jeudi 24 octobre 2019

Une erreur en politique

Une erreur en politique

Il y a une erreur qui circule dans le monde de la politique. Il semble que certains politiciens croient qu’il est de leur devoir de suivre la volonté du peuple plutôt que d’obéir à leur conscience. Certains hommes et femmes députés ou ministres semblent croire que parce qu’ils ont été élus par une majorité d’électeurs dans leur circonscription, ils doivent représenter cette majorité d'électeurs et respecter leur volonté quand ils votent sur un projet de loi. C’est ainsi que j’ai compris la pensée de M. Jean Chrétien lorsqu’il a été interviewé un jour à la télévision.

Mais cette façon de voir n’est pas catholique et constitue une erreur selon la pensée de l’Église catholique. Tout député ou tout ministre devrait voter selon sa conscience quand il s’agit de voter sur un projet de loi. On ne doit jamais agir contre sa conscience, en opposition à sa conscience. Et la conscience d’une personne catholique devrait être en accord avec la pensée de l’Église catholique.

Voici certains extraits d’un article de M. Michel C. Auger, journaliste à Radio-Canada 

Analyse

Andrew Scheer, entre religion et politique



Michel C. Auger


La conciliation entre les convictions personnelles, morales ou religieuses et la politique est aussi vieille que le monde. Mais, depuis un demi-siècle au moins, un principe s’est imposé : les politiciens ne doivent pas gouverner en fonction de leurs croyances morales ou religieuses, si sincères peuvent-elles être, mais en fonction de l’intérêt de tous les citoyens.
L’intérêt national
Celui qui a sans doute le mieux résumé la situation fut John F. Kennedy, catholique et candidat à la présidence des États-Unis — c’était une grosse controverse à l’époque — dans un fameux discours à Houston, devant une assemblée de ministres protestants, en 1960 : "Je ne parle pas au nom de l’Église sur les questions d’intérêt public, et l’Église ne parle pas pour moi. Quelles que soient les questions que j’aurai à trancher comme président […] je le ferai selon ce que ma conscience me dit être l’intérêt national, sans égard aux pressions ou convictions religieuses."

Depuis, c’est pratiquement devenu la norme. Quand des politiciens ont eu à s’expliquer sur ces questions dans des sociétés démocratiques, ils ont tenu des discours similaires. (1)
J'ai été voir, grâce à l'internet, ce que John F. Kennedy a dit le 12 septembre 1960 à Houston, alors qu'il était candidat à la présidence des États-Unis. J'ai reproduit ci-dessous certains passages de ce discours prononcé en septembre 1960.  
I believe in an America where the separation of church and state is absolute, ...
"Je crois en une Amérique où la séparation entre Église et État est absolue.  

I believe in an America that is officially neither Catholic, Protestant nor Jewish; where no public official either requests or accepts instructions on public policy from the Pope, the National Council of Churches or any other ecclesiastical source;

Je crois en une Amérique qui est officiellement ni catholique, ni protestante ni juive; où aucun responsable public demande ou accepte des instructions du pape, du conseil national ou des Églises concernant des politiques publiques. 


 I believe in a president whose religious views are his own private affair, neither imposed by him upon the nation, or imposed by the nation upon him as a condition to holding that office.
Je crois en un président dont les vues religieuses sont une question tout à fait privée, ni imposées par lui à la nation, ni imposées à lui par la nation comme une condition pour exercer son rôle. 
I want a chief executive whose public acts are responsible to all groups and obligated to none; …  and whose fulfillment of his presidential oath is not limited or conditioned by any religious oath, ritual or obligation. …
Je veux un chef exécutif dont les actes publics sont responsables envers tous les groupes et redevable à aucun; ...et dont l'accomplissement de son serment politique n'est pas limité ou conditionné par un quelconque serment religieux, rituel ou quelque obligation que ce soit. 
I do not speak for my church on public matters, and the church does not speak for me.
Je ne parle pas pour mon Église en ce qui concerne les affaires publiques, et l'Église ne parle pas pour moi. 
Whatever issue may come before me as president — on birth control, divorce, censorship, gambling or any other subject — I will make my decision in accordance with these views, in accordance with what my conscience tells me to be the national interest, and without regard to outside religious pressures or dictates. And no power or threat of punishment could cause me to decide otherwise.
Quelle que soit la situation qui se présente à moi comme président - concernant le contrôle des naissances, le divorce, la censure, les jeux à l'argent ou toute autre question - je vais prendre ma décision en accord avec les principes mentionnés ci-dessus, en accord avec ce que ma conscience m'indique comme étant l''intérêt national, et sans tenir compte de pressions religieuses ou de dictas venant de l'extérieur Et aucun pouvoir ou menace d'être puni pourra faire en sorte que je décide autrement. 
But if the time should ever come — and I do not concede any conflict to be even remotely possible — when my office would require me to either violate my conscience or violate the national interest, then I would resign the office; and I hope any conscientious public servant would do the same. "
Mais si jamais il arrivait que sous ma gouverne, il se présente un cas (ou un conflit) où je devrais aller contre ma conscience ou contre l'intérêt national, alors je démissionnerais de mon poste; et j'espère que tout serviteur public qui est consciencieux ferait de même." (2)

Il me semble clair, d'après les propos qu'a tenus le président John F. Kennedy le 12 septembre 1960, que cet homme politique ne savait pas comment doit gouverner un homme politique qui se dit catholique. Nous sommes en 1960. Durant les années soixante, on a vu apparaître un fléau qui est aujourd'hui à son paroxysme: la religion à la carte. La religion, pour plusieurs, est bonne pour eux dans la mesure où les idées proposées par Dieu ou par l'Église, correspondent à leurs propres idées. Autrement dit, c'est chaque personne humaine qui est la mesure de ce qui est bon pour soi et de ce qui est bon pour " l'intérêt national ". Pourtant, la personne qui se dit catholique doit adhérer à toute la vision et la doctrine de l'Église catholique; cela est vrai pour la gouvernance de sa propre vie et pour la gouvernance de la vie des autres. Il est vrai que le principe ultime du jugement moral est la conscience individuelle. Mais cette conscience doit être éclairée par la Parole de Dieu et par les enseignements de l'Église. Un dirigeant politique qui n'adhérerait qu'à certains enseignements de l'Église catholique et pas à d'autres, ne devrait pas se considérer comme un dirigeant catholique. En ce sens, je ne dirais pas pour ma part que le président John F. Kennedy était un dirigeant catholique.   
De plus, le comportement moral de ce président n'a pas toujours été digne d'un chef d'état qui se dit catholique. Parfois on entend dire que la vie personnelle et morale d'une personne ne regarde qu'elle. C'est vrai oui et non. Quand une personne est un chef d'État, elle doit tout faire pour que sa conduite en tout domaine soit irréprochable. Lisez ce que dit saint Paul à propos des personnes qui sont appelées à être responsable des églises: voir 1 Timothée 3, 2-10. Je sais très bien que ce n'est pas toujours le cas dans la réalité; mais il faut viser cet idéal.  

Je pense qu'une des personnes les plus qualifiées pour nous éclairer sur ce sujet, est saint Jean-Paul II. Voici quelques extraits de la lettre apostolique que Jean-Paul II a écrite dans le but de faire de saint Thomas Moore le patron des responsables de gouvernement et des hommes politiques:  

LETTRE APOSTOLIQUE
EN FORME DE MOTU PROPRIO
POUR LA PROCLAMATION DE SAINT THOMAS MORE
COMME PATRON DES RESPONSABLES DE GOUVERNEMENT
ET DES HOMMES POLITIQUES

JEAN-PAUL II
EN PERPÉTUELLE MÉMOIRE

Cette harmonie entre le naturel et le surnaturel est l’élément qui décrit peut-être plus que tout autre la personnalité du grand homme d’État anglais : il vécut son intense vie publique avec une humilité toute simple, marquée par son humour bien connu, même aux portes de la mort.

Tel est le but où le conduisit sa passion pour la vérité. On ne peut séparer l’homme de Dieu, ni la politique de la morale; telle est la lumière qui éclaira sa conscience. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, «l’homme est une créature de Dieu, et c’est pourquoi les droits de l’homme ont en Dieu leur origine, ils reposent dans le dessein de la création et ils entrent dans le plan de la rédemption. On pourrait presque dire, d’une façon audacieuse, que les droits de l’homme sont aussi les droits de Dieu» (Discours du 7 avril 1998 aux participants à la Rencontre universitaire internationale UNIV’98).

Et c’est précisément dans la défense des droits de la conscience que l’exemple de Thomas More brilla d’une lumière intense. On peut dire qu’il vécut d’une manière singulière la valeur d’une conscience morale qui est «témoignage de Dieu lui-même, dont la voix et le jugement pénètrent l'intime de l'homme jusqu'aux racines de son âme» (Encyclique Veritatis splendor, n. 58), même si, en ce qui concerne l’action contre les hérétiques, il fut tributaire des limites de la culture de son temps.

Le Concile œcuménique Vatican II, dans la constitution Gaudium et spes, remarque que, dans le monde contemporain, grandit «la conscience de l’éminente dignité qui revient à la personne humaine, du fait qu’elle l’emporte sur toute chose et que ses droits et devoirs sont universels et inviolables» (n. 26). L’histoire de saint Thomas More illustre clairement une vérité fondamentale de l’éthique politique. En effet, la défense de la liberté de l’Église contre des ingérences indues de l’État est en même temps défense, au nom de la primauté de la conscience, de la liberté de la personne par rapport au pouvoir politique. C’est là le principe fondamental de tout ordre civil, conforme à la nature de l’homme.

5 Je suis donc certain que l’élévation de l’éminente figure de saint Thomas More au rang de Patron des Responsables de gouvernement et des hommes politiques pourvoira au bien de la société. C’est là d’ailleurs une initiative qui est en pleine syntonie avec l’esprit du grand Jubilé, qui conduit au troisième millénaire chrétien.

En conséquence, après mûre considération, accueillant volontiers les demandes qui m’ont été adressées, j’établis et je déclare Patron céleste des Responsables de gouvernement et des hommes politiques saint Thomas More, et je décide que doivent lui être attribués tous les honneurs et les privilèges liturgiques qui reviennent, selon le droit, aux Patrons de catégories de personnes. 

Béni et glorifié soit Jésus Christ, Rédempteur de l’homme, hier, aujourd’hui, à jamais.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 31 octobre 2000, en la vingt-troisième année de mon Pontificat. 

Il a existé des hommes et des femmes politiques qui ont eu la vraie vision de ce que signifie gouverner en tant que personnes catholiques. Un de ces hommes fut le roi Baudouin de Belgique.  Le 4 avril 1990, le roi Baudouin, le roi des Belges, a refusé, au nom de sa conscience, de signer la loi sur l’avortement qui avait été approuvée par le Parlement, ce qui a causé une grave crise politique. Le roi Baudouin a confié ceci au Père Daniel Ange, dans la revue « Feu et Lumière »: « Me connaissant, je n’aurais jamais cru que j’aurais pu avoir une telle audace. Je n’ai pu le faire que par la force de l’Esprit-Saint. » Pour lire la magnifique lettre que le roi Baudouin a écrite au premier ministre Wilfried Martens pour expliquer pourquoi il ne signait pas la loi sur l'avortement, veuillez cliquer sur le lien suivant: http://www.histoire-des-belges.be/au-fil-du-temps/epoque-contemporaine/regne-de-baudouin-1er/la-conscience-du-roi

Un autre de ces hommes est Alcide De Gasperi. le fondateur de la Démocratie chrétienne en Italie. Il a été président du Conseil des ministres d'Italie de 1945 à 1953. Il est considéré comme l'un des Pères de l'Europe. Le pape Jean-Paul II, à l'occasion du centenaire de la naissance de De Gasperi, a prononcé un discours pour souligner la grandeur de cet homme politique. Voici un extrait de ce discours: 

"C’est une commémoration si importante et opportune, car elle concerne un catholique d’une grande stature spirituelle et d’un grand prestige politique qui a laissé un noble témoignage dans l’histoire de l’Italie et de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, grâce à une conscience chrétienne éclairée. ... 

Je voudrais ici rendre hommage avant tout à la physionomie spirituelle de l'homme et de l'homme d'État qui, en vertu de sa foi constante, a rempli une mission qui est digne d'exemple. En lui, la foi fut le centre de son inspiration, une force de cohésion, un critère des valeurs, la raison qui motivait ses choix, ... 

Sa foi s'est développée dans sa famille et a maturé dans le milieu ecclésiastique du Trentin du siècle dernier, rempli de convictions et de dynamisme chrétien; nourrie de culture, non sans des élans de finesse ascétique et mystique; témoignée en public et en privé sans hésitation, gagnant même l'estime et le respect de plusieurs non-croyants. (4)

Aux laudes, ce matin, la prière de conclusion était la suivante: 

ORAISON

Seigneur, tu demandes à ton Église d’être le lieu où l’Évangile est annoncé en contradiction avec l’esprit du monde. Donne à tes enfants assez de foi pour ne pas déserter mais témoigner de toi devant les hommes en prenant appui sur ta parole. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu, qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen. (Laudes, vendredi de la première semaine)

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