Saint Augustin et les distants
Nous vivons au Québec, et spécialement à Montréal où
j'habite, une désertion massive des personnes qui ont été baptisées dans l’Église
catholique. La majorité des adultes baptisés dès leur enfance, ont abandonné la
foi de leurs ançêtres.
Nous lisons depuis plus d’une semaine dans l’office
des lectures du bréviaire le magnifique commentaire de saint Augustin sur la partie
du livre du prophète Ézéchiel qui traite du rôle des pasteurs. Dieu dit ceci :
LIVRE D'Ézéchiel, chapitre 14
« La parole
du Seigneur me fut adressée :« Fils d’homme, prophétise contre les
bergers d’Israël, prophétise. Tu leur diras : Ainsi parle le Seigneur
Dieu : Quel malheur pour les bergers d’Israël qui sont bergers pour
eux-mêmes ! N’est-ce pas pour les brebis qu’ils sont bergers ? Vous,
au contraire, vous buvez leur lait, vous vous êtes habillés avec leur laine,
vous égorgez les brebis grasses, vous n’êtes pas bergers pour le troupeau. Vous n’avez pas rendu des forces à la brebis chétive,
soigné celle qui était malade, pansé celle qui était blessée. Vous n’avez pas
ramené la brebis égarée, cherché celle qui était perdue. Mais vous les avez
gouvernées avec violence et dureté. Elles se sont dispersées, faute de berger,
pour devenir la proie de toutes les bêtes sauvages. Mon
troupeau s’égare sur toutes les montagnes et toutes les collines élevées ;
mes brebis sont dispersées dans tout le pays, personne ne les cherche, personne
ne part à leur recherche. » (Éz 14, 1-6)
Et voici un extrait du commentaire de saint Augustin:
SERMON DE SAINT AUGUSTIN SUR LES PASTEURS
«
Insiste à temps et à contre-temps »
Vous
n'avez pas ramené la brebis égarée, ~ cherché celle qui était perdue.
C'est ainsi que nous pouvons nous trouver exposés à la violence des bandits et
aux dents des loups furieux, et nous vous demandons de prier pour nous quand
nous sommes exposés à ces dangers. Et les brebis sont rétives. Car lorsqu'on
cherche celles qui sont égarées, elles disent qu'elles sont devenues étrangères
en s'égarant et en se perdant : « Pourquoi nous appelez-vous ? Pourquoi nous
cherchez-vous? » Comme si la raison pour laquelle nous les appelons et les
cherchons n'était pas justement qu'elles sont égarées et qu'elles se perdent
! « Si je suis égarée, dit-elle, si je suis près de mourir, pourquoi
m'appelles-tu ? Pourquoi me cherches-tu ? » C'est parce que tu es égarée
que je veux te rappeler; parce que tu vas à ta perte, que je veux te trouver. « C’est
ainsi que je veux m'égarer, c'est ainsi que je veux périr. »
C'est
ainsi que tu veux t'égarer, c'est ainsi que tu veux périr? Raison de plus pour
que je ne le veuille pas. Oui, j'ose le dire : je suis importun. J'entends
l'Apôtre me dire: Annonce la parole, insiste à temps et à contre-temps. À
temps envers qui? À contre-temps envers qui? À temps envers ceux qui
veulent, à contre-temps envers ceux qui ne veulent pas. Oui, je suis importun,
j'ose dire: « Tu veux t'égarer, tu veux périr; moi, je ne veux pas
». Et finalement, celui qui ne veut pas, c'est celui qui me fait peur. Si je
voulais, voici ce qu'il (Dieu) me dirait, voici ce qu'il me reprocherait: Vous
n'avez pas ramené la brebis égarée et vous n'avez pas cherché celle qui était
perdue. Est-ce que je te craindrai davantage que lui ? Nous aurons
tous à comparaître devant le tribunal du Christ. ~Je rappellerai la
brebis égarée, je chercherai la brebis perdue. Que tu le veuilles ou non, je le
ferai. Et si, dans ma recherche, les buissons des forêts me déchirent, je me
ferai tout petit ; je secouerai toutes les haies; autant que le Seigneur
redoutable me donnera de forces, je parcourrai toute la campagne. Je
rappellerai la brebis égarée, je chercherai la brebis perdue. Si tu ne veux pas
que je souffre, ne t'égare pas, ne te perds pas. Peu importe que je m'attriste
de ton égarement et de ta perte. Je crains, si je ne m'occupe pas de toi, de te
tuer, même toi qui es fort. Regarde en effet la suite du texte: Et
celle qui était forte, vous l'avez accablée. Si je ne m'occupe pas de celui
qui est égaré et qui se perd, c'est que je me réjouirai de voir celui qui est
fort s'égarer et périr.
Voilà ce qu’est le cœur d’un pasteur. Saint Augustin n’est
pas un géant pour rien.
(1) La peinture mise au
haut du présent blogue, présente deux caractéristiques que l’on associe à saint
Augustin : le cœur dans une de ses mains et un ange qui tient un coquillage
et le présente à Augustin. Ces deux images (le cœur et le coquillage) représentent
bien saint Augustin : Augustin fut un homme de cœur et un homme de raison.
Les côtés affectifs et intellectuels d’Augustin sont ici mis en relief.
Le cœur :
Dans ses Confessions, Augustin,
parlant à Dieu, lui dit : « Tu as percé mon cœur par des flèches d’amour. »
(Confessions, chapitre IX). Cette citation est très proche de la phrase suivante
du Cantique des Cantiques, le livre biblique qui fait le mieux l’éloge
de l’Amour : « Tu as blessé mon cœur, ma sœur fiancée, tu as
blessé mon cœur, d’un seul de tes regards. » (Cantique des cantiques,
4, 9)
Le coquillage :
On raconte que Saint Augustin, évêque
d'Hippone, en Afrique du Nord, se promenait un jour au bord de la mer, absorbé
par une profonde réflexion : il cherchait à comprendre le mystère de la Sainte
Trinité. Il aperçoit tout à coup un jeune enfant fort occupé, allant et venant
sans cesse du rivage à la mer : cet enfant avait creusé dans le sable un petit
bassin et allait chercher de l'eau avec un coquillage pour la verser dans son
trou. Le manège de cet enfant intrigue l'Evêque qui lui demande :
- Que fais-tu là ?
- Je veux mettre toute l'eau de la mer
dans mon trou.
- Mais, mon petit, ce n'est pas possible !
reprend Augustin. La mer est si grande, et ton bassin est si petit!
- C'est vrai, dit l'enfant. Mais j'aurai
pourtant mis toute l'eau de la mer dans mon trou avant que vous n'ayez compris
le mystère de la Sainte Trinité.
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