et de larmes. Je le ramène chez lui, et, malgré mes instances, je ne puis obtenir de lui que des exclamations entrecoupées de sanglots : « Ah! que » je suis heureux ! que Dieu est bon ! quelle plénitude de grâces et de bonheur ! que ceux qui ne » le savent pas sont à plaindre! » Puis, il fond en larmes, en pensant aux hérétiques et aux mécréants. Enfin il me demande s'il n'est pas fou... «Mais non, s'écrie-t-il, je suis dans mon bon sens ; mon Dieu ! mon Dieu! je ne suis pas fou! tout le monde sait bien que je ne suis pas fou ! »
Lorsque cette délirante émotion commence à se calmer, Ratisbonne, avec un visage radieux, je dirais presque transfiguré, me serre dans ses bras, m'embrasse, me demande de le mener chez un confesseur, veut savoir quand il pourra recevoir le baptême, sans lequel il ne saurait plus vivre, soupire après, le bonheur des martyrs dont il a vu les tourments sur les murs de Saint-Etienne-le-Rond. Il me déclare qu'il ne s'expliquera qu'après en avoir obtenu la permission d'un prêtre : « Car, ce que j'ai à dire, » ajoute-t-il, je ne dois, je ne puis le dire qu'à genoux. »
Je le conduis aussitôt à l'église du Gésù, près du père Villefort qui l'engage à s'expliquer. Alors Ratisbonne tire sa médaille, l'embrassé, nous la montre et s'écrie : JE L'AI VUE, JE L'AI VUE ! ! ! et son émotion le domine encore. Mais, bientôt plus calme, il peut s'exprimer.
Voici ses propres paroles :
J'étais depuis un instant dans l'église, lorsque'tout a"un coup je me suis senti saisi d'un trouble inexprimable. J'ai levé les yeux; tout l'édifice avait disparu à mes regards ; une seule chapelle avait, pour ainsi dire, concentré toute la lumière, et au milieu de ce rayonnement, a. paru debout, sur l'autel, grande, brillante, pleine de majesté et de douceur, la. ViergeMarie, telle quelle, est sur ma. médaille ; une force irrésistible m'a poussé vers elle. La Vierge m'a fait signe de la main de m'agenouiller, elle a. semblé me dire: C'est bien ! Elle ne m'a point parlé ; mais j'ai tout compris.
Ce court récit, Ratisbonne nous l'avait fait en s'interrompant souvent, comme pour respirer, et maîtriser l'émotion qui l'oppressait. Nous l'écoutions, nous, avec une sainte frayeur mêlée de joie et de reconnaissance, admirant la profondeur des voies de Dieu et les trésors ineffables de sa miséricorde. Un mot surtout nous avait frappés par sa mystérieuse profondeur : Elle ne m'a point parlé ; mais j'ai tout compris. — Désormais en effet, il suffit d'entendre Ratisbonne; la foi catholique s'exhale de son coeur, comme un parfum précieux du vase qui le renferme, mais ne peut le contenir. Il parle de la présence réelle, comme un homme qui la croit de toutes les forces de son âme, c'est encore trop peu dire; comme un homme qui la SENT. " (2)
(1) https://dieumajoie.blogspot.com/2015/01/20janvier-apparition-de-la-vierge-marie.html
(2) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57874540/texteBrut
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire