Michael Lonsdale le croyant n'est plus
J'aime beaucoup les acteurs croyants qui n'ont pas peur d'afficher leur foi en Dieu. Michael Lonsdale est un de ceux-là. Il est décédé hier, le 21 septembre 2020, en la fête de saint Matthieu. J'aimerais aussi mourir en la fête de saint Matthieu qui est une de mes fêtes préférées de l'année liturgique.
À l'occasion du décès de l'acteur, le site internet Aleteia a publié une interview faite en 2003. Il y a de véritables petites perles dans cette interview. Voici quelques unes de ces perles:
Le comédien Michael Lonsdale est décédé ce lundi 21 septembre 2020 à son domicile parisien à l’âge de 89 ans. Luc Ardian, journaliste, l’avait rencontré en 2003. Un échange lumineux.
Quel est, pour vous, le comble de la misère ?
Michael Lonsdale : Ne pas rencontrer Dieu. Ma Foi a connu plusieurs rebondissements. Je fus baptisé à l’âge de 22 ans ; j’étais croyant, mais la prière manquait à ma vie. Jusqu’aux jours de l’épreuve – des années 1984 à 87 – où je vécus une succession de deuils très douloureux. Je sombrai dans un désespoir profond. Du fond de mon abîme, j’ai crié vers le Seigneur : «Sauve-moi, je n’en peux plus !» Il m’a répondu aussitôt. Le lendemain, mon parrain montait à Paris et me tirait à l’église Saint-François-Xavier, toute proche. S’y tenait une assemblée de prière de la Communauté de l’Emmanuel. Ce fut une onction bienfaisante. Par la prière de ces frères et soeurs, la joie de la Foi me fut donnée. Je suis remonté à la surface comme un bouchon libéré de la vase. Depuis, ma vie est une Pentecôte, avec ses hauts et ses bas bien sûr.
Où aimeriez-vous vivre ?
Où je suis. Vivre, c’est être là où on est, dans l’instant, c’est-à-dire n’importe où.
Le personnage historique que vous admirez le plus ?
Gandhi. Il a désarmé une armée sans arme, il a chassé les Anglais sans faire la guerre. Mais pourquoi donc les grands faiseurs de paix sont-ils assassinés : Gandhi, Sadate, Rabin, Martin Luther King… ?
Votre idéal de bonheur terrestre ?
Rencontrer le Christ.
Votre saint préféré ?
François d’Assise. On dit qu’il y a eu seulement deux chrétiens depuis le Christ : le Christ… et François d’Assise. Je le crois. François est sans doute l’un de ceux qui ont le plus suivi le Christ dans son abaissement, son dépouillement, son anéantissement. Les fondateurs en bavent souvent, vous ne trouvez pas ? A François d’Assise, Dieu demande de reconstruire son Église, et Il lui enlève tout, comme s’Il voulait lui signifier : « Ma grâce te suffit » ! François d’Assise a connu une sacrée déprime. Il a fallu que l’un de ses frères aille chercher sainte Claire d’urgence pour l’en tirer. Alors surgit le Cantique du Soleil ! C’est la puissance de la louange. Bien souvent, on ne comprend la volonté de Dieu qu’après coup. Je n’ai jamais rencontré autant de difficultés que lorsque j’ai voulu monter Les Fioretti de saint François, Vous m’appellerez Thérèse – un spectacle sur sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus -, et Récit d’un pèlerin russe. J’ai expérimenté là ce qu’on appelle le combat spirituel.
Votre sainte préférée ?
Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. Ma mère a fui la religion catholique à cause de prêtres qui l’ont vouée à la damnation et à l’enfer. C’est pourquoi je me sens aussi proche de Thérèse : cette petite religieuse, morte à 24 ans, a renversé le jansénisme, le moralisme, et a remis l’Amour à sa place, c’est-à-dire la première ! Et dire que l’Histoire d’une âme est rédigée sans rature, alors que Thérèse ne s’est jamais relue…
Votre peintre préféré ?
Rembrandt. Le seul qui a peint Dieu de façon acceptable, et qui a saisi l’essentiel de l’Évangile. Il est allé aussi profond que ce que la peinture peut exprimer de la lumière – pas seulement la lumière terrestre, mais la Lumière divine. Regardez Les Pèlerins d’Emmaüs !
Votre tableau préféré ?
« Le Retour de l’Enfant prodigue », de Rembrandt. À mes yeux, le plus beau tableau qui soit au monde. Voyez cette main masculine et cette main féminine posées sur les épaules de l’homme agenouillé : elles signifient que Dieu est un père avec des « entrailles de mère ».
Votre qualité préférée chez l’homme ?
La bonté. Je préfère l’homme bon à l’homme cultivé. La culture est une accumulation de trésors, mais à quoi sert-elle, dans le fond, si elle n’est pas partagée?
Et chez la femme ?
La tendresse.
Votre occupation préférée ?
Donner. Donner tout ce qu’on peut, donner le meilleur, donner… «Je ne possède que ce que j’ai donné», disait une princesse italienne.
Qui auriez-vous aimé être ?
Moi même… en mieux.
Votre rêve de bonheur ?
Le Paradis. D’ailleurs, c’est mon motif préféré : je peins des édens colorés, des jardins secrets, où il fait bon vivre dans l’harmonie des tons.
Que possédez-vous de plus cher ?
L’Amour du Christ.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Ne plus aimer… Et la maladie d’Alzheimer. Ne plus rien reconnaître, ni des autres, ni de soi, ni du monde. Devenir l’Absent.
Votre passage d’Évangile préféré ?
Le lavement des pieds. Ce Dieu qui s’abaisse pour servir son humanité me fascine. Je suis très « zundelien » : le Christ Roi, son règne et son trône, me parlent beaucoup moins que le Serviteur souffrant. Un autre passage m’interroge : les pèlerins d’Emmaüs. Pourquoi est-il dit que Jésus « fit semblant de les quitter » ? Était-ce un jeu pédagogique ? Vous ne trouvez pas qu’un Dieu qui joue à faire semblant, c’est fascinant pour un acteur ?
Votre prière préférée ?
Celle de l’enfant : Jésus, Jésus, Jésus. Celle aussi que j’invente dans ce tête-à-tête, ce cœur-à-cœur – parfois très délirant ! -, cet échange où il faut parler, se taire, écouter… Oui, se taire. J’aspire de plus en plus au silence. Ceci dit, je me sens très à l’aise dans la prière communautaire.
Votre maxime, ou citation, préférée ?
« Dieu est amour » (saint Jean). Banal, n’est-ce pas, mais c’est la phrase capitale, le cœur de la Révélation, le cœur de ma vie, le cœur du monde.
Vos héros dans la vie réelle ?
Ces SDF qui parviennent à rester dignes alors que le monde s’est écroulé pour eux, et qu’ils subsistent dans la solitude, le non-sens, la misère.
Ce que vous détestez par dessus tout ?
La haine.
La vertu la plus nécessaire aujourd’hui ?
La pureté.
La réforme que vous admirez le plus ?
Vatican II.
Si vous pouviez faire un miracle… ?
Je guérirais quelqu’un.
S’il vous restait une heure à vivre ?
Je chanterais à tue-tête en glorifiant Dieu.
Comment aimeriez-vous mourir ?
En paix.
Que direz-vous à Dieu quand Il vous accueillera ?
« Tu es vraiment trop bon ! »
Le mot de la fin que vous préférez ?
« Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)
Et le vôtre ?
« Merci et pardon. » Trois fois chacun.
Luc Adrian (1)
(1) https://fr.aleteia.org/2020/09/21/portrait-michael-lonsdale-frere-pacifique/
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