14
septembre : la « Croix glorieuse »
En ce dimanche 14 septembre, l’Église
universelle célèbre la Croix glorieuse de Notre Seigneur Jésus
Christ. Il est assez rare que la liturgie dominicale cède le pas à une autre
liturgie, car le dimanche a pour les catholiques une importance capitale. Tous
les dimanches de l’année revêtent un caractère exceptionnel. Cependant,
lorsqu’une fête liturgique qui concerne le Seigneur Jésus, a lieu un dimanche (comme
c’est le cas aujourd’hui), cette fête du Seigneur a préséance sur la
liturgie dominicale.
Il me semble que la fête de la Croix glorieuse
revêt une importance particulière cette année, en raison des grands débats de
société qui ont cours en ce moment dans le monde occidental, et en particulier
au Québec. Nous ne vivons plus dans une société christianisée. La grande
majorité de nos concitoyens ne partagent pas notre foi en Dieu Père, Fils et
Esprit-Saint. Mais nous vivons tous ensemble, dans la société. La question est
de savoir qui influence qui? Est-ce que les chrétiens réussissent à jouer
leur rôle, qui est de porter la lumière du Christ autour d’eux, ou bien se
laissent-ils peu à peu influencer par une vision du monde sans Dieu? Un de mes versets préférés de la Bible, est
tiré du psaume 119: « Ta Parole
est une lampe pour mes pas, une lumière sur ma route » (Ps
119, 105). Oui, la Parole de Dieu est une lumière sur notre route de tous les
jours. Et cette lumière devrait éclairer toute notre vie.
La fête d’aujourd’hui nous invite à méditer
sur le mystère de la croix, de la « croix glorieuse ».
Pourquoi les chrétiens considèrent-ils la croix comme étant glorieuse ?
Principalement parce que c’est la croix de Jésus qui nous a ouvert le paradis et qui nous donne la possibilité d’atteindre un jour la gloire qui nous est
promise. Voilà la raison principale de la fête d’aujourd’hui :
la croix est l’instrument, le moyen du salut. Et cela n’est pas rien. C’est ce
que la Parole de Dieu nous dit dans l’office des Laudes d’aujourd’hui : « Puisque le créateur et
maître de tout voulait avoir une multitude de fils à conduire jusqu’à la
gloire, il était normal qu’il mène à sa perfection, par la souffrance, celui
qui est à l’origine du salut de tous. » (He 2, 10)
Il y a de nos jours, une façon dangereuse et
erronée de voir le monde et sa perspective de salut. Plusieurs personnes
croient fermement que tous les êtres humains iront un jour au ciel. Nous devons
tous espérer cela, bien sûr, mais le « salut automatique » n’a
jamais fait partie du Credo de l’Église, des vérités à croire dans le
christianisme. Au contraire, le salut de l’être humain n’a rien d’automatique.
Chaque homme et chaque femme ayant vécu sur cette planète, devra dire oui à
Dieu, pour être sauvé; et devra dire oui à la croix du Christ. Chaque
être humain, pour entrer dans la gloire qui lui est promise, devra accepter que
Dieu l’ait aimé à mort, que Dieu l’ait aimé jusqu’à mourir pour lui. L’évangile
d’aujourd’hui nous présente cette phrase magnifique de saint Jean : « Dieu a tant aimé le monde,
qu’Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas,
mais ait la vie éternelle. » (Jn 3, 16)
Pour ceux et celles qui croient que Dieu
est trop bon pour permettre que ses enfants ou ses créatures, soient
éternellement séparés de Lui, je les invite à considérer le sort des démons.
L’enfer existe; et il est peuplé de démons qui ne souhaitent qu’une
chose: nous attirer dans leur lieu de perdition. C’est même par bonté que
l’enfer existe; car Dieu est tellement bon, qu’il respecte la liberté de
ses créatures. Si un de ses enfants ne veut rien savoir du salut qui lui est
offert et refuse catégoriquement l’amour de son Dieu, notre Père du ciel
respectera ce choix.
Une fois que nous croyons cela, et que nous
savons que par notre vie et par notre mort, nous pouvons contribuer nous aussi
au salut du genre humain, comment ne pas désirer tout faire pour que chaque
personne dise oui à Dieu, tout au moins à l’heure de sa mort? Et parlant de
mort, je crois personnellement, que la mort est le plus grand et le plus
précieux moment de notre vie. La mort est le couronnement d’une vie humaine. Personne
n’a le droit de nous voler notre mort. J’espère de tout cœur vivre la mort qui
m’est destinée, la mort que Dieu a préparée pour moi dans sa divine Providence
et dans son immense amour. C’est surtout par l’acceptation amoureuse de notre
mort, que nous porterons du fruit pour le salut de nos frères et sœurs humains.
Dieu a daigné mettre devant nos yeux, à l’aube
du troisième millénaire, un exemple extraordinaire de foi en la « Croix
glorieuse ». Le pape Jean-Paul II, désormais proclamé saint, a donné à
tous l’exemple de quelqu’un qui croyait en la force et la puissance de la
souffrance. Voici, ci-dessous, l’acte d’abandon à la Miséricorde, que le
pape a composé le 18 mai 1985, alors qu’il fêtait ses soixante-cinq ans.
Jean-Paul II était alors en voyage apostolique aux Pays-Bas. Ce texte est très
impressionnant, pour nous qui savons comment notre cher pape Jean-Paul II a
terminé sa vie. Mais lorsqu’il a composé cette prière, il était relativement en
forme.
L’acte d’abandon à
la Miséricorde
de Jean-Paul II
« Seigneur,
voilà plus de soixante-cinq ans que Tu m’as fait le don inestimable de la vie,
et depuis ma naissance, Tu n’as cessé de me combler de tes grâces et de ton
amour infini. Au cours de toutes ces années se sont entremêlés de grandes joies,
des épreuves, des succès, des échecs, des revers de santé, des deuils, comme
cela arrive à tout le monde. Avec ta grâce et ton secours, j’ai pu triompher de
ces obstacles et avancer vers Toi. Aujourd’hui, je me sens riche de mon
expérience et de la grande consolation d’avoir été l’objet de ton amour. Mon
âme te chante sa reconnaissance.
Mais je
rencontre quotidiennement dans mon entourage des personnes âgées que Tu
éprouves fortement : elles sont paralysées, handicapées, impotentes et
souvent n’ont plus la force de Te prier, d’autres ont perdu l’usage de leurs
facultés mentales et ne peuvent plus T’atteindre à travers leur monde irréel.
Je vois agir ces gens et je me dis : « Si c’était moi ? »
Alors,
Seigneur, aujourd’hui même, tandis que je jouis de la possession de toutes mes
facultés motrices et mentales, je T’offre à l’avance mon acceptation à ta
sainte volonté, et dès maintenant je veux que si l’une ou l’autres de ces
épreuves m’arrivait, elle puisse servir à ta gloire et au salut des âmes. Dès
maintenant aussi, je Te demande de soutenir de ta grâce les personnes qui
auraient la tâche ingrate de me venir en aide. » (Pays-Bas, 18 mai 1985)
Si, un
jour, la maladie devait envahir mon cerveau et anéantir ma lucidité, déjà,
Seigneur, ma soumission est devant Toi et se poursuivra en une silencieuse
adoration.
Si, un jour, un état
d’inconscience prolongée devait me terrasser, je veux que chacune de ces heures
que j’aurai à vivre soit une suite ininterrompue d’actions de grâce et que mon
dernier soupir soit aussi un soupir d’amour. Mon âme, guidée à cet instant par
la main de Marie, se présentera devant Toi pour chanter tes louanges
éternellement. » (Pays-Bas, 18 mai 1985)
Le Père Thomas Rosica, csb, a écrit un merveilleux article sur
le pape Jean-Paul II, le 15 avril dernier, en l’honneur du Vendredi Saint.
Voici quelques extraits de ce texte :
« À
la suite de l’apôtre Paul et de toute la tradition catholique, l’ancien pape a
soutenu toute sa vie que c’est précisément par la souffrance que le Christ a
montré sa solidarité avec l’humanité et que c’est par elle que nous pouvons
grandir en solidarité avec le Christ qui est notre vie.
En 1981, alors qu’il se remettait d’un attentat, place
Saint-Pierre, qui avait failli lui coûter la vie, Jean-Paul II avait déclaré
que la souffrance, en tant que telle, est l’un des messages les plus puissants
du christianisme.
En 1994, quand l’âge et les infirmités commencèrent à lui
imposer des handicaps, il annonça à ses collaborateurs qu’il avait entendu le
message de Dieu et qu’il allait modifier sa façon de gouverner l’Église. « Il me faut la gouverner par la
souffrance, dit-il. Le pape doit souffrir pour que chaque famille et le monde
entier voient bien qu’il y a, pourrais-je dire, un évangile supérieur :
l’évangile de la souffrance, grâce auquel on doit préparer l’avenir. »
En 1999, en préparation pour le Grand Jubilé, le pape
Jean-Paul II fait paraître sa « Lettre aux personnes âgées ».
La souffrance publique
Si pénible qu’ait pu devenir pour lui sa propre vie, le
pape Jean-Paul II nous a enseigné que la vie est sacrée. Plutôt que de cacher
ses infirmités, comme le font la plupart des personnalités choyées du public,
le pape Jean-Paul II a laissé le monde entier voir ce qui lui arrivait. Au
dernier acte de sa vie, l’athlète était immobilisé; la voix vibrante et
vigoureuse était réduite au silence et la main qui avait rédigé de volumineuses
encycliques ne pouvait plus écrire. La dernière homélie de Jean-Paul II
s’inspirait des derniers mots du Galiléen son Maître à Simon Pierre : « En vérité, je te le dis : quand
tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais;
quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta
ceinture pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller… Puis [Jésus] lui
dit : Suis-moi. » (Jean 21, 18-19)
Nombre de catholiques et de non-chrétiens ont vu dans la
souffrance du pape une épreuve analogue à l’agonie de Jésus lui-même; et de
fait, ni Jean-Paul II ni son entourage n’ont désavoué ce genre de comparaisons.
Quand on lui avait demandé, quelques années auparavant, s’il pourrait envisager
de démissionner, Jean-Paul II aurait répondu par une question : « Le Christ est-il descendu de la
croix? » Ses proches collaborateurs disent que le débat sur la
question de savoir s’il était en mesure d’administrer l’Église, comme s’il
était le p.-d.-g. d’une grande société commerciale, passe à côté de la
question. Le pape n’occupe pas un emploi, il remplit une mission divine, et la
souffrance est au cœur de cette mission.
La soirée du dernier Vendredi saint
Un des souvenirs les plus forts que je conserve de la
dernière semaine de vie de Jean-Paul II, c’est le Chemin de croix au Colisée,
le soir du Vendredi saint 2005, auquel il a participé en suivant la cérémonie à
la télévision dans sa chapelle privée. La caméra de télé installée dans sa
chapelle était placée derrière lui pour qu’il puisse se concentrer sur la
célébration à laquelle il avait toujours participé en personne. Pour la
télédiffusion en anglais, Monseigneur John Foley assurait de Rome le
commentaire et donnait lecture des méditations interpellantes préparées par un
certain cardinal Joseph Ratzinger.
À un certain moment, vers la fin du Chemin de croix,
quelqu’un a placé un assez grand crucifix sur les genoux du Saint Père; celui-ci
regardait amoureusement la figure de Jésus. Quand furent prononcés les mots « Jésus meurt sur la croix »,
le pape Jean-Paul se saisit du crucifix, le pressa sur son cœur et l’embrassa.
Je n’oublierai jamais la scène. Une homélie d’une telle puissance sans un seul
mot! Comme Jésus, le pape Jean-Paul II embrassait la croix; en fait, il
embrassait Jésus Christ crucifié dans la nuit du Vendredi saint.
La mort d’un patriarche
Plusieurs heures avant sa mort, les dernières paroles
audibles prononcées par le pape Jean-Paul furent : « Laissez-moi
aller à la maison du Père ». Dans un climat de prière, pendant qu’une
messe était célébrée au pied de son lit et qu’une foule de fidèles chantait sur
la place Saint-Pierre, il mourut à 21h37, le 2 avril. Par sa passion, sa
souffrance et sa mort publiques, ce saint prêtre, successeur des apôtres et
Serviteur de Dieu, nous a fait voir le visage souffrant de Jésus d’une façon
absolument remarquable. (Tiré du
site internet suivant: Souffrance
et mort d'un berger - Télévision Sel + Lumière)