Priscilla
et Aquila
Je dédie ce blogue à une jeune adulte chrétienne de ma paroisse dont le prénom est Priscilla.
On dit souvent que le temps que nous vivons en ce moment dans l'Église, est le temps des laïcs. Je crois que c'est vrai, vu en particulier la pénurie de prêtres. Mais les laïcs ont toujours eu un rôle immense à jouer dans l'Église. Ne forment-ils pas depuis toujours la très grande majorité du peuple de Dieu? Dans les évangiles, et je dirais spécialement l'évangile selon saint Luc, les laïcs ont une grande importance. Plusieurs femmes suivaient Jésus sur la route et l'aidaient de leurs ressources (Lc 8, 3). Les soixante-douze disciples envoyés en mission par Jésus étaient sûrement en majorité des laïcs (Lc 10,1). Saint Paul, dans ses lettres, saluent souvent ses amis laïcs qui collaborent à sa mision ou fait référence à eux. Parmi eux, Priscilla et Aquila ont une importance particulière. Le témoignage que Paul leur rend dans sa lettre aux Romains, est très fort et très touchant:
" Saluez de ma part Prisca (diminutif de Priscilla) et Aquilas, mes compagnons de travail en Jésus Christ, eux qui ont risqué leur tête pour me sauver la vie; je ne suis d'ailleurs pas seul à leur être reconnaissant, toutes les Églises des nations le sont aussi. Saluez l'Église qui se rassemble dans leur maison." (Rm 16, 3-5)
Dans les traductions de la Bible en langue française, on nomme souvent Priscilla "Priscille". Je préfère Priscilla car cela rime avec Aquila. Quant à Aquila, on écrit souvent son nom avec un "s": "Aquilas". Je préfère pour ma part le nommer "Aquila". Dans le film « Paul Apôtre du Christ » dont j’ai plus d’une fois parlé sur
mon blogue, si on fait exception des deux personnages principaux que sont saint
Paul et saint Luc, les deux figures chrétiennes qui se démarquent le plus sont Priscilla et Aquila. Priscilla et Aquila sont un couple dans la vie. Je trouve intéressant le fait que lorsqu'on parle de ce couple, on mentionne la femme en premier et le mari en second. Dans la vidéo mise ci-dessous, qui est tirée du film Paul, Apôtre du Christ, Priscilla semble posséder plus de sagesse que son mari. Je sais bien que dans le film, ce dialogue entre les deux époux a été inventé par Andrew Hyatt, le réalisateur et scripteur du film, mais c'est quand même intéressant que la femme soit présentée comme plus sage que l'homme.
Priscilla et Aquilas semblent avoir d'abord habité comme couple à Rome. Lorsque l'empereur Claude chassa les Juifs de Rome, Priscilla et Aquila allèrent habiter à Corinthe. C'est là, au début des années 50, qu'ils rencontrèrent Paul de Tarse et devinrent amis avec lui. Ils pratiquaient d'ailleurs le même métier: fabricateurs de tentes.
Paul, Aquila et Priscilla fabriquant une tente
On les retrouve ensuite à Éphèse. Dans cette ville, c'est chez Priscilla et Aquila que se rassemblaient et se rencontraient les chrétiens pour partager la Parole de Dieu et l'eucharistie. Ce couple était donc considéré en quelque sorte comme les leaders de la communauté. Je suggère de faire de Priscilla et Aquila les patrons et protecteurs de nos trois cellules paroissiales d'évangélisation et de celles qui naîtront dans le futur. Le couple retournera ensuite à Rome en 54 où il assistera en quelque sorte Paul au terme de sa vie alors qu'il est prisonnier de l'empereur. C'est d'ailleurs à cette époque-là que se passent les événements racontés dans le film Paul, Apôtre du Christ.
Le pape Benoît XVI a consacré une entière catéchèse à Priscilla et Aquila lors de l'audience générale du 7 février 2007. C'est un signe très fort de l'importance de ce couple pour tout chrétien, et spécialement pour nous chrétiens du 21e siècle. Voici ce qu'a écrit et dit Benoît XVI sur ce couple qui a vécu aux origines du christianisme:
BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 7 février
2007
Les époux Priscille et Aquilas
Chers frères et soeurs,
En faisant un nouveau pas dans cette sorte
de galerie de portraits des premiers témoins de la foi chrétienne, que nous
avons commencée il y a quelques semaines, nous prenons aujourd'hui en considération
un couple d'époux. Il s'agit des conjoints Priscille et Aquilas, qui se
trouvent dans le groupe des nombreux collaborateurs qui ont entouré l'apôtre
Paul, que j'avais déjà brièvement mentionnés mercredi dernier. Sur la base des
informations en notre possession, ce couple d'époux joua un
rôle très actif au temps des origines post-pascales de l'Eglise.
Les noms d'Aquilas et de Priscille sont
latins, mais l'homme et la femme qui les portent étaient d'origine juive.
Cependant, au moins Aquilas provenait géographiquement de la diaspora de
l'Anatolie septentrionale, qui s'ouvre sur la Mer Noire - dans la Turquie
actuelle -, alors que Priscille, dont le nom se trouve parfois abrégé en
Prisca, était probablement une juive provenant de Rome (cf. Ac 18, 2). C'est en
tout cas de Rome qu'ils étaient parvenus à Corinthe, où Paul les rencontra au
début des années 50; c'est là qu'il s'associa à eux car, comme nous le raconte
Luc, ils exerçaient le même métier de fabricants de toiles ou de tentes pour un
usage domestique, et il fut même accueilli
dans leur maison (cf. Ac 18, 3). Le motif de leur venue à Corinthe avait été la
décision de l'empereur Claude de chasser de Rome les Juifs résidant dans
l'Urbs. L'historien Romain Suétone nous dit, à propos de cet événement, qu'il
avait expulsé les Juifs car "ils provoquaient des tumultes en raison d'un
certain Crestus" (cf. "Les vies des douze Césars, Claude", 25).
On voit qu'il ne connaissait pas bien le nom - au lieu du Christ, il écrit
"Crestus" - et qu'il n'avait qu'une idée très confuse de ce
qui s'était passé. Quoi qu'il en soit, des discordes régnaient à l'intérieur de
la communauté juive autour de la question de savoir si Jésus était ou non le
Christ. Et ces problèmes constituaient pour l'empereur un motif pour expulser
simplement tous les juifs de Rome. On en déduit que les deux époux avait déjà
embrassé la foi chrétienne à Rome dans les années 40, et qu'ils avaient à
présent trouvé en Paul quelqu'un non seulement qui partageait cette foi avec
eux - que Jésus est le Christ - mais qui était également un apôtre, appelé
personnellement par le Seigneur Ressuscité. La première rencontre a donc lieu à
Corinthe, où ils l'accueillent dans leur maison et travaillent ensemble à la
fabrication de tentes.
Dans un deuxième temps, ils se rendirent
en Asie mineure, à Éphèse. Ils jouèrent là un rôle déterminant pour compléter
la formation chrétienne du juif alexandrin Apollos, dont nous avons parlé
mercredi dernier. Comme il ne connaissait que de façon sommaire la foi
chrétienne, "Priscille et Aquilas l'entendirent, ils le prirent à part et
lui exposèrent avec plus d'exactitude la Voie de Dieu" (Ac 18, 26). Quand,
à Éphèse, l'Apôtre Paul écrit sa Première Lettre aux Corinthiens, il envoie
aussi explicitement avec ses propres salutations celles d'"Aquilas et
Prisca [qui] vous saluent bien dans le Seigneur, avec l'Église qui se rassemble
chez eux" (16, 19). Nous apprenons ainsi le rôle très important que ce
couple joua dans le milieu de l'Église primitive: accueillir dans leur
maison le groupe des chrétiens locaux, lorsque ceux-ci se rassemblaient pour
écouter la Parole de Dieu et pour célébrer l'Eucharistie. C'est précisément ce
type de rassemblement qui est appelé en grec "ekklesìa" - le
mot latin est "ecclesia", le mot français "église" - qui
signifie convocation, assemblée, regroupement. Dans la maison d'Aquilas et de
Priscille, se réunit donc l'Eglise, la convocation du Christ, qui célèbre là
les saints Mystères. Et ainsi, nous pouvons précisément voir la naissance de la
réalité de l'Église dans les maisons des croyants. Les chrétiens, en effet,
jusque vers le III siècle, ne possédaient pas leurs propres lieux de
culte: dans un premier temps, ce furent les synagogues juives, jusqu'à ce
que la symbiose originelle entre l'Ancien et le Nouveau Testament ne se défasse
et que l'Eglise des Gentils ne soit obligée de trouver sa propre identité, toujours
profondément enracinée dans l'Ancien Testament. Ensuite, après cette
"rupture", les chrétiens se réunissent dans les maisons, qui
deviennent ainsi "Église". Et enfin, au III siècle, naissent de
véritables édifices de culte chrétien. Mais ici, dans la première moitié du I
et du II siècle, les maisons des chrétiens deviennent véritablement et à
proprement parler des "églises". Comme je l'ai dit, on y lit ensemble
les Saintes Écritures et l'on célèbre l'Eucharistie. C'est ce qui se passait,
par exemple, à Corinthe, où Paul mentionne un certain "Gaïus vous salue,
lui qui m'a ouvert sa maison, à moi et à toute l'Église" (Rm 16, 23), ou à
Laodicée, où la communauté se rassemblait dans la maison d'une certaine Nympha
(cf. Col 4, 15), ou à Colosse, où le rassemblement avait lieu dans la maison
d'un certain Archippe (cf. Phm 1, 2).
De retour à Rome, Aquilas et Priscille
continuèrent à accomplir cette très précieuse fonction également dans la
capitale de l'Empire. En effet, Paul, écrivant aux Romains, envoie précisément
ce salut: "Saluez Prisca et Aquilas, mes coopérateurs dans le Christ
Jésus; pour me sauver la vie ils ont risqué leur tête, et je ne suis pas seul à
leur devoir de la gratitude: c'est le cas de toutes les Églises de la
gentilité; saluez aussi l'Église qui se réunit chez eux" (Rm 16, 3-5).
Quel extraordinaire éloge des deux conjoints dans ces paroles! Et c'est
l'apôtre Paul lui-même qui le fait. Il reconnaît explicitement en eux deux
véritables et importants collaborateurs de son apostolat. La référence au fait
d'avoir risqué la vie pour lui est probablement liée à des interventions en sa
faveur au cours d'un de ses emprisonnements, peut-être à Éphèse même (cf. Ac
19, 23; 1 Co 15, 32; 2 Co 1, 8-9). Et le fait qu'à sa gratitude, Paul associe
même celle de toutes les Églises des gentils, tout en considérant peut-être
l'expression quelque peu excessive, laisse entrevoir combien leur rayon
d'action a été vaste, ainsi, en tous cas que leur influence en faveur de
l'Évangile.
La tradition hagiographique postérieure a
conféré une importance particulière à Priscille, même s'il reste le problème de
son identification avec une autre Priscille martyre. Dans tous les cas, ici, à
Rome, nous avons aussi bien une église consacrée à Sainte Prisca sur l'Aventin
que les catacombes de Priscille sur la Via Salaria. De cette façon se perpétue
la mémoire d'une femme, qui a été certainement une personne active et d'une
grande valeur dans l'histoire du christianisme romain. Une chose est
certaine: à la gratitude de ces premières Églises, dont parle saint Paul,
doit s'unir la nôtre, car c'est grâce à la foi et à l'engagement apostolique de
fidèles laïcs, de familles, d'époux comme Priscille et Aquilas, que le
christianisme est parvenu à notre génération. Il ne pouvait pas croître uniquement
grâce aux Apôtres qui l'annonçaient. Pour s'enraciner dans la terre du peuple,
pour se développer de façon vivante, était nécessaire l'engagement de ces
familles, de ces époux, de ces communautés chrétiennes, et de fidèles laïcs qui
ont offert l'"humus" à la croissance de la foi. Et c'est toujours et
seulement ainsi que croît l'Église. En particulier, ce couple démontre combien
l'action des époux chrétiens est importante. Lors-qu'ils sont soutenus par la
foi et par une forte spiritualité, leur engagement courageux pour l'Église et
dans l'Eglise devient naturel. Leur vie commune quotidienne se prolonge et en
quelque sorte s'élève en assumant une responsabilité commune en faveur du Corps
mystique du Christ, ne fût-ce qu'une petite partie de celui-ci. Il en était
ainsi dans la première génération et il en sera souvent ainsi.
Nous pouvons tirer une autre leçon
importante de leur exemple: chaque maison peut se transformer en une
petite Eglise. Non seulement dans le sens où dans celle-ci doit régner le
typique amour chrétien fait d'altruisme et d'attention réciproque, mais plus
encore dans le sens où toute la vie familiale sur la base de la foi, est
appelée à tourner autour de l'unique domination de Jésus Christ. Ce n'est pas
par hasard que dans la Lettre aux Éphésiens, Paul compare la relation
matrimoniale à la communion sponsale qui existe entre le Christ et l'Église
(cf. Eph 5, 25-33). Nous pourrions même considérer que l'Apôtre façonne
indirectement la vie de l'Eglise tout entière sur celle de la famille. Et en
réalité, l'Église est la famille de Dieu. Nous honorons donc Aquilas et
Priscille comme modèles d'une vie conjugale engagée de façon responsable au
service de toute la communauté chrétienne. Et nous trouvons en eux le modèle de
l'Église, famille de Dieu pour tous les temps.
* * *
Je salue cordialement les pèlerins de
langue française, en particulier les jeunes et le groupe de pèlerins corses de
la paroisse de Porto-Vecchio. Je vous invite tous à faire de vos familles des
petites Églises, où le Christ est honoré et où chacun puise la force d’être
témoin de l’Évangile.
© Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana
En France, il existe une association nommée "Communion Priscille et Aquila" qui " a pour vocation singulière de rassembler des couples unis dans le sacrement de mariage, ayant reçu un appel missionnaire conjugal: "Annoncer en couple, dans l'Esprit-Saint et en Église, l'Évangile du Christ de manière explicite et kérygmatique, et susciter d'autres couples missionnaires." La communion rassemble à ce jour 60 couples dans plus de 25 diocèses en France."
Voir: Communion Priscille & Aquila www.communion-priscille-aquila.com/
Pour ceux et celles que cela intéresserait, il existe en anglais un texte où l'auteur nous propose sept leçons matrimoniales que l'on peut tirer de la vie de Priscilla et Aquila.
Voir: Seven (7) marriage lessons learned from Aquila and Priscilla https:/
Dans la vidéo ci-dessous, tirée du film Paul, Apôtre du Christ, vous pouvez voir le couple que forme Priscilla et Aquila. Malheureusement la video est en anglais.
https://www.wingclips.com/.../priscilla-and-aquila-discuss-fleeing-ro...
Questions pour un partage:
Connaissiez-vous auparavant ce couple? Si oui, qu'est ce que vous saviez de lui?
Quels sont les chrétiens laïcs qui ont eu une influence marquante dans votre vie?